Talal Salman : Un Liban atrophié, dans un monde arabe en déchéance, ne peut s’intéresser à une presse libre

InterviewPorte-étendard pendant des décennies du nationalisme arabe et des grandes causes de la région, notamment la cause palestinienne, le quotidien « as-Safir » mettra sur le marché aujourd’hui son dernier numéro, tirant ainsi un trait sur son riche parcours, victime des retombées financières du bouleversement géopolitique et idéologique qui frappe le Moyen-Orient.

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Propos recueillis par Jeanine JALKH | OLJ
31/12/2016

Aujourd’hui est un jour triste et sombre non seulement pour le Liban mais aussi pour le reste du monde arabe. « La voix de tous ceux qui n’en ont pas » s’éteindra et avec elle, la défense des grandes causes sociales et politiques de cette région. Le quotidien as-Safir, un géant de la presse arabe, ferme aujourd’hui ses portes, cette fois-ci pour de bon.
Souffrant depuis un certain temps d’un manque de fonds, et ne pouvant plus survivre dans un monde accéléré et expéditif où le contenant de l’information importe désormais plus que son contenu, le quotidien a décidé de se retirer de la course, après 43 ans de lutte et de survie qui n’ont cependant jamais affecté la qualité qu’il offrait à ses lecteurs.
Opérant dans un contexte des plus difficiles depuis 1973, à la veille de la guerre civile libanaise, as-Safir n’a jamais lésiné sur son engagement en faveur des grandes causes politiques et humanistes, celles des droits et de la justice, dans un monde arabe qui se trouvait déjà aux portes d’une déchéance latente, devenue aujourd’hui effective.
Dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour le fondateur et grand inspirateur du quotidien, Talal Salman, nous raconte, avec un serrement au cœur, les heures de gloire mais aussi l’agonie d’une exceptionnelle tribune qui a formé et influencé toute une génération de penseurs et de journalistes, et nourri une opinion publique arabe que les dictatures de la région ont manipulée, des décennies durant, dans des desseins obscurs et obscurantistes.

« L’Orient-Le Jour » – Comment expliquer cette décision-choc ?
Talal Salman – Cette époque n’est plus la nôtre. La politique dans le monde arabe est condamnée à l’échafaud. Elle a été complètement vidée de son sens. Le monde arabe est aujourd’hui noyé dans le sang. La seule voix que l’on entend désormais est celle des balles et des mortiers. Par conséquent, les idées et les opinions n’ont plus d’écho et de moins de moins d’oreilles. Plus personne ne s’intéresse à la presse écrite. On lui préfère aujourd’hui les outils de transmission express de l’information tels que Twitter ou Facebook dont on use et abuse dans un monde arabe où la démocratie n’a plus sa place. Au Liban notamment, ce qui compte désormais pour les partis politiques et formations en présence, c’est de faire la propagande de leurs discours respectifs. Le pays a témoigné pendant près de trois ans d’une paralysie totale des institutions, depuis la présidence jusqu’au Parlement en passant par le gouvernement. Lorsque l’élection d’un chef de l’État a finalement eu lieu, personne ne s’est enthousiasmé. Les soucis quotidiens des citoyens sont ailleurs. Ils savent parfaitement que même la naissance d’un nouveau gouvernement n’y fera rien. La démocratie entendue au sens d’un débat d’idées, de la reddition de comptes et de l’alternance ne les concerne plus. Il y va de même pour la presse libre et indépendante devenue dysfonctionnelle dans ce paysage atrophié, aux contours dessinés par le sang qui coule par-delà les frontières.

Le « Safir » a longtemps survécu grâce aux fonds arabes. Qu’en est-il aujourd’hui ? Les pays du Golfe et autres pays arabes ont-ils renoncé à aider ?
J’aurais tant souhaité que nos frères dans le Golfe puissent s’intéresser à une presse indépendante et libre. Observez leur paysage médiatique, vous ne trouverez que des journaux loyalistes contrôlés par les locataires des palais. Non seulement aucune voix dissidente n’est tolérée mais même l’esprit critique y est étouffé. Soyons clairs : la vie politique n’existe simplement pas dans cette partie du monde. Connaissez-vous un seul leader de l’opposition dans n’importe lequel de ces royaumes et émirats ? Si l’on scrute par ailleurs un peu plus le reste du monde arabe, l’on constate que la Syrie et l’Irak sont soumis à l’empire de la violence, la Libye n’existe quasiment plus, l’Égypte ploie sous le double effet de la pauvreté et d’une dictature militaire et l’Algérie est façonnée à l’image de son éternel président. Au Safir, nous avons longtemps brandi le slogan de l’arabité et avons défendu l’unité dans cette région et prôné la nécessité des réformes, convaincus que les peuples partagent ici les mêmes soucis et des problématiques similaires. Le spectacle de désolation dont on témoigne aujourd’hui est la preuve d’un échec cuisant à ce niveau.

Pourquoi votre décision d’abdiquer aujourd’hui, de renoncer à cette mission ?
Tout simplement parce que je n’ai plus de munitions pour poursuivre mon combat. Notre cause principale, rappelons-le, a toujours été et reste la défense du panarabisme arabe qui devait être le prélude à la naissance d’une unité entre les peuples et les États de la région. Ce rêve a disparu, Israël étant devenu la seule puissance en place. Je reconnais – et je n’en ai pas honte – avoir reçu à un moment donné des fonds de la Libye, que ce soit de Mouammar Kaddafi ou de son commandant en chef de l’armée, Abou Bakr Younès. Il ne faut pas oublier que la Libye des années 70 soutenait à fond la ligne du nationalisme arabe. Mais notre soutien ultime a toujours été nos lecteurs arabes et surtout libanais.

Vous avez quand même poursuivi votre combat malgré les risques…
J’ai été la cible de plusieurs attentats – j’en porte encore les marques sur mon corps – et ma famille a été menacée plus d’une fois. Autant de tentatives visant à faire taire notre quotidien et les voix libres qui l’alimentaient. Je n’ai jamais flanché devant les intimidations. Nous avons quand même survécu et poursuivi notre mission pendant 43 ans.

La naissance du quotidien « al-Akhbar » a-t-elle affecté vos ventes ?
Nous considérons ce quotidien, qui a d’ailleurs été fondé par feu Joseph Samaha, un ancien journaliste du Safir, comme étant notre « enfant adoptif ». C’est un journal qui est venu compléter le nôtre, une sorte de valeur ajoutée offerte à nos lecteurs. Nos ventes ont certes été affectées par sa mise sur le marché mais dans une mesure très minime.

Le site Web, un prolongement du journal papier
Pourquoi le « Safir » n’a-t-il pas effectué une mutation en améliorant son site Web ?
Le site n’est, en définitive, qu’un prolongement du journal papier. Il ne peut exister en lui-même à moins de l’inonder de scandales sexuels ou de sujets autour de ce domaine qui ne relèvent pas de notre expertise. Pour construire un site digne de ce nom, avec des sujets à thème, il faut beaucoup de fonds. Si j’en avais les moyens, j’aurais choisi de placer, plutôt, l’argent dans le papier.

L’ancien ministre de l’Information, Ramzi Jreige, avait pourtant promis de mettre en place un fonds pour aider les médias en détresse ? Qu’est devenu ce projet ?
C’est vrai. Sauf que le Conseil des ministres a noyé le poisson pour finir par envoyer le projet au Parlement dont les portes ont été soudées une fois de plus et la clé séquestrée aux mains de je ne sais qui. Honnêtement, qui peut compter sur cette classe politique que nous avons ? On ne peut véritablement espérer qu’elle vienne soutenir un projet qui sert les intérêts des citoyens, encore moins une entreprise intellectuelle ou culturelle.

« Je ne suis pas un Don Quichotte, mais j’ai le courage de mes idées et de mes convictions » / Ghassan Salamé

« Je ne suis pas un Don Quichotte, mais j’ai le courage de mes idées et de mes convictions »

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EntretienConversation à bâtons rompus en vidéoconférence avec Ghassan Salamé, qui a annoncé « en primeur » à « L’Orient-Le Jour » les grandes lignes de son programme de candidature à la direction générale de l’Unesco. Un programme qui n’a encore pas fait réagir d’un iota, dans un sens ou dans l’autre, l’État libanais…

Maya GHANDOUR HERT | OLJ

« Après quarante ans dans l’enseignement supérieur et la culture, après une participation active à la rédaction de la Convention internationale sur la diversité culturelle et sur la protection du patrimoine immatériel, après avoir présidé la Conférence ministérielle de la Francophonie, ou encore avoir créé Afac, après des années au service de l’Onu, je pense que ma candidature est légitime et que je peux beaucoup apporter à cette organisation. »

Cette déclaration de l’ancien ministre de la Culture, Ghassan Salamé, sonne comme un plaidoyer qui annonce les couleurs de sa candidature au poste de directeur général de l’Unesco en 2017. Une candidature placée assurément sous le signe d’un nouvel humanisme ? Le politologue et professeur des universités à l’Institut d’études politiques de Paris lance d’emblée : « Certainement vers un consensus autour de valeurs humanistes irréductibles et partagées. Certainement sous le signe d’une mise en valeur de ce qui nous réunit dans un siècle où on insiste beaucoup trop sur ce qui nous différencie. C’est là une tâche énorme. Mais où mieux qu’à l’Unesco peut-on la mener ? Je crois fondamentalement qu’il est légitime et très significatif qu’un tel projet soit aujourd’hui porté par un enfant du Liban et du monde arabe. »

Derrière l’homme, une peinture de Hassan Jouni, représentant un paysage du Liban-Sud. Sur fond de verdure, des toits en argile clairsèment la toile qui apparaît comme une version utopique de la réalité actuelle, entre urbanisme chaotique rampant et menaces tapies derrière les voiles du quotidien…
Oui, il croit bien que le monde change. Il change d’une manière qui n’est pas toujours rassurante. « Il change d’une manière où la culture irrigue plus que jamais la politique internationale. Malheureusement, elle ne l’irrigue pas toujours avec de l’eau pure, mais trop souvent avec des crispations et de la violence, parfois intolérables. Se déroulent sous nos yeux des dérives culturelles et idéologiques qui affectent négativement les relations internationales et nous posent un défi extraordinaire et sans précédent, au moins depuis plusieurs décennies. C’est pourquoi je pense que la plupart des organisations internationales doivent redéfinir leur rôle en fonction de ces dérives. L’Unesco, en particulier, a un rôle primordial en la matière et un rôle nouveau qui se dessine devant elle, si elle se décide à le jouer. »

