Institut des cultures arabes et méditerranéennes  (ICAM)
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HOMMAGE Salah Stétié : ami, témoin et symbole par ADONIS

21 May 2020/0 Comments/in Cultures arabes, Liban, Littérature, Non classé /by ICAM

Salah Stétié nous a fait ses adieux, quittant ainsi ce monde, privant les cultures française et arabo-musulmane d’un symbole et d’un modèle. Pendant qu’il pensait, écrivait et explorait en français, il rêvait, voyait et soupirait en arabe.

En ce qui concerne le symbole, sa vie était, en théorie et en pratique, le lieu d’une interaction créatrice entre deux cultures ouvertes sur les cultures du monde. Quant au modèle, c’est que sa vie était cet espace créatif d’une union novatrice entre soi-même et l’autre.

Ce qui unit le symbole et le modèle, c’est l’horizon de création commun qui s’est libéré de la théologie des origines, pour s’inscrire dans la laïcité du devenir.

Dans tout cela, il semble donner à la civilisation aryano-sémitique un autre nom que celui que lui a donné Ernest Renan, « une civilisation unique à deux têtes », pour dire à la place que c’est « une civilisation unique avec la double langue de la culture ».

Ces propos révèlent un horizon qui fait de la culture arabo-musulmane un partenaire fondamental dans « la langue des origines humaines », selon l’expression de saint Augustin, considérant la langue arabe comme le réservoir de l’islam civilisationnel, son édifice culturel et son miroir de pensée sur la carte du monde.

C’est la voie permettant de faire entrer l’identité arabo-musulmane dans la dynamique d’appartenance au futur et à l’horizon du monde, comme c’est le cas pour le christianisme.

En vérité, nous voyons dans les écrits, en prose ou en poésie, de Salah Stétié un monde qui se développe dans une mémoire collective islamique et chrétienne, unissant la nature et ce qu’il y a derrière, entre l’Orient et l’Occident, entre l’esprit et les sens, entre l’abstrait et le sensible.

Dans ce monde, l’identité ne semble plus venir du passé en tant qu’héritage, mais elle paraît ouverture sur l’avenir, je veux dire qu’elle devient recherche, questionnement et inventivité. C’est que l’homme en ce monde crée son identité pendant qu’il crée sa pensée et son travail. La finitude qui loge dans le corps de l’homme est habitée par l’infini qui loge dans son imaginaire. Soi-même n’est que l’autre qui est toi-même, selon l’expression d’Abû Hayyân al-Tawhîdî : « L’ami est un autre toi-même. »

C’est ainsi que s’inscrit la culture arabo-musulmane, contrairement à ses interprétations théologiques ambiantes, dans l’espace de l’avenir, dans la dynamique du progrès et ses découvertes cognitives. Et c’est ainsi qu’elle tire profit de sa dualité, dans sa causalité, objectivement et subjectivement, avec la culture de l’autre. La singularité créatrice est l’autre visage de la dualité créatrice. L’un ne peut être vraiment un que s’il n’est autre.

Dans la création de pensée philosophique, il y a ce qui pose les fondements de cette dualité. La philosophie arabe a assuré, par la bouche d’Averroès, que l’homme ne peut interpréter le monde par la religion seule, et qu’il est nécessaire de faire appel à l’esprit. Et dans cet espace humain créatif, la philosophie arabe a, par Averroès, donné à Aristote le nom de « premier maître ». C’est le premier hommage dans l’histoire de la relation humaine et culturelle entre soi-même et l’autre.

Hommage à Salah Stétié, ami, témoin et symbole.

Adonis, Paris, mai 2020.

(Traduit de l’arabe par Aymen Hacen)

Retrouverl’articlesur le site de l’Orient le jour

https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2020/05/stetie-1.jpg 497 708 ICAM https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2014/07/olivier-icam-short-300x145.png ICAM2020-05-21 23:12:152020-05-21 23:13:56HOMMAGE Salah Stétié : ami, témoin et symbole par ADONIS

Qui sont les “Bad girls des musiques arabes”, héroïnes d’un beau documentaire ?

30 January 2020/0 Comments/in Documentaire, Femmes, Musiques du monde arabe, Non classé /by ICAM
Belles & rebelles

Qui sont les “Bad girls des musiques arabes”, héroïnes d’un beau documentaire ?

