Comment Avicenne a révolutionné l’étude de la médecine

Par Elsa Mourgues 14/12/2020

Avicenne a permis à des générations de médecins d’étudier au mieux leur discipline en créant la première encyclopédie médicale. Son œuvre magistrale , »Le Canon », a été le manuel de référence de tout étudiant en médecine pendant des siècles.

Symbole de l’influence de la culture perse et arabe en Occident, voici comment Avicenne, médecin et philosophe perse, a révolutionné l’apprentissage de la médecine.

Un homme de lettres

À une époque où le Moyen Âge occidental baignait encore dans une obscurité culturelle profonde (…)  très lentement la lumière nous vint enfin, d’Orient, comme toujours, les lueurs du puissant flambeau allumé par Avicenne furent parmi les premières à nous éclairer.
André Marie, ministre de l’Éducation nationale en 1954

Avicenne naît en 980 en Perse dans l’actuel Ouzbékistan, après une renaissance culturelle et en pleine effervescence intellectuelle. Ce qui lui donne accès à de nombreux livres, dont de nombreux ouvrages traduits du grec : mathématiques, philosophie, astronomie, alchimie… Il estime avoir dépassé ses maîtres en quelques années.

Il faut l’imaginer adolescent, la nuit il ne voulait pas se coucher, il ne dormait quasiment jamais, il dit : « Je ne faisais jamais une nuit complète parce qu’à la lumière de la bougie, je lisais. » Il lisait de la philosophie, il lisait Aristote. Ce qu’il nous dit, c’est qu’à 18 ans il avait appris tout ce qui était possible d’apprendre. Ça nous montre qu’il avait une certaine ambition et une certaine conscience de sa valeur.          Joël Chandelier, historien médiéviste

Sur son temps libre, pour se distraire, il étudie la médecine et à peine sorti de l’adolescence, il soigne le prince Ibn Mansour et gagne ainsi la reconnaissance des plus grands de son temps. La guérison du prince lui donne accès à la bibliothèque royale. Assoiffé de connaissances, il étudie la médecine de Galien, d’Hippocrate ou encore d’al-Ghazali. Pour lui, la médecine doit être thérapeutique mais aussi préventive, il insiste sur l’importance du sommeil, de la nourriture, de l’exercice physique, des émotions, etc.

La première encyclopédie médicale

Autour de 1010, il entame un ouvrage gigantesque et exceptionnel. Pendant treize ans il analyse et synthétise tous les savoirs médicaux existants, des auteurs grecs aux influences indiennes en passant par les médecins arabes. La première encyclopédie médicale est née : Al-Qanûn, Le Canon. Synthèse entre savoir théorique et pratique concrète, ce livre devient un manuel de médecine incontournable en Orient et en Occident .

Ce n’est pas tant les nouveaux traitements qu’Avicenne a découverts, il y en a quelques-uns, il insiste notamment sur la musique utile pour soigner les problèmes de dépression. Mais plus que ça, c’est qu’il a vraiment mis de l’ordre dans la médecine de son temps. Il y a  un médecin allemand qui dit que quand il était étudiant à la fin du XVe siècle à Leipzig son maître lui disait : “Il n’y a pas de bon médecin s’il n’est pas avicennien ». Joël Chandelier, historien médiéviste.

Pour faciliter l’apprentissage Avicenne rédige un condensé de son œuvre composé de 1326 vers :

  • En été, réduit la quantité d’aliments,
    recherche les nourritures légères,
    évite toutes viande lourde,
    préfère les légumes et les laitages.

Avicenne pratique peu la médecine. Il considère que si le corps peut être soigné par la médecine, l’âme peut être guérie par la philosophie et se voit lui-même davantage comme philosophe que médecin. Au cœur de ses réflexions, cette question : comment l’âme immatérielle, et le corps matériel peuvent être unis ?

Alors qu’Aristote défend la prédominance du rôle du cœur et Galien celle du cerveau, il unit ces deux pensées.

Il va dire : « Le cœur c’est l’origine et le cerveau c’est l’instrument ». Comme par exemple pour la vue. L’œil c’est l’instrument mais en réalité qu’est-ce qui analyse les images ? C’est votre cerveau. Il essaie de faire en sorte que la science soit unifiée et ça c’est une tâche immense que pratiquement personne n’avait fait avant lui et c’est aussi pour ça qu’il a eu tant de succès. Joël Chandelier, historien médiéviste.

À sa mort en 1037, les échanges entre les mondes musulman et chrétien prolifèrent. Son œuvre est traduite en latin puis diffusée en Europe où elle fera office de référence pendant des siècles.

Elsa Mourgues

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