Le choc des individus
L’Unesco aseptiseur ? « Ce n’est peut-être pas le mot idoine. Mais en effet, l’Unesco a été créée fondamentalement au service d’une socialisation politique optimale des jeunes générations et pour garantir une interaction interculturelle paisible et sereine. Or le défi n’a jamais été aussi important qu’aujourd’hui. »
Ne faut-il pas plutôt se réjouir que la culture n’est plus l’apanage d’une élite ? « C’est vrai qu’il ne faut pas pousser la culture dans des ghettos, mais il ne faut pas non plus la mettre à toutes les sauces sans véritablement poser la question préalable de la représentation. Il faut faire attention lorsqu’on introduit la culture inopinément dans tout et partout, telle une summa causa pour expliquer le monde. » Cette autre dérive n’est, selon Ghassan Salamé, pas moins dangereuse, et il l’a souvent combattue dans ses travaux académiques. « Par exemple, lorsqu’on parle du choc ou du dialogue des civilisations, qui autorise qui à parler au nom d’une civilisation entière ? On entend dire : Ma culture, ma civilisation pense ceci, pense cela. Ma première réaction à cela est : mon gars, qui t’a autorisé à parler au nom de millions de personnes ? Qui t’a mandaté ?
C’est là que se pose la question de représentation. Ce n’est pas parce que je suis un homme que je peux parler au nom de tous les hommes. On n’est pas nécessairement mandaté simplement parce qu’on appartient à un groupe religieux, confessionnel ou culturel pour le représenter et parler au nom de tout ce groupe », martèle l’ancien ministre. Il répète d’ailleurs maintes fois que le dialogue intercivilisationnel est un dialogue qui se fait entre des individus, des groupes, des États, mais les « civilisations » en elles-mêmes ne sont pas des acteurs. « Elles sont des viviers dans lesquels nous puisons collectivement et individuellement nos valeurs, les ingrédients de notre identité. »

Renouer les liens
Aujourd’hui, une certaine culture du vivre-ensemble est plus que jamais menacée. Comment œuvrer pour renouer les liens ? La réponse fuse : « Je veux faire l’éloge de cette convention pour la diversité culturelle à laquelle j’ai œuvré en tant que ministre du Liban avec une immense fierté jusqu’à ce jour. Nous étions une trentaine ou une quarantaine de ministres de la Culture à avoir participé à son élaboration, puis à sa promotion. Elle est capitale, parce qu’elle a posé la base de l’acceptation de la diversité culturelle en droit international. Nous ne sommes pas les clones les uns des autres. L’aspiration à la diversité est inscrite dans les sociétés humaines et ce n’est pas par hasard que toutes les grandes religions reconnaissent la diversité. C’est le rôle de l’Unesco aujourd’hui de protéger cette diversité, non seulement la biodiversité de la nature – ce qui est une tâche extraordinaire au moment où les grandes catégories de la faune et la flore peuvent disparaître –, mais aussi de protéger le souci des gens et des groupes de sauvegarder leur identité politique, religieuse, linguistique, etc. »
Ainsi, rappelle-t-il, la convention a posé deux principes essentiels. Des bases juridiques, d’abord, légitimant le rôle des États dans la gestion de la culture. « Car il ne faut pas laisser la culture uniquement à la loi du marché, sans occulter l’importance de ce dernier. Cela suppose bien sûr que les États doivent, par ailleurs, pouvoir agir pour promouvoir les cultures, mais c’est un autre débat. Quoi qu’il en soit, il est évident que si on laisse les choses avancer sans régulation, le monde pourrait devenir un cimetière de petites langues et de petites cultures disparues. »

Mais parallèlement, la convention prend aussi acte du fait que, « comme on le sait aussi par l’anthropologie culturelle, les civilisations disparaissent quand elles se renferment sur elles-mêmes, quand elles ne sont pas en interaction les unes avec les autres, quand elles ne s’enrichissent pas entre elles. C’est pour cette raison que cette convention cherche non seulement à promouvoir la diversité mais aussi à encourager les interactions. Il ne faut pas transformer les civilisations en objets muséographiques, car elles s’assécheraient. Il faut qu’elles restent vivantes, et pour cela elles doivent interagir avec les autres ».
Des moyens de renforcer ces actions auprès des États ? « Le directeur général peut proposer, c’est la tâche des États d’adopter une convention. Mais je pense qu’il y a de la place pour plusieurs conventions complémentaires pour mettre en application ce tronc commun qui a été trouvé sur la diversité culturelle et que l’on pourrait maintenant commencer à proposer aux États. »

L’éducation de quoi ?
La première priorité du programme de candidature de Ghassan Salamé est que l’Unesco s’investisse encore plus dans l’éradication de l’analphabétisme et dans l’insertion professionnelle des diplômés. « Mais pour l’Unesco, dont l’éducation est une des missions centrales, il faut aller plus loin », estime-t-il. Et de poser les questions à voix haute : quelles sont les valeurs que l’on transmet à nos enfants ?
Est-ce qu’on leur transmet des valeurs de paix, de tolérance, de respect de l’autre, de convivialité ? Ou est-ce qu’on leur transmet des valeurs liées à la crispation, à l’exceptionnalisme, à l’extrémisme ? C’est essentiel en cette phase particulière de la politique internationale. « Je ne l’aurais pas dit il y a dix ans ou quinze ans. Mais aujourd’hui, je pense que regarder d’un peu plus près les valeurs et les idées que l’on transmet aux adultes de demain est devenu une priorité essentielle. Père de deux filles, ce souci m’a toujours taraudé, mais regarder le monde que nous allons laisser à nos enfants rend la question bien plus urgente. »

En matière de culture, Ghassan Salamé recherche « un terrain commun, qui n’a pas encore été trouvé ». Il répondrait aux questions suivantes : quelle est l’équation durable entre la liberté d’expression et le respect des symboles culturels des uns et des autres ? Comment concilier le respect avec la liberté ? C’est une grande question, certes philosophique, mais devenue un défi de tous les jours. Quel est l’équilibre à trouver entre les États qui vont très loin dans la sacralisation de leurs croyances, et d’autres qui vont très loin dans la sacralisation de leurs libertés, notamment de celle de s’exprimer. « Aujourd’hui, un consensus n’a pas encore été trouvé, note-t-il. Et je crois que l’Unesco peut, et doit, être l’artisan de ce consensus entre liberté et croyance. Elle doit se saisir très vite de cette question. »

Éthique vs science
La relation entre éthique et science est par ailleurs une question fondamentale qui rend Ghassan Salamé perplexe. « Chaque chercheur scientifique se pose cette question : jusqu’où puis-je aller et à quel moment cela devient-il trop loin ? J’aimerais qu’un grand conseil de l’éthique et de la science se saisisse de cette matière et la mette au-devant de la scène. » Et d’ajouter, un brin narquois : « C’est vrai que l’éthique et la politique ne sont pas toujours de très bons compagnons, mais dans le monde où nous vivons, la question de l’éthique est plus que jamais fondamentale. » Pour lui, entre l’invasion du champ politique par le culturel et entre les progrès technologiques qui tournent souvent le dos aux interpellations éthiques, le rôle de l’Unesco ne peut que grandir, qu’être plus important comme le lieu où une certaine autorité morale peut exister véritablement, au niveau mondial, sur une base consensuelle entre les États.

Privé vs public
S’il s’agit également d’une question philosophique, l’ancien ministre reconnaît toutefois qu’elle a des conséquences sur la vie quotidienne des gens, précisément dans cet âge de l’explosion de l’information. « Dans quelle mesure pouvons-nous laisser les gouvernements savoir tout de nous, au nom de la sécurité et de l’État ou de la lutte contre le terrorisme, par exemple ? s’interroge-t-il. Il y a mille justifications, souvent légitimes, pour que les gouvernements s’insèrent dans nos vies privées. Mais il y a aussi un jardin secret que les hommes veulent garder et maintenir. Et aujourd’hui, partout dans le monde, il y a cette tension parce que cette ligne de partage n’a pas été définie, cet équilibre n’a pas été trouvé et c’est aussi le rôle de l’Unesco de contribuer à son élaboration. »

Ghassan Salamé évoque également les tâches classiques de l’organisation, dont la question pressante de la protection des patrimoines, surtout pendant les conflits. « Notre région est en première ligne de terribles désastres ces dernières années. La directrice générale actuelle œuvre beaucoup dans ce sens, mais il faudra poursuivre le combat, précisément du fait de la résurgence de la conflictualité mondiale depuis six ou sept ans. »
« Voilà quelques-unes des priorités, ajoute-t-il. Si jamais cette candidature passait les différentes étapes, j’aurais nécessairement à présenter un programme beaucoup plus détaillé devant le Conseil exécutif et, croyez-moi, je m’y prépare. »

Et le soutien du Liban ?
En annonçant sa candidature au poste de directeur général de l’Unesco, Ghassan Salamé a demandé le soutien du gouvernement libanais. C’était il y a près d’une semaine. À l’heure de passer sous presse, il n’avait toujours pas reçu de réponse. Ni positive ni négative. Si vous n’avez pas le soutien du Liban, un plan B ?
« Je souhaite que le Liban soutienne ma candidature, mais si tel n’est pas le cas, ce ne serait pas la fin de l’histoire. Je suis d’abord porteur d’un projet, non d’une ambition. Si ce projet a les faveurs d’autres États, je ne peux que m’en féliciter. Si le Liban préfère un autre candidat qu’il considère plus compétent, je comprendrais, mais ne m’arrêterais pas. » Et d’ajouter : « Pour présenter une candidature, il faut qu’un pays (ou un groupe de pays) vous présente. Il vaut mieux que cela soit le vôtre, mais ce ne fut pas toujours le cas. Moi-même, je suis très fier d’être libanais. À notre profit et parfois à nos dépens, nous avons vécu toutes ces problématiques qui tiraillent le monde actuellement. Je sais donc que notre expérience peut être utile au reste du monde. Je pense aussi que le Liban est un pays qui a une presse libre, un réseau d’universités de qualité, un système d’éducation qui a survécu à des moments extrêmement douloureux de notre histoire, il a un immense patrimoine archéologique à conserver. Une candidature libanaise est donc tout à fait légitime. »

Concernant le soutien possible d’autres pays comme la France, il estime qu’il est trop tôt d’en parler. À ce stade il pense que sa candidature est légitime et espère que son projet sera considéré comme pertinent. « Ensuite, c’est le pays qui vous présente qui en informe les autres pays. »
Vous ne mènerez votre campagne tout seul comme un Don Quichotte ? « Je ne suis pas un Don Quichotte, mais j’ai le courage de mes idées et de mes convictions. »

Pour conclure sur une note d’espoir, Ghassan Salamé revient sur la relation privilégiée qu’entretient le pays du Cèdre avec la culture. « Cette relation a survécu à toutes nos guerres. À toutes nos divisions. Alors que le monde ne retient parfois du Liban que les tensions, les différenciations, les écarts et les controverses, nous savons qu’il y a un beau Liban qui a conservé la liberté de sa presse, ses universités, ses galeries d’art, son patrimoine archéologique, dans les moments les plus difficiles. C’est un message au reste du monde et une énorme leçon d’espoir pour d’autres qui sont aujourd’hui entrés dans des expériences aussi douloureuses que les nôtres. Il y a aussi le Liban de l’espoir, le Liban de la résilience qui reconnaît que l’histoire des pays n’est pas un long fleuve tranquille. Mais que, avec la détermination, avec cette relation quasi fusionnelle avec la culture, les pays peuvent traverser les difficultés les plus insurmontables, les épreuves les plus douloureuses et s’en sortir comme un phénix, comme le Liban. Le Liban de l’espoir et non du découragement. »
Amen

 

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Pour mémoire
Ghassan Salamé : La culture et les arts pour combattre le terrorisme

Ghassan Salamé : Le dialogue, c’est d’abord une lutte contre soi-même pour comprendre l’autre

 

Soirée de remise à « l’Association Tahaddi » du bénéfice du Concert organisé par l’ICAM au Victoria Hall le 5 écembre 2016 à son profit.