Publié le 25/01/2020 par  Anne Berthod

De Djamila, esclave émancipée du VIIIe siècle, à Soska, rappeuse vedette sur Internet, un superbe documentaire de Jacqueline Caux dresse le portrait de femmes arabes qui ont su, à travers les âges, défier le patriarcat et faire entendre leur musique avec fougue et audace. À découvrir le 26 janvier à l’Auditorium du Louvre !

ebelles et scandaleuses, elles se sont fait un prénom en se mêlant aux hommes, en chantant l’amour et le désir : Djamila, Wahlada, Oum, Asmahan, Warda et Soskia sont Les Bad Girls des musiques arabes, nom d’un documentaire édifiant de Jacqueline Caux qu’elle présentera dimanche soir à l’Auditorium du Louvre, en clôture du festival JIFA (Journées internationales du film sur l’art). « Les attentats ont nourri les amalgames sur l’Islam et la culture arabe, de plus en plus associés à la violence et au conservatisme, dit-t-elle. J’ai voulu montrer que ces cultures pouvaient être au contraire inspiratrices de beauté, de ténacité et de poésie. »

Auteure engagée d’une quinzaine de films principalement musicaux (de la techno de Detroit aux cheikhates de l’Atlas Marocain), cette cinéaste indépendante a donc remonté le fil de l’histoire pour sélectionner des artistes telles Oum Khalsoum, Warda Al Jazaïra ou la reine du raï Cheikha Remitti. « Je m’incline devant ces artistes qui ont osé transgresser tous les tabous. J’ai ainsi découvert que des esclaves pouvaient chanter des choses que des femmes libres ne pouvaient pas. Dans des pays où les femmes sont traditionnellement soumises, elles se sont affranchies par le verbe et le talent, en mettant leur vie en adéquation avec leurs propos, parfois au prix de grands sacrifices. »

Ces héroïnes au destin hors-norme, éminemment romanesque, Jacqueline Caux les raconte d’une écriture poétique rappelant parfois celle des Mille et une nuits, composant à travers les siècles une balade contemplative et inspirante. Voici cinq d’entre elles, dont chacune aurait mérité un biopic à elle seule.

Djamila, l’esclave

C’est au VIIIe siècle, dans le désert d’Arabie, qu’a résonné la première grande voix rebelle du monde arabe identifiée par Jacqueline Caux. Djamila, comme seules pouvaient le faire quelques esclaves à Médine, put s’élever socialement par sa beauté et son talent de oudiste. Assez pour imposer le silence aux hommes qui venaient l’écouter, comme le poète Omar Ibn Abi Rabi’a qui, un soir de taarab (l’extase dans la musique arabe) particulièrement intense, en déchira ses vêtements.

Assez, aussi, pour éduquer ses élèves à la baguette – sur la tête. Car Djamila fut la première femme à fonder un conservatoire de musique, mixte qui plus est. La première, également, à diriger un grand orchestre arabe (150 musiciens). En 752, elle partit même sur les routes avec une troupe de cinquante musiciennes : direction La Mecque, où elle les fit jouer jouer dans les palais de la ville pendant trois jours et trois nuits, organisant ni plus ni moins que le premier festival de musique du monde arabe.

Wallada, l’Andalouse

Née en 994, Wallada est la fille du dernier calife omeyyade de Cordoue : une héritière fortunée, qui fonda à 24 ans un salon littéraire, où l’audace était de mise pour le plaisir de tous les lettrés d’Andalousie. C’est ainsi que cette rousse flamboyante, qui revêtait au quotidien l’une de ces tenues transparentes portées traditionnellement dans les thermes de Bagdad, est devenue l’amante du grand Ibn Zeidoun. Elle lui inspira des vers caliente (« l’endroit vers lequel tout homme soupire, on le devinait comme le museau d’un lapin doux ») et se consuma d’amour en retour, mais avait toujours brodé au bas de sa manche « J’offre mon baiser à qui le désire ».

Ibn Zeidoun eut la mauvaise idée de la tromper avec sa servante et fut envoyé en prison au Maroc pour trahison. Elle se consola plus tard dans les bras d’une sublime poétesse. Et finit sa vie ruinée, hébergée par un autre de ses anciens amants.

Asmahan, la Mata Hari

Yeux verts et voix renversante, la sublime Asmahan fut la rivale d’Oum Khalsoum dans les années 1930-1940, et l’aurait peut-être même détrônée si sa voiture n’avait pas versé dans un canal, l’année de ses 27 ans… Née princesse druze dans les montagnes syriennes, elle a grandi au Caire, où sa mère, tabassée par son mari pour avoir chanté dans le jardin, s’était exilée avec ses trois enfants, