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Au liban, les archives de la révolution musicale arabe

La période la plus innovante de la musique arabe a failli tomber dans l’oubli. Au Liban, la Fondation Amar sauvegarde et diffuse la musique de la Renaissance arabe du début du XXe siècle.

L’équipe de la fondation utilise un phonographe à manivelle pour numériser des disques 78 tours du début du XXe siècle.

L’équipe de la fondation utilise un phonographe à manivelle pour numériser des disques 78 tours du début du XXe siècle. / Fondation Amar

Beyrouth de notre correspondant

Depuis une maisonnette en bois du village Qornet El-Hamra situé dans le mont Liban, chaque jour se lève avec les mélopées enivrantes d’Abd Al Hayy Hilmi ou de Yusuf Al Manyalawi. Les membres de l’équipe de la Fondation pour l’archivage et la recherche sur la musique arabe (Amar) y passent des disques 78 tours du début du siècle dernier sur un phonographe à manivelle, afin de les numériser et de les archiver consciencieusement.

« L’objectif d’Amar est de conserver et de diffuser la musique arabe classique, des débuts de l’enregistrement fin XIXe siècle au début des années 1930. Nous disposons actuellement de 6 500 disques, ainsi que de milliers d’heures d’enregistrement sur bobine et même des cylindres de cire, détaille Mounzer El Hachem, ingénieur du son au sein de la fondation. Amar se concentre sur tout ce qui provient de la période de la Nahda, la Renaissance arabe. »

Une nouvelle tradition musicale centrée sur l’improvisation

Baidaphon, l’un des plus anciens labels libanais./Fondation Amar

Baidaphon, l’un des plus anciens labels libanais. / Fondation Amar

La Nahda (« Renaissance ») désigne la période du XVIIIe au début du XXe siècles au cours de laquelle le monde arabe connaît un renouveau culturel et politique, sous l’influence des réformes de l’Empire ottoman, les Tanzimat, mais aussi de la pénétration croissante de l’économie et des concepts politiques de l’Occident et d’ailleurs.

Comme l’explique Nidaa Abou Mrad, doyen de la faculté de musicologie de l’Université antonine, « à l’instigation du khédive Ismaël (vice-roi d’Égypte), le compositeur Abdu Al Hamûlî (1843-1901) a réalisé avec d’autres artistes un métissage entre la tradition musicale levantine du muwashshah, la musique populaire citadine égyptienne, le courant soufi arabe et des aspects de la tradition musicale ottomane ».

De ce brassage naît une nouvelle tradition musicale, centrée sur l’improvisation. L’extase (tarab en arabe) provoquée par ces longs récitals est telle que ce genre musical est parfois simplement dénommé tarab… Un genre qui faillit disparaître, à mesure que les archives arabes des sociétés d’enregistrement de l’époque ont été détruites. En 2007, le philanthrope libanais Kamal Kassar a mis la main sur la collection unique du mélomane égyptien Abd Al Aziz Anâni et, deux ans après, a créé la Fondation Amar pour la préserver.

Directeur d’Amar, le musicien et musicologue égyptien Mustafa Saïd précise : « Outre l’archivage, nous produisons des CD, j’ai réalisé 209 épisodes de podcast, nous préparons des séances d’écoute à Beyrouth… Car il faut recréer un public pour cette musique si longtemps négligée. »

Emmanuel Haddad