L’Institut des cultures arabes et méditerranéennes,  ICAM – L’Olivier est heureux de pouvoir remettre à l’Association Tahaddi,  le bénéfice du Concert organisé en sa faveur, soit la somme de 15’909.20 .
A l’occasion de cette remise, une rencontre avec des représentantes de l’Association Tahaddi en Suisse a lieu dans les locaux de l’ICAM le jeudi 11 février à 19h30, afin qu’elles puissent nous présenter le travail de leur association.
La rencontre sera suivie d’un verre de l’amitié.
L’ASSOCIATION TAHADDI
La vision du centre éducatif Tahaddi (CET) est de devenir un lieu où les jeunes acquerront des compétences et les valeurs nécessaires pour sortir de la pauvreté et s’intégrer socialement.

Sa mission est de développer les capacités académiques et sociales de ces jeunes et les équiper au mieux de leurs possibilités. Ils participent à un programme éducatif adapté à leurs besoins, grâce à une équipe qualifiée et compétente.

Le CET offre un programme éducatif sur 5 ans au moins à plus de 120 enfants n’ayant pas accès à la scolarité pour des raisons sociales et économiques.

Ces jeunes n’ont pas pu entrer à l’école à l’âge requis, souvent pour des raisons économiques, ou n’ont pas les compétences requises pour entrer dans un programme scolaire public parfois trop exigeant pour des enfants défavorisés.Le CET accueille également des jeunes qui ont quitté très jeunes les bancs  Lire la suite

Programme éducatif

Le CET accueille des enfants,non scolarisés ou déscolarisés, venant d’un milieu très pauvre et qui ne peuvent plus entrer facilement à l’école publique. Ce programme dure 5 ans minimum, il est fait « sur mesure » mais suit les objectifs de l’éducation nationale avec les modifications nécessaires aux besoins spécifiques des enfants. L’enseignement se fait au travers de méthodes interactives Les matières enseignées sont l’arabe, l’anglais, les mathématiques, les sciences, l’histoire, la géographie et l’informatique. La musique, les arts plastiques, le théâtre  Lire la suite

Formation professionnelle pour les jeunes sortant du CET
Après au moins 5 ans à temps plein dans le programme de Tahaddi, les jeunes sont orientés vers une formation professionnelle en vue de l’apprentissage d’un métier. L’acquisition de compétences professionnelles est le meilleur moyen de sortir de la pauvreté et représente l’accomplissement de la mission de Tahaddi de mener ces jeunes à l’autonomie et à l’intégration sociale.

L’orientation professionnelle est assurée par la psychologue qui s’entretient avec les jeunes afin qu’ils identifient leurs points forts et comprennent mieux  Lire la suite

Programme d’aide aux devoirs
Les enfants du quartier qui fréquentent des écoles publiques aux alentours manquent souvent du soutien nécessaire chez eux pour réussir. Le programme officiel libanais exige le bilinguisme (arabe / français ou anglais) et il est particulièrement difficile pour les enfants qui ne peuvent être aidés par leurs parents. Nous offrons un soutien aux devoirs après l’école quatre fois par semaine.
Programme d’alphabétisation pour les jeunes.

Tahaddi propose un programme quotidien d’alphabétisation l’après-midi, pour les adolescents plus âgés. Ils étudient l’arabe et les mathématiques, ainsi que les arts plastiques et l’informatique.
Certains enfants syriens reprennent les apprentissages scolaires parfois après plusieurs années d’interruption due à la guerre. C’est aussi l’occasion de reprendre confiance en soi et d’espérer un avenir meilleur. Ce programme inclut également des jeunes libanais qui n’ont pas ou peu été scolarisés. Cette action correpond à notre mission de travailler avec tous  Lire la suite

Programme d’alphabétisation des adultes
Certains parents et jeunes adultes sont également désireux d’apprendre à lire et à écrire. Le TEC leur est ouvert pour un programme régulier d’alphabétisation en langue arabe et anglaise.

Programme informatique pour jeunes adultes

Un grand nombre de jeunes hommes et femmes sont désireux d’apprendre les nouvelles technologies pour se sentir acteurs dans la société dans laquelle ils vivent et augmenter leurs chances d’obtenir un emploi. Notre salle informatique est ouverte aux jeunes du quartier, et des cours sont proposés, offrant une initiation globale aux logiciels Microsoft Office.

SITE DE L’ASSOCIATION TAHADDI

Le roman arabe entre despotisme et violences – L’Orient Littéraire / Beyrouth

Le roman arabe entre despotisme et violences

Le roman libanais refait parler de lui avec l’attribution à Hassan Daoud du prix Naguib Mahfouz, décerné par l’Université américaine du Caire, et la parution, à l’occasion du Salon du livre arabe de Beyrouth, d’un bon nombre de romans signés par des vétérans du genre comme Élias Khoury, Rachid el-Daïf, Imane Humaydane ou Abbas Beydoun, sans oublier le Syrien Khaled Khalifa. L’actualité, entre despotisme et violences, y pèse de tout son poids.

Par Tarek Abi Samra
2016 – 01

Raconter l’indescriptible

 

Avec La Porte du soleil paru en 1998, Élias Khoury avait écrit l’épopée des Palestiniens du Liban : l’exode de 1948, l’installation dans des camps de réfugiés, et puis les années sanglantes de la guerre civile. Aujourd’hui, dans son nouveau roman Les Enfants du ghetto. Je m’appelle Adam (Awlad el-ghetto. Esmi Adam), Khoury ressuscite encore ce passé, mais pour le considérer sous un jour différent : plutôt que l’exode, les horreurs l’ayant immédiatement précédé ; au lieu du destin des réfugiés, celui de ceux restés en territoire ennemi.

 

Adam, narrateur éponyme du roman, est en train d’écrire sa vie mais ne sait comment s’y prendre. Son existence est si fragmentée qu’il lui est impossible d’en faire un récit un tant soit peu linéaire. Il ne peut que digresser, distordre la temporalité normale et fournir, d’un même événement, une multitude de versions, chacune étant souvent celle d’une personne différente. De plus, comme une poupée russe monstrueuse, chaque histoire relatée renferme une infinité d’autres à tel point qu’on a l’impression de pénétrer dans une machinerie gigantesque, détraquée, fabricant les récits en série. Bref, le style d’Adam est celui, bien connu, de Khoury lui-même, style serpentin parfaitement maîtrisé qu’il ne perd jamais le lecteur malgré les innombrables contorsions que celui-ci doit faire subir à son esprit.

 

Ainsi, par bribes, l’on apprend l’histoire d’Adam. Ses origines se confondent avec la Nakba, puisqu’il fut le premier nouveau-né du ghetto arabe de Lydda, établi par l’armée israélienne qui encercla de fils de fer barbelés une partie de cette ville palestinienne après avoir massacré des centaines d’habitants et expulsé des dizaines de milliers. Ceux qui y sont demeurés, les prisonniers du ghetto, vécurent leurs premiers jours au milieu de cadavres putréfiés, souffrant de faim et de soif. Les troupes israéliennes les obligèrent à creuser des fosses profondes et à y enterrer leurs morts. Enfin, après un mois de cet abominable labeur, ils leur ordonnèrent de brûler ce qui restait de cadavres ; les Palestiniens s’y employèrent, se transformant en une sorte de SonderKommando, ces juifs forcés par les nazis à se débarrasser des cadavres des victimes des chambres à gaz.

 

Après son enfance à Lydda, puis son adolescence à Haïfa, Adam quitte sa maison à l’âge de quinze ans et se forge, en quelques années, une nouvelle identité : il se présente désormais comme un juif, le fils d’un survivant du ghetto de Varsovie, et travaille comme critique de musique dans un quotidien hébreu. Une déception amoureuse le pousse à émigrer aux États-Unis où il travaille dans un restaurant de falafel. Il pense avoir réussi à bâtir une nouvelle existence, mais son passé revient le hanter. Il décide alors d’écrire sa vie.

 

Le livre que nous lisons est en effet le manuscrit d’Adam que Khoury, dans son introduction, prétend avoir acquis par hasard et qu’il décida ensuite de publier. La seconde partie du manuscrit relate les événements que nous venons de résumer. Toutefois, la première – une soixantaine de pages – est un roman avorté dans lequel Adam a tenté de raconter l’histoire du poète omeyyade Waddah al-Yaman qui garda un silence absolu lorsque le calife le tua en le jetant dans un puits. D’abord, Adam voit dans le silence du poète une métaphore du silence des Palestiniens à propos de certaines tragédies qu’ils ont subies, mais il délaisse ensuite ce projet de roman, considérant l’écriture symbolique comme impuissante à dire la vérité.

 

Toute cette architecture disloquée du roman de Khoury, son style excessivement digressif, ainsi que le jeu de miroirs entre l’auteur et le narrateur sont au service d’une question fondamentale : comment raconter des horreurs dont les victimes ont choisi le silence ? La réponse réside peut-être dans le recours à l’univers romanesque, qui permet la coexistence de récits contradictoires de même que leur prolifération à l’infini. À l’avant-dernière page, Adam dit : « Shéhérazade avait découvert que le monde des récits est le monde réel ; les récits ne sont pas un substitut à la vie, mais la vie elle-même. »

Liban « L’évêque pour après-demain », Grégoire Haddad, s’est éteint

l'orientlejour

L’Orient-Le Jour
Samedi 02 Janvier 2016

L’ancien archevêque grec-catholique de Beyrouth et de Jbeil, de 1968 à 1975, Mgr Grégoire Haddad, s’est éteint dans la nuit de mercredi à jeudi, à la Maison Notre-Dame de Hadeth, à l’âge de 91 ans.
Le « père Grégoire », comme aimaient à l’appeler ses proches et tous les jeunes qui ont travaillé avec lui pendant de nombreuses années dans le domaine social, est connu pour ses idées (très) avant-gardistes concernant la pratique de la religion chrétienne. D’où le surnom « évêque rouge » que certains intellectuels lui ont attribué. À cet égard, et du fait de la portée de ses écrits, sa renommée a dépassé largement le cadre des frontières libanaises au point que le quotidien Le Monde lui a consacré dans son édition du 2 juin 1974 un article intitulé « Un évêque pour après-demain ».

Dans une série d’articles publiés en 1974 et 1975 dans la revue Afaq (« Horizons »), à caractère culturel et spirituel, qu’il avait lancée avec un groupe de prêtres et d’intellectuels, Grégoire Haddad prônait un retour aux sources au niveau de la chrétienté, en ce sens qu’il soutenait qu’il ne devrait y avoir sur le plan de l’exercice de la foi que deux « critères absolus », le Christ et l’Homme. Toute position au sujet des pratiques chrétiennes ou des structures et de la hiérarchie de l’Église devrait être définie en fonction uniquement de ces deux critères. Pour le père Grégoire, tout ce et tous ceux qui sont en contradiction avec les critères en question peuvent être remis en question et faire l’objet d’un débat, même s’il s’agit d’une haute autorité religieuse ou d’une pratique populaire largement répandue.

Cette position peu commune a valu à Mgr Grégoire Haddad une campagne à grande échelle (en 1974-1975) de la part du patriarche de l’époque, Maximos Hakim, et d’une partie des évêques qui ont saisi le Vatican de ce que la presse avait alors appelé « l’affaire Grégoire Haddad ». En dépit du verdict du Saint- Siège qui a affirmé que les écrits de l’évêque de Beyrouth ne contredisaient en rien les fondements de la foi chrétienne, Mgr Haddad a été malgré tout destitué de l’archevêché de Beyrouth et de Jbeil tout en restant évêque et membre du synode melkite.

« Evêque rouge », mais aussi, pour de nombreux observateurs « évêque des pauvres ». Car le père Grégoire a consacré une grande partie de sa vie à l’action sociale. Il avait fondé ainsi à la fin des années 50 le Mouvement social qui poursuit son action jusqu’à aujourd’hui. Pour le père Grégoire, l’action sociale était perçue sous l’angle du développement socio-économique. À cette fin, il avait mobilisé des centaines de jeunes, dans les milieux scolaire et universitaire, sous le thème du volontariat au service des plus démunis.
Cette sensibilité à l’égard des couches les plus défavorisées de la population puise sa source, à n’en point douter, dans l’origine sociale modeste du père Grégoire. De son vrai nom Nakhlé, il est né en 1924 dans un petit village du caza d’Aley, Souk el-Gharb, où son père (d’origine protestante) était enseignant dans une école privée de la région. Dès son plus jeune âge, Grégoire a suivi des études de théologie à l’Université Saint-Joseph. Il a été ordonné prêtre en 1949 et a été désigné archevêque melkite de Beyrouth et de Jbeil en 1968, l’une des fonctions les plus importantes au sein de sa communauté, après celle du patriarche, en raison du poids politique, social, économique et religieux que représente ce diocèse.

Réputé pour son style de vie simple et modeste, il rejetait l’apparât traditionnel des prélats et se déplaçait même en taxi-service, tout évêque de Beyrouth qu’il était. Il avait fondé au sein des paroisses de son diocèse des conseils paroissiaux pour stimuler la participation des civils à la vie de l’Église, en conformité avec les recommandations du Concile Vatican II. Il avait institué dans ce cadre le système de services paroissiaux gratuits pour les baptêmes, mariages et obsèques, en contrepartie d’une contribution volontaire de la part des paroissiens. Ces contributions étaient versées dans une caisse commune dont les revenus étaient redistribués à égalité aux curés des paroisses, ce qui plaçait ainsi les paroisses « riches » et les paroisses « pauvres » sur un même pied d’égalité. Du fait de cette mesure avant-gardiste, il s’était aliéné une partie du clergé de son diocèse ainsi qu’une partie des grands notables de sa communauté.

Mgr Grégoire Haddad était, à n’en point douter, l’une des personnalités religieuses les plus controversées de l’histoire contemporaine du Liban… Sa perception particulière de l’action sociale, ainsi que de la mission du prélat et du clergé, ainsi que ses idées révolutionnaires sur la pratique de la religion chrétienne lui ont valu de nombreuses critiques et son parcours en tant qu’homme de religion a été souvent la cible d’une vaste campagne de dénigrement. Paru en 2012 aux éditions L’Orient-Le Jour, le livre de Michel Touma, Grégoire Haddad, évêque laïc, évêque rebelle (traduit en arabe), permet dans ce cadre de rétablir les faits et donne l’opportunité aux lecteurs de juger, aujourd’hui, sur pièce.

L’Orient-Le Jour
Samedi 02 Janvier 2016

Ghassan SALAMEH – Le Temps des Tourmentes – The age of storms – غسٌان سلامه – زمن العواصف – Présentation de Cheikh Michel El-Khoury

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Conférence de Ghassan SALAMEH  –  غسٌان سلامه

 Le Temps des Tourmentes

(Français)

The age of storms

(English)

             زمن العواصف

(عربي)

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Allocution prononcée par Cheikh Michel El-Khoury,  le 19 novembre 2015, en l’honneur de Monsieur Ghassan Salamé

Mesdames, Messieurs,

C’est un plaisir et un objet de fierté pour la Société des membres de la Légion d’honneur-Liban d’accueillir Monsieur Ghassan Salamé. Un plaisir, parce que notre hôte va, tout à l’heure, nous brosser un tableau de la situation politique, diplomatique et militaire au Moyen-Orient. Seul un homme comme lui, politologue éminent, fin et expérimenté, ayant noué des contacts aux plus hauts niveaux, observateur attentif et bien informé, esprit souple et éclairé, pouvait démêler l’écheveau des intrigues et des guerres qui sont en train de modifier la géographie politique du Moyen-Orient, vieille pourtant d’une centaine d’années.

La visite de Monsieur Salamé est aussi pour nous un objet de fierté parce que notre compatriote fait partie de ces Libanais qui se sont illustrés, dans leur pays et sur la scène internationale, dans les multiples domaines de l’enseignement supérieur, de l’écrit, de la culture, de la diplomatie et de la politique.

Au Liban, Ghassan Salamé a redonné ses lettres de noblesse à l’enseignement des sciences politiques, un de ses domaines de prédilection. Professeur de cette matière à l’Université Saint­ Joseph de Beyrouth, ses étudiants gardent de ses cours un souvenir impérissable.

Cependant, comme tant de nos compatriotes, il a dû, dans les années quatre-vingt, fuir la guerre qui ravageait notre pays. Titulaire d’un doctorat en sciences politiques et d’un autre en lettres, il a occupé en France les plus hautes fonctions dans le secteur de la recherche et de l’enseignement supérieur : directeur de recherche au Conseil national de la recherche scientifique    et directeur d’études au prestigieux Institut d’études  politiques  de  Paris.Il fait  partie du comité  éditorial  de  la revue Maghreb-Machreck et les médias les plus  influents dans !’Hexagone et dans le monde sollicitent régulièrement son avis sur l’actualité politique dans le monde arabe.

Ghassan Salamé est aussi l’auteur de nombreux ouvrages qui font référence dans le domaine des essais politiques. Je cite notamment : Démocraties sans démocrates : Politiques d’ouverture dans le monde musulman ; Appels d’empire : ingérences et résistances à l’âge de la mondialisation ; Quand l’Amérique  refait le monde (parus à Paris respectivement en 1994, 1996 et 2005). Il est titulaire de la Médaille de la Francophonie de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre, du Prix Phénix et du Prix spécial de l’Association des écrivains de langue française (ADELF), qui lui ont été décernés en  1996.

En 2000, Ghassan Salamé a été nommé ministre de la Culture dans le gouvernement formé par Rafic Hariri. À ce titre, il a supervise brillamment le IXe sommet de !’Organisation internationale de la Francophonie qui s’est tenu à Beyrouth en octobre 2002. En 2003, il a été décoré des insignes de Chevalier de la Légion d’honneur. L’année suivante, il a été désigné Personnalité culturelle arabe.

Dans la brillante carrière de notre ami, présent aujourd’hui parmi nous, l’étape la plus douloureuse, la plus cruelle, correspond à sa nomination comme conseiller spécial de Kofi Annan.   Celui-ci  lui  demande  de  se  rendre  à  Bagdad  pour occuper les fonctions de conseiller politique de Sérgio Vieira de Mello, représentant spécial enIrak du secrétaire  général  de l’ONU.

Sérgio Vieira de Mello était un fonctionnaire international brésilien,  qui  avait  occupé  diverses  hautes  fonctions  pour l’Organisation des Nations unies ou pour ses agences.Il était titulaire d’un doctorat de troisième cycle et d’un doctorat d’État de la Sorbonne. En 2003, Annan le nomme son conseiller spécial enIrak. Le pays, en proie alors à une vague d’attentats terroristes, est occupé par l’armée américaine dans le cadre de ce qu’on a appelé la Seconde guerre du Golfe

Le 19 août 2003, un attentat au camion piégé est perpétré contre les bureaux de l’ONU à Bagdad. Sérgio Vieira de Mello et 22 de ses collaborateurs sont tués et plus de 150 autres personnes blessées. Ghassan Salamé, qui avait quitté son poste de ministre  de la Culture au Liban pour rejoindre la capitale irakienne, se trouvait dans une pièce à l’a rrière du bâtiment attaqué et échappe à la mort par miracle.

L’explosion du camion bourré d’explosifs lancé contre le siège de l’ONU provoque l’effondrement du bâtiment dans la partie où se trouvait le bureau de Sérgio Vieira de Mello. Ghassan Salamé se précipite au deuxième étage de  l’immeuble  et aperçoit de Mello immobilisé au rez-de-chaussée avec une barre de béton en travers des jambes. Il l’appelle : Sérgio ! Sérgio ! De Mello lui répond : Ghassan ! « Ne t’en fais pas, on va venir te chercher. On va te sortir de là », lui lance encore Ghassan. Mais un garde a réussi à déblayer des décombres et à arriver auprès du représentant spécial du secrétaire général de l’ONU. Il constate  qu’il  a  rendu  le  dernier  soupir.Il avait  perdu tout son sang par ses blessures.

Ghassan Salamé rentre à l’hôtel épuisé. En quelques minutes, il avait vieilli de plusieurs années.                                            ‘

L’éminent politologue que nous accueillons aujourd’hui est un miraculé. Je confesse que la courte présentation que je fais de lui ne lui rend pas justice . Mais je ne voudrais pas abuser de votre patience et il est temps que je lui cède la parole.

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Conférence de Ghassan SALAMEH  –  غسٌان سلامه

 Le Temps des Tourmentes

(Français)

The age of storms

(English)

             زمن العواصف

(عربي)

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Saveurs libanaises – Andrée Maalouf & Karim Haïdar

Le Liban, dans sa grande diversité, offre une variété unique de mets parfumés, de goûts délicats et de plats raffinés, qui se sont enrichis au fil du temps de saveurs nouvelles venues d’ailleurs.

Appréciée dans le monde entier, la cuisine libanaise est réputée pour ses spécialités : hommos, falafels, tabboulé, caviar d’aubergine, grillades épicées, ragoûts mijotés, pâtisseries à la pistache et à la rose… Mais on connaît moins certaines recettes authentiques dont chaque famille garde le secret.
C’est ce patrimoine culinaire, parfois revisité et toujours allégé, qu’Andrée Maalouf et Karim Haïdar, auteurs du best-seller Cuisine libanaise d’hier et d’aujourd’hui, nous transmettent ici autour d’une centaine de recettes : Falafels aux crevettes, Salade de zaatar, Kebbés de potiron, Riz au safran, à la cardamome et à la rose, Rascasse au fenouil et à l’arak, Osmallié à la crème de lait et à la rose, Sahlab, Carrés de baklawa…

Quand l’expérience d’une passionnée rencontre l’art d’un chef, c’est pour nous faire découvrir le meilleur de la cuisine libanaise, délicieuse et facile à réaliser, véritable voyage au « pays des cèdres et du miel ».

 

42chf

« le Liban, un pays ou une idée ? » Conférence de Malek El Khoury à la Librairie arabe l’Olivier

Afin de comprendre le Liban d’aujourd’hui, je dois un peu remonter dans l’histoire du pays. Et, afin de ne pas me tromper dans les dates, ou dans la logique, j’ai préféré écrire un texte et vous le lire, réduisant ainsi les possibilités d’erreur (et de bêtises) et laissant la libre-pensée à la discussion ultérieure.

Le Liban actuel est un petit pays composé de 4 régions parallèles. Une zone côtière, 2 chaînes de montagne parallèles (dites du Liban ou Mont-Liban et celle de l’Anti-Liban, séparant le Liban de la Syrie), et un plateau entre ces deux chaînes de montagne (la plaine de la Bekaa).

La construction politique libanaise est le résultat d’une alliance entre ces 4 zones géographiques ou plutôt 3 zones aux caractéristiques sociales distinctes : les habitants de la mer, les habitants de la montagne et ceux de la plaine.

Cette alliance n’est pas née du jour au lendemain et ne s’est pas construite sans heurts ou conflits, souvent sanglants.

Elle a commencé en 1516, avec la victoire partielle des Ottomans sur les Mamelouks, et avec l’accession au pouvoir de la famille des Maan qui formèrent en 1544 l’Emirat de la montagne, la première structure juridico-politique, certes féodale, mais différente (avec une presque autonomie) de celle de l’Empire Ottoman, résultat d’une forme de rébellion et d’indépendance. La capitale devint Deir El Qamar dans la montagne libanaise.

Cette première alliance fut conclue entre 3 communautés de la montagne, les druzes, les maronites et les chiites (minoritaires dans ces régions) par crainte que leur ressentiment d’« exclus ou de minoritaires » à l’époque des mamelouks, sunnites, ne se reproduise dans l’empire ottoman, également majoritairement – mais pas exclusivement – sunnite. Cette crainte les unifia et les rassembla.

Ce fut donc une alliance de populations opposées à l’« occupation », quelle qu’elle soit. Premier contrat signé entre des indépendantistes contre des occupants, au-delà des différences confessionnelles. La notion d’indépendance et de rébellion domina cette première entente.

Ainsi naquit l’embryon de l’état libanais dans la montagne, imbu de la mentalité de celle-ci, soit de ne compter que sur soi-même (assurance de soi), de la grande solidarité (avec les autres montagnards) contre les attaques extérieures, et d’un solide attachement à une terre et un sol.

L’autonomie de cette petite région de la montagne (dénommée le Mont-Liban) se développa et traversa plusieurs époques, souvent agitées.

Durant cette même période, les Puissances Occidentales avaient déjà signé (depuis le 16ème siècle) avec l’Empire Ottoman les Capitulations, qui permettaient à ces Puissances de protéger les ressortissants respectifs de leurs pays, résidents au sein de l’empire, y compris de les juger selon les règles en vigueur dans leur propre pays et non pas selon les lois de l’Empire.

C’est ainsi que ces Puissances préparant – déjà – l’après-Empire, utilisèrent les communautés locales pour s’insurger contre la Sublime Porte.

Mais, ces mêmes Puissances Occidentales, qui se battaient aussi entre elles, exploitèrent les divergences locales, claniques, familiales et confessionnelles, en opposant leurs protégés locaux les uns aux autres afin de se garantir une base locale importante pour leur expansion future.

Ils provoquèrent ainsi plusieurs conflits principalement confessionnels.

Ce fut à cette époque que les Maronites, soutenus par les Français, prirent de plus en plus d’importance, et « conquirent » ou « convertirent » les chiites de la montagne (du Kesrouan).

Il ne restait donc plus que deux grandes communautés importantes dans la montagne libanaise, les druzes (soutenus par les Anglais) et les maronites. Les conflits entre ces deux communautés (en fait entre les Français et les Anglais) s’exacerbèrent jusqu’à en devenir intenables. Les Puissances étrangères tentèrent alors d’imposer (en 1842) un système confessionnel, le double Caïmacat – soit la séparation entre les régions maronites du Nord du Mont-Liban et les régions druzes du Sud du Mont-Liban. Celui-ci ne survécut pas aux massacres horribles qui eurent lieu en 1860.

Trop c’est trop, un nouveau système de gestion politique autonome est mis en 1861 en place, la Moutasarrifyyah. Un système, qui réunifia les zones que les Puissances Etrangères ont voulu diviser et qui perdurera jusqu’à la chute de l’Empire Ottoman en 1918.

Le Moutasarrif était un citoyen ottoman de confession chrétienne – choisi par la Sublime Porte – mais obligatoirement avalisé par les Puissances Occidentales (la France, la Grande-Bretagne, l’Autriche-Hongrie, la Russie et la Prusse). (Il y en eut 8 jusqu’en 1918). La nouvelle capitale devint Baabda, plus proche de la côte et les premières institutions se mettent en place, dont un Conseil Consultatif central, sorte de Gouvernement.

Le système féodal mis en place dès le 16ème siècle et dirigé par la famille Maan (1516 à 1697) puis par les Chéhab (1697 – 1840) laissa place à un système de plus en plus autonome avec des institutions de plus en plus sophistiquées et indépendantes.

Ce système renforça l’alliance des gens de la montagne et prouva finalement que les séparer sur une base confessionnelle n’est pas viable. La solidarité de la montagne l’a emporté.

Cette fois-ci l’esprit d’indépendance se renforça et la notion d’autogestion commença à s’implanter dans l’esprit des habitants de la montagne, tout en préservant la diversité des opinions, des religions.

A la chute de l’empire ottoman en 1918, à la fin de la 1ère Guerre Mondiale, le dépouillement par les Vainqueurs de cet empire aboutit à une nouvelle formule inventée (le 28 juin 1919) par la nouvellement créée SDN (Société des Nations) : le mandat. La France obtint le mandat sur le Liban et la Syrie, la Grande-Bretagne celui sur la Palestine, selon les accords de partage dits de Sykes-Picot conclus secrètement le 16 mai 1916.

En prévision du partage de l’Empire, une délégation libanaise de notables (formée des 4 principales confessions, maronite, druze, sunnite et chiite) se rend immédiatement à Paris pour demander l’élargissement des frontières du Mont-Liban afin de rendre le pays économiquement et socialement viable.

Cette délégation demande l’intégration de la plaine de la Bekaa, et celle des ports de Tripoli, Saida et Tyr dans la région du Mont-Liban. Cette formule est finalement acceptée et adoptée. Le 1er septembre 1920 à la Conférence de San Remo le Grand-Liban remplace le Mont-Liban des Moutasarrif. Puis le 23 mai 1926 naît la République Libanaise avec la 1ère Constitution, dans les frontières plus ou moins actuelles du Liban d’aujourd’hui.

Le mandat est une forme de protectorat, une sorte de colonialisme « civilisé » où les prérogatives politiques, militaires ou économiques ne pouvaient être du ressort des « protégés ». Ces derniers ne pouvaient gérer que leurs affaires courantes ou administratives, et encore, sous la houlette de la puissance mandataire et par des administrateurs agréés par celle-ci, sinon nommés directement (comme la Direction des Chemins de fer, la Société des Eaux, de l’Electricité, des Douanes, etc.).

Mis à part ces Services Publics (appelés à l’époque Services Généraux), la France développa un système de gestion politique entièrement sous sa direction. Il est vrai que le Liban devint une République, avec un Président, un Gouvernement, un Parlement et d’autres institutions.

Mais au-dessus de tout cela il y avait le « monarque », le Haut-Commissaire, représentant la puissance coloniale, mandataire, désigné par la France (puisque le Liban échoua à la France), qui était le chef suprême – et absolu – au Liban, remplaçant le Moutasarrif. (11 Haut-Commissaires et 10 Présidents se succédèrent jusqu’en 1943).

Ce nouveau Liban, cette jeune République fut donc le résultat d’une nouvelle alliance, étonnante, qui se basait sur un fait non seulement économique, mais aussi politique. La montagne avait besoin d’un accès à la mer pour assurer son accès direct au monde. La montagne et la mer avaient besoin de la plaine de la Bekaa, zone très fertile et riche en eau pour assurer sa nourriture. Ce dernier point est le résultat d’une mémoire collective de la famine provoquée par les Ottomans, quand ces derniers ont encerclé et formé un blocus de la montagne empêchant toute nourriture d’y arriver. En plus, il était plus simple aux habitants de la plaine de traverser la montagne (à l’ouest) pour vendre leurs produits que de traverser les déserts (à l’est). Et les habitants de la mer y voyaient l’avantage de la protection de la montagne, zone de refuge traditionnelle.

Avec l’accès à la mer un nouvel horizon s’ouvre vers le monde, cela permettait à la montagne de renforcer ses alliances, et avec la plaine, de ne plus mourir de faim. De plus les frontières devenaient défendables autant à l’Est (avec une montagne également, la chaîne de l’Anti-Liban) et à l’Ouest avec la mer.

Ainsi cette nouvelle alliance entre la montagne, la mer et la plaine fertile se forgea grâce à la complémentarité des fonctions et permit à chacune de ces zones, grâce à des moyens supplémentaires et de la nouvelle solidarité créée, de mieux défendre et sa région et sa fonction.

Encore une fois les notions non seulement d’indépendance, et d’autogestion, mais de survie économique devenaient les moteurs de l’évolution du système politique libanais.

Evidemment cette alliance ne se construisit pas aussi simplement que cela et ne constitua pas immédiatement un pays ou une nation comme avec une baguette magique.

Chaque zone voulut dominer l’autre. Les zones étaient habitées par des populations qui avaient une histoire et un passé différents. Les alliances précédentes ne disparurent pas du jour au lendemain comme par enchantement.

Suite à cet élargissement et afin de rompre avec ce riche passé, la France déplaça la capitale vers Beyrouth, qui n’était à cette époque qu’un petit port sans grande importance. Beyrouth devint petit à petit le vrai poumon économique et le centre politique de ce nouveau Liban. Il détrôna les villes côtières (Tripoli, Saïda et Tyr), même celles qui devinrent syriennes ou palestiniennes (comme Tartous ou Haïfa).

Les Français s’attellent à créer des institutions inspirées du modèle français républicain (évidemment), ainsi qu’une infrastructure liant les régions les unes aux autres. Le train, l’électricité, l’eau, les routes, la monnaie, l’armée, la police. Tout cela se mit en place, car les français voulaient unifier et coloniser les zones sous mandat.

Cette nouvelle entente fut tout de même tiraillée par les anciennes tensions confessionnelles que les Puissances Occidentales avaient entretenues durant la période ottomane. Les Français continuèrent de privilégier leur soutien aux Maronites, même s’ils firent des concessions importantes aux autres confessions. Les Maronites ne furent plus aussi omnipuissants qu’auparavant, même s’ils gardaient encore une large partie de leur pouvoir.

Les autres confessions, orthodoxes, druzes, sunnites et chiites, entre autres, acquirent petit à petit des nouveaux droits inaliénables aux dépens des Maronites et au profit de la construction de l’état.

Cependant, les mouvements indépendantistes, qui s’étaient constitués durant la période ottomane n’avaient pas disparu et ne considéraient certainement pas l’avènement du mandat comme l’aboutissement de leur lutte.

Indépendamment de leur appartenance confessionnelle, les dépassant, et avec une base élargie à la mer-montagne-plaine, ces mouvements continuèrent leur lutte jusqu’en 1943. Le Liban obtint son indépendance totale le 22 novembre de cette même année, une indépendance qui fut immédiatement reconnue par la SDN, qui disparut peu de temps après pour être remplacée par l’ONU, dont le Liban fut un des membres fondateurs en 1945.

Ainsi donc l’indépendance totale fut acquise après plus de 4 siècles de luttes constantes avec divers rebondissements. Toujours la même motivation. Cette fois-ci la notion de liberté s’ajouta aux motivations antérieures : liberté de croyance, liberté de penser, liberté de s’exprimer, liberté économique. De nouveau le « vivre-ensemble » l’emporte.

Le Liban est ainsi le premier pays arabe à devenir indépendant et à se libérer du joug des coloniaux et des puissances mandataires. Il servira de modèle et d’encouragement à tous les autres mouvements arabes qui suivirent la mouvance libanaise.

Cette indépendance fut le résultat d’une nouvelle alliance, cette fois-ci, éminemment politique. Elle fut confirmée par le Pacte National, qui est une entente (orale) entre les 2 grands courants politiques de l’époque, l’un axé vers l’Occident et l’autre axé vers les pays arabes. Les pro-occidentaux renoncèrent à leur intégration totale à la politique occidentale (à ce moment-là elle commençait à être américaine), tout en gardant l’ouverture vers le monde. Les pro-arabes renoncèrent à leur intégration totale dans l’espace arabe tout en gardant de fortes relations avec ces pays. Le Liban fut d’ailleurs un des membres fondateurs de la Ligue Arabe également en 1945.

C’est encore une fois la fusion entre la montagne (solidarité), la mer (ouverture vers le monde) et la plaine (traditionalisme et conservatisme) qui renforça considérablement les mouvements d’indépendance. D’ailleurs que de discours politiques, que de chansons populaires ont vanté et continuent de vanter « notre » plaine, « notre » montagne et « notre » mer (sahlouna, jabalouna wa bahrouna – سهلنا وجبلنا وبحرنا).

Chaque groupe comprit que sa survie dépendait de la consolidation de ce nouvel Accord, même s’il était imparfait.

Cette alliance politique perdure encore jusqu’à aujourd’hui.

Pourtant elle a subi de nombreuses attaques, et a survécu aux aléas politiques de la région :

La création d’Israël en 1948 ;

  • Les diverses guerres israélo-arabes de 1948, 1956, 1967, 1973 (particulièrement la défaite de 1967) ;
  • Les idéologies qui ont traversé le monde arabe : le pan-arabisme, le nassérisme, les frères musulmans, le socialisme, le baathisme, le wahhabisme ;
  • Aujourd’hui les mouvances jihadistes et salafistes (dont Daech et al Qaeda) ;

Ainsi qu’à tous les coups qui lui ont été portés directement :

La 1ère mini guerre civile de 1958 ;

  • La présence palestinienne importante depuis 1967 (avec les Accords du Caire en 1969 sur les Camps Palestiniens) ;
  • La guerre civile de 1975 à 1989 ;
  • La présence syrienne de 1976 à 2005 ;
  • L’invasion israélienne de 1978 à 2000 ;
  • Les 2 guerres libano-israéliennes de 1982 et 2006 ;
  • Les bombardements continuels d’Israël contre le Liban depuis 1948 ;
  • Maintenant, depuis 2011, le presque 1.5 millions de réfugiés syriens au Liban ;
  • Et, aujourd’hui, l’absence d’un Président de la République depuis le 25 mai 2014.

 

Depuis 1516 et jusqu’à aujourd’hui, les institutions et l’état se construisirent, se mirent en place tant bien que mal. Une infrastructure se développa. Une société se façonna, différemment de tout son voisinage, basée sur les valeurs de diversité, de tolérance, de liberté, d’indépendance, de mixité.

Les nombreux et brutaux remous de la région (que je viens de citer) affectèrent le bon fonctionnement de ces institutions. Pourtant la société résista et continua d’évoluer, de se former, de s’éduquer, de voyager, de s’ouvrir au monde, d’être même à la pointe du progrès dans certaines branches.

Ces institutions fonctionnent encore aujourd’hui, il est vrai de manière assez clientéliste et avec beaucoup de corruption.

On a toujours besoin de permis pour construire. On paie des taxes et impôts, on doit présenter des bilans à l’état. Malgré tous les défauts du système, le pays fonctionne, les écoles, les hôpitaux non seulement éduquent et soignent les libanais, mais aussi le presque 2 millions de réfugiés sur le sol libanais (palestiniens, irakiens, syriens). Les routes sont plus ou moins entretenues, l’eau et l’électricité sont distribuées, il est vrai de manière irrégulière et inégale, mais les réseaux fonctionnent. Internet et le téléphone fonctionnent. Les aéroports, les ports, les douanes fonctionnent. Les banques et le système bancaire fonctionnent. Surtout la sécurité fonctionne.

Jamais dans l’histoire du Liban moderne (soit depuis 1920 resp. 1943), personne n’a réussi à détruire ces institutions. Des factions ont voulu, et réussi, à s’emparer d’une institution en la colorant de sa couleur politique, ou en la rendant tributaire du parti pour en faire un instrument de recrutement clientéliste, mais pas de l’annihiler.

Toutes les institutions ou presque sont actuellement colorées. Toutes sont corrompues, mais elles existent.

Tous les partis se sont plus ou moins répartis une part du pouvoir, il y a donc tacitement un partage du gâteau financier. Une certaine forme de « l’équilibre de la corruption » – si j’ose employer cette formule peu élégante – tient le pays ensemble.

Comme tout ce système est largement gangréné par la corruption, la société civile se met petit à petit à remplacer les institutions de l’état en proposant toutes sortes d’activités et de structures parallèles à celles de l’état. Ce qui fait que souvent, le citoyen doit payer doublement sa facture d’eau ou d’électricité.

C’est, évidemment, loin d’être l’idéal, mais ça marche.

C’est donc une société civile très dynamique, très active, pleine de ressources, qui pallie les lacunes de l’état en procurant à la société toutes sortes de prestations : les ONG pour la protection des réfugiés, l’éducation pour le code de la route, la protection de la nature, l’éducation des enfants, la santé des handicapés, les espaces verts, la qualité de l’eau, la culture, le théâtre, etc. Rien n’échappe à cette société civile. Sans elle, probablement, le pays aurait été différent. Or qu’est-ce qu’une société civile, sinon une volonté commune de construire et de bâtir ?

Finalement rien ne réussit à détruire l’état libanais. Rien ne modifia le principe fondateur de cette alliance, même si les adhérents à un camp ou à l’autre ne sont plus les mêmes.

Les indépendantistes gagnèrent les batailles en 1544, en 1860, en 1943 et aujourd’hui encore une ligne rouge est infranchissable, par consentement de toutes les factions libanaises, et, surtout, grâce à une volonté populaire, malgré les tentatives innombrables de la dépasser. Interdiction absolue de retourner à la guerre civile, empêcher par tous les moyens une détérioration sécuritaire.

Il y a donc une solidarité tacite entre les diverses factions (non seulement des dirigeants, mais aussi des dirigés) bien au-delà de leurs différences confessionnelles et partisanes. La montagne, la mer et la plaine ont bien compris que leur seule chance de survie était une alliance indéfectible, malgré leurs divergences d’opinion.

L’esprit d’indépendance, que ce soit vis-à-vis des Ottomans, des Puissances Occidentales, des Français, le souci d’autonomie, voire d’autarcie, l’autogestion, l’esprit général de rébellion contre les occupants, quels qu’ils soient, la soif de libertés (au pluriel) ont été – et sont toujours – les motivations profondes des mouvements populaires ou militaires des Libanais de longue date. L’esprit de solidarité de la diversité, voilà ce qui a forgé et façonné et continue de forger et de façonner ce petit pays. Une volonté intrinsèque d’apprendre, de construire et de bâtir.

Ce sont les idées qui ont, depuis le 16ème siècle, formé les partis ou les camps et non pas leurs croyances ! C’est la survie existentielle de ces camps qui les rend dépendant les uns des autres. En politique occidentale on appelle cela un gouvernement de coalition (comme en Suisse avec la formule magique ou en Allemagne avec la formule actuelle de gouvernement).

A chaque fois que des tentatives de contourner cette cohabitation des idées par une formule sur une base confessionnelle, cela a abouti à de sanglants conflits qui n’ont pu être résolus que par des solutions politiques et des accords entre diverses tendances bien au-delà des divergences confessionnelles.

Cela ne veut pas dire que les confessions ne sont pas un élément essentiel du pays, mais elles n’en sont ni l’élément fondateur ni la colonne vertébrale et certainement pas le moteur évolutif. Au contraire, les religions ont toujours prouvé que chaque fois qu’il a été question de les séparer ou de les opposer les unes aux autres, elles ont refusé cet état et ont réagi par l’aspect politique et non pas confessionnel.

Ainsi donc la formule libanaise, basée sur la cohabitation de la diversité d’opinions, qui ressemble étrangement à la formule magique suisse, peut être un modèle de gestion d’une population multi-confessionnelle, pour ne pas dire multi-culturelle.

C’est cela le Liban, une idée, un mythe fondateur, une formule qui a fait ses preuves depuis 1516 et qui s’est, à chaque difficulté, renforcé, amélioré. Il est difficilement destructible, même s’il a une apparente fragilité.

Le Liban, cette idée devenue un pays, est le fruit d’une volonté de vivre ensemble, d’un partage, même difficile, de valeurs, communes d’autonomie, d’indépendance et de libertés (au pluriel).

Cette notion de liberté et de fierté, issu de la mentalité de la montagne se reflète par l’esprit de solidarité et d’accueil, mais aussi par celui de rébellion.

Le Liban existe, non pas, parce qu’on l’a créé, mais parce que les Libanais, tous les Libanais, l’ont façonné et ont voulu qu’il existe et vive. Il a résisté à tous ses prédateurs et, j’espère et le pense, il continuera de résister. C’est sa raison d’être.

Merci.

Beyrouth le 2.10.15

La Conférence était organisée par l’Institut des cultures arabes et mediterranéennes – L’Olivier (ICAM)

 

Help Lebanon help Syria: Awaiting a Political Solution to the Catastrophic and Explosive Situation. ¦ Dr Kamel Mohanna

Help Lebanon help Syria:

Awaiting a Political Solution to the Catastrophic and Explosive Situation.

Dr Kamel Mohanna

President and Founder of Amel Association International- Lebanon General Coordinator of the Arabic and Lebanese NGO Network Professor of Paediatrics at the Lebanese University.

Context:

With Syria entering its fifth year of violence, Lebanon too is falling into a downwards spiral. The political paralysis in which the country finds itself is not helping to slow down such a dangerous progression. The Syrian crisis is having diverse effects on Lebanon on a number of levels, the first being humanitarian. According to the government, Lebanon, with its population of only 4 million, is housing more than 1.5 million refugees, of which 1.2 are registered with the UNHCR. This is the equivalent of 20 million people suddenly arriving to France. Put in such a situation, how would they react? The call for international solidarity would be immediate.

Furthermore, it is estimated that there are 1.5 million vulnerable Lebanese now living in poverty. The World Bank estimates that there has been $7.5 billion of economic losses in Lebanon due to the Syrian Crisis. How can Lebanon look after these individuals, when their economy has been driven to the ground? Again, imagine, such a scenario in France, or England, or Germany. Such economic losses would be catastrophic, not only for them but for the global economy.

From this scenario, of rapidly expanding needs and rapidly diminishing resources, stems a series of concerning impacts, on economic, social, political and security levels within Lebanon. One of the most concerning victims suffering from these impacts are school-aged children who, given their loss of home, peace and stability are becoming the lost generation of the Syrian crisis. The large number of refugee school-aged children in Lebanon has overwhelmed the public system, and in order to avoid further hindering the future of these youth, innovative strategies need to be taken to ensure their continued education. Currently over 30% of Syrian refugees within Lebanon are aged between 5 and 17 years old.i Of these, only 25% of are enrolled in public education in Lebanon. ii According to UNICEF, only 100 000 of 400 000 school aged Syrian children are enrolled in educational programs in Lebanon.

Lebanon currently has the highest concentration of refugees per capita in the world: more than 40% of its population is refugee. Many of these refugees have been here since the beginning of

the crisis in 2011, and with no solution for Syria in sight, will most probably be in Lebanon for many years to come. Considering the Syrian crisis as an emergency is no longer viable, and all interventions within the crisis framework must be carried out with development and sustainability in mind. This is particularly important in the education sector, given the necessary continuity needed for a successful education for these youth. Without the appropriate studies, and opportunities for the future, these youth could easily fall into radicalization, and movements of extremist violence which would be a tragedy for all those affected both directly and indirectly by this.

Despite the urgency of such a situation, the absence of solidarity from the North is severely felt. This lack of responsibility from the international community is condemnable. Furthermore, within such a context, of such an unprecedented crisis and with a lack of political solution in sight, it is vital to question the integrity of the humanitarian response in Lebanon, and to ensure a focus on saving host and refugee populations from long-term consequences provoked by the prolonged war.

As international organisations continue to impose over a national response, this catastrophic situation needs to be quickly and thoroughly analyzed if we are to arrive at a committed and effective humanitarian action, based on the equal partnerships of organisations from North and South, that aim at ensuring dignity for all individuals. Unfortunately, it is often possible to see great gaps between funding requirements and the needs on the ground. Take for example the funding cuts in education in 2014, which left a huge number of youth in yet deeper situations of vulnerability, without access to a basic education. This is often the consequence of policy making and donor requirements that are detached from the real needs on the ground, and through a lack of interaction and dialogue with local NGOs, familiar with the situation in the field. It is those local NGOs that have access and links with the dispersed vulnerable populations, spread across more than 1400 towns and villages and through 1700 informal tented settlements. INGOs and UN agencies are incapable of accessing such quantity of areas and establishing trusting relationships in which real needs assessments can be carried out.

The  evolution  of  the  humanitarian  sector  in  Lebanon:  from  humanitaria n  solidarity  to  “charity  business”

Lebanon has been the “theatre of operations” for humanitarian and development actors throughout its history- particularly during the civil war and the Israeli occupation and invasion. We have been witness to the evolution of humanitarian aid and its various forms. During the Israeli invasion and the civil war, we saw „humanitarian solidarity‟, with international volunteers arriving daily to experience our tragic reality. These volunteers were motivated by solidarity and commitment and generally didn‟t have a financial interest in the situation.

After the civil war, in the early 90s, with the fall of the Soviet Union, we entered into a new humanitarian phase, with changes in the profile of individuals coming to work in the sector here in Lebanon. There was an arrival of well versed „lesson givers‟ that surprised the humanitarian community here in Lebanon. Our own expertise was reduced to nothing and they spoke to us of logical frameworks, performance indicators and other evaluation tools, which useful as they are, increasingly obscured the reality on the ground. Many of these non-governmental organisations (NGOs) had become an extension of foreign powers, teaching us to do our own work, with certain arrogance in their supposed knowledge of the needs on the field, and the ways in which to best respond.

Nevertheless, Amel, who has so far offered 900 000 services to the Syrian refugees, has fostered very successful relationships with international organizations, working together in partnerships that offer local knowledge, strong technical expertise and the financial resources to design sustainable projects.

In the current context, biased management of programs in favour of international NGOs, at the cost of local NGOs, in the Syrian crisis response within Lebanon is not viable. If we are to be able to provide sustainable projects to develop the local society, both host and refugee communities, there must be a stronger emphasis on collaboration and cooperation between all stakeholders involved. This involves both international and national NGOs, as well as donors, municipalities, ministers, among others. Given the extent of the crisis, collaboration across all domains is vital, given that the Syrian crisis is affecting all areas of Lebanese from, education, to health care services, to the environment, as tons more rubbish is being produced by the increase population number. Amel, being a civil, non- sectarian organization, is able to work successfully and productively within in the Lebanese context, and ensures strong collaboration between all actors involved.

However, to further complicate matters in the local humanitarian context, the large financial dependence on principally developed countries’ institutions, has also led to a lack of humanitarian solidarity. It threatens the success and continuation of projects, and often leaves local NGOs incapacitated. Projects aimed at building human capacity, have had to be stopped or reduced due to donor fatigue, and many  local NGOs are not in a position to be able to counter this. Fortunately, Amel is capable of ensuring 53% of its funds through the participation of beneficiaries, revenues from the property, and its bi-annual gala dinners. This autonomy and independence is reflected in the internal organisation of Amel and in its choices of programs. In this way, we are able to develop strong relationships, built on trust, with various partners, in order to implement ambitious, innovative and comprehensive projects.

Take for example Amel´s empowerment of host and refugee of youth and women through the set-up of a shop, MENNA, selling their local produce in the capital city, Beirut. This project has found great interest from the national and international humanitarian and entrepreneurship communities given its innovative way in providing women with access to the market and economic opportunities. Educating women in business and marketing tools, as well as quality controls, not only works towards improved social cohesion as women from host and refugee communities work together, but also ensures sustainability, as it will ultimately the beneficiaries who are financing the continuation of the project, through the sales of their goods.

In a world subdued to the dictum of money, human values are swept away with a flood of greed that undermines human dignity. Terrifying situations continue to occur without provoking the least reaction from „big powers‟- 10 million Syrian refugees; 200 000 murdered Syrians; a Palestine still occupied, despite the violations of international law this supposes, prisoners tortured by supposedly Human Rights promoting states. It becomes apparent, that many powers use such humanitarian contexts as pretexts to intervene when their interests are in danger, rather than being truly concerned at the violations of human rights that are occurring. This is tragically demonstrated by the current

European migration scandal, in which migrants are left to die daily in the Mediterranean, without the minimum regard for their human rights, the freedom of movement and the right to life. Financial interest in undertaking projects is yet further demonstrated in the large sums of money that go to the overhead costs within international NGOs, rather than being invested in beneficiaries.

However, as the consequences of a prolonged war, become more troubling for the West, this lack of support to countries carrying the main burden of the crisis will have to change. A demonstration of this is the terror threat that extends past borders and affects the global community. Sadly, countries such as Lebanon and Turkey are acting as breeding grounds for new terrorist recruits, given the large number of youth not enrolled in any educational system, and often, as a consequence, become easy targets for extremist groups.

Fortunately, despite the reductions in funding in the formal education sector, Amel has been able to continue non formal education programs, offering opportunities to youth to keep them out of trouble, and out of the reach of preying terrorist groups. Amel´s EU funded project, enrolls youth in skill building workshops, and helps them find work in internship placements. The success rate of this project is quite amazing, and a strong number of youth have then been seen to go on to find work and use their skills in their local communities. This keeps the attention of these youth in positive, social groups, rather than letting them slip into the reach of extremists and terrorists.

The role of local NGOs, a catalyst for change:

Despite the United Nations insisting in the importance of engaging and working with local partners, the majority of the time UN agencies adopt a paternalistic attitude. For example, in Lebanon, the UNHCR has built up its own network of NGOs, instead of participating in dialogue with those already existing. As a consequence, the capacities of local NGOs are not being reinforced, and instead the sector is simply being further diversified. This assures that no organisation will be strong enough in the future to build up a counterbalance to the politics of the United Nations. It is important to repeat, that strong dialogue and cooperation between all stakeholders will assist in developing a resilient and sustainable strategy to deal with the Syrian crisis.

Local civil society and other local actors, namely municipalities and ministeries, are the real sources of efficient action and the true levers for change. Strong in their field experience, they possess a significant and irrefutable expertise within the contexts in which they have been working. Through their many years of hard and committed work, these structures and local NGOs have earned a great deal of legitimacy among local communities. It is due to this grassroots experience that the importance of local NGOs should be held in greater esteem by the international community. Amel employs local staff on the field-level who are well aware with the contexts and situations in which they are working. This is why Amel is still able to work in the high risk area of Ersal, as local staff, familiar with the situation, know the best way to continue implementing projects, and assisting the local communities in their development.

It is worth remembering that international structures, by definition, are not tied to staying in any one country in which they operate, unlike local actors. The latter must therefore be considered as stable actors through which change can be made. Amel acts as a strong example of this stability and long-

term capacity, given its 24 centres and 6 mobile units across the country, which will continue to provide vulnerable populations with the appropriate assistance, even when international organizations leave. This is particularly important given the dire forecast for the Syrian crisis, and the high probability that refugees will be here for many years to come. The reinforcement of the capacities of local structures is of great importance in an enduring crisis. Local NGOs should be directly supported in improving their organisation, their governance and their transparency, with the aim of becoming fully-fledged partners. This doesn‟t mean adapting to an audit to make surface changes, but rather conducting joint reflections on the ideal configuration of partnerships. Amel focuses on developing the skills of all individuals necessary to make change, from its own staff at headquarter and field level, as well as beneficiaries, to ensure that they too can be actors in positive change.

Amel Association International: a model and pioneer in counter-current humanitarian action

Amel Association International is a non-governmental, non-confessional, civil organisation set up in Lebanon in 1979 during the civil war and the Israeli occupation of southern Lebanon. Through its 24 centres, 6 mobile clinics and 700 personnel who contribute to uphold the vision of Amel, the organisations implements extensive activities and projects related to health and mental health, education, child protection, vocational training, rural development, gender and human rights. Amel‟s programs target marginalized populations in all regions of Lebanon, without discrimination of nationality, political or religious affiliation. The action of Amel aims to reinforce a culture of rights among citizens, refugees and immigrants and to promote their access to these rights and their participation in public life.

Amel has distinguished itself in a region where confessional, political, social and economic divisions are rife. In this way, Amel‟s work encounters numerous challenges on a daily basis. Despite all of these difficulties, the organisation and its staff refuse to fall into inaction and pessimism, and we focus on the words of Nelson Mandela: « Vision without action is just a dream, action without vision just passes the time, and vision with action can change the world. » During the years, the organisation has been motivated by the motto “Positive Thinking and Permanent Optimism” and our work is guided by the 3 Ps: “Principles which define a Position that we put into Practice”. In this way, Amel has adopted simple and consistent principles in line with its action, proving that Lebanese civil society is quite capable of constructing its own future. In this sense, Amel has been and continues to be an example for Arab and Lebanese NGOs.

The organization places a great deal of energy and hope in the young generations. Whether they come from large towns or remote rural villages, these individuals are filled with values of tolerance, respect for human rights and as well as a spirit of entrepreneurship, all of which must be fostered.

Amel is convinced that there cannot be development without democracy, and for this development to continue positively in the future, we cannot let this young generation fall out of the system and lose their chances of an education. The provision of long-term projects of development, implemented in order to reinforce the capacities of  vulnerable populations and to revitalize economic  growth in Lebanon is vital.

Amel aims to act as a catalyst within Lebanese and international civil society in the humanitarian sector, and to question the norms imposed by international actors. The role of Amel within the collective of Lebanese NGOs, and its membership of ECOSOC, HAP, HCT, ICVA, DPI and multiple international networks, is testimony to Amel‟s commitment to the causes it is working for, and to its commitment of strengthened collaborations between international and national actors.

 

Backed with more than thirty years of experience in Lebanon, Amel became an international organisation in 2010 as it opened an office in Geneva, and in France in 2014. The aim of such internationalization is to unite the North and South through humanitarian goals, to work for the interest of vulnerable populations, to commit to the just causes of the people, first and foremost, the Palestinian cause, and to maintain a distance from political opinion.

 

Thanks to this international dimension, Amel has been able to develop numerous partnerships with other NGOs across the world, including Medecins du Monde and Medico International. Reinforced by the trust shown by local communities to the  work of Amel, the organisation has acquired high recognition among international organisations.

 

It is fundamental to not marginalize the initiatives of civil- society which aim at solving social problems. This means that the non-governmental sector should not be considered as the „third sector‟ of society but as the first. This would ensure that development plans dictated by governments, economists and financial institutions, are inclusive projects aimed at benefiting ALL members of society. For the path of development to be successful in Lebanon, interventions should promote and protect the right to independence and self-determination for all populations. Focusing on education is a key tool in providing individuals with the capacities to develop themselves and the societies in which they find themselves.

 Conclusions and Amel ‟s recommen dations f or stronger, more equal North -South partnerships for a more accountable humanitarian sector:

 

In conclusion, there are a number of recommendations that Amel makes to ensure viable, development focused projects. Change must come not only through short time aid fixes, but through long-term influences in policy too. Civil society is at the forefront in transforming these dynamic pressure instruments to influence policies, and they must ensure here in Lebanon that a coherent national policy on dealing with the crisis is developed. We must ensure that laws meet the needs of all without discrimination or religious, political, ideological, or geographical distinctions. This however, requires a comprehensive vision of development and a charter between NGOs and members of Northern and Southern civil society, in which roles are fairly distributed.

If development is really to take way in response to the Syrian crisis, all involved and engaged actors must ensure an environment in which human capacity has the opportunity to thrive. This means, in the first instance, empowering youth through ensuring that all school-aged children are involved in the appropriate educational programs, and that other vulnerable individuals in socially- economically difficult situations, have access to skill building programs.

Through long-term strategies of strengthening public services and through medium-term projects of service provision among vulnerable populations, Lebanon should be able to continue to provide support to the thousands of Syrian families left in despair. This however, does not mean that they are able to continue to provide adequately for the 1.5 million refugee population that currently finds itself in the country. Western countries must assume more responsibility and carry more of the burden, in accepting greater numbers of resettlements, and maintaining financial commitments. Furthermore, there are recommendations for economic support from the international community. We must remind the international community, and the international organisations channeling their donations, to dedicate funds as far as possible to the beneficiaries, and not spend large sums in costly overheads. The charity business, and BONGOs (business orientated NGOs) in this way can be avoided.

A political situation to resolve the crisis must also continue to be pushed for, in order to bring resolve to this tragic scenario, and the lost generations is has created. The international community must help Lebanon help Syria, to avoid the prolongation of this catastrophic and explosive situation, caused by the conflict in Syria, but affecting dramatically the whole region. The presence of INGOs in the region is not enough, if equal relationships between organisations of North and South are not fostered. In the case that balanced partnerships are not developed, neocolonialism is simply reinforced. As local civil society, we must stand against this, and ensure that principles of respect and collaboration are installed in interactions and cooperation between INGOs and NNGOs.

 

 

i       http://data.unhcr.org/syrianrefugees/regional.php

ii       http://www.unicef.org/lebanon/media_10274.html

Le Festival de Baalbek à Marseille

Le Festival d’Aix-en-Provence rend hommage au Festival International de Baalbeck qui s’apprête à souffler ses 60 bougies.

Animée par le poète Issa Makhlouf, cette soirée s’inscrit dans la tradition des salons littéraires et musicaux. Assis face au public, écrivains, compositeurs, artistes confieront leurs émotions liées à Baalbeck et son festival, fragilisés aujourd’hui par la guerre en Syrie, à travers la musique, le chant et la poésie.

Avec la participation de Nabil El Azan (conception et mise en scène), Adonis, Etel Adnan, Talal Haydar, Issa Makhlouf, Salah Stétié (poètes), Bechara El-Khoury, Naji Hakim, Zad Moultaka (compositeurs) Simon Ghraichy (piano), Fadia Tomb El-Haje (chant et textes en français), Rafik Ali Ahmad (textes en arabe).

Le Festival de Baalbeck

Le Festival International de Baalbeck est l’événement culturel le plus ancien et du Moyen- Orient. Il se déroule en été dans l’acropole romaine de Baalbeck, dans la Békaa (Liban).Fondé en 1956, il s’est d’abord consacré au théâtre, à la musique classique, au ballet, accueillant des artistes de renommée internationale comme Nureyev, Cocteau, Béjart, la troupe Alvin Ailey… des artistes de jazz, tout aussi prestigieux, se sont également produits à Baalbeck : Ella Fitzgerald, Miles Davis, Charles Mingus…. Simultanément, le Festival a soutenu de grandes productions locales et arabes, découvrant et encourageant des talents libanais qui ont porté haut et loin la musique orientale avec Fayrouz, Sabah, Wadih el Safi, Roméo Lahoud, les frères Rahbani …

Le Festival International de Baalbeck s’arrête en 1975 et durant toute la guerre civile libanaise … pour reprendre, aussitôt la paix rétablie, ses activités culturelles et artistiques.Depuis sa renaissance, en 1997, le Festival de Baalbeck est resté le fleuron culturel et touristique de la région, offrant des spectacles internationaux de qualité, et encourageant des artistes et des productions locales. Et il a fait école…malgré les moments difficiles qu’il a rencontrés dus à la situation sécuritaire de la région.

Cette année, à la veille des 60 ans du Festival, les organisateurs ont sollicité plus de vingt artistes libanais de renommée internationale, pour que chacun, selon son mode d’expression, soumette une création rendant un hommage à Baalbeck. Ces œuvres se donneront donc toutes la main, le 31 juillet, sur les marches du temple de Bacchus.

Et c’est grâce à l’hommage que le Festival d’Aix-en-Provence rend au Festival International de Baalbeck, à Aix et à Marseille, que ses voix, ses musiques, ses mots, ses gestes, traverseront la Méditerranée et résonneront au-delà des frontières.

http://www.baalbeck.org.lb

Le Festival d’Aix

Chaque année depuis 1948, le Festival d’Aix-en-Provence s’attache à présenter un programme de grande diversité : productions d’opéra, œuvres de jeunesse et célèbres opéras de Mozart, créations contemporaines, redécouverte de chefs-d’œuvre baroques, opéras de chambre, sans oublier d’exceptionnelles affiches de concerts. Il vante plus de 81 000 spectateurs en juin et juillet 2014. En encourageant l’émergence des jeunes talents, le Festival d’Aix a résolument ouvert de nouveaux horizons dans les domaines de la création artistique. Il entend ainsi faire vivre l’opéra dans le monde contemporain et l’entraîner sur les scènes nationales et internationales les plus prestigieuses. En 2014, l’Académie du Festival d’Aix a fêté son 17e anniversaire avec plus de 250 jeunes artistes venus du monde entier, dont la présence a métamorphosé cette manifestation en un extraordinaire théâtre d’échanges et de passion partagée pour l’opéra et la créativité… Parmi eux, 90 instrumentistes issus des quatre coins de la Méditerranée sont venus participer à l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée, qui fait aujourd’hui partie intégrante du Festival et lui ouvre de nombreuses perspectives pour développer des projets avec les acteurs culturels du pourtour méditerranéen.

www.festival-aix.com

 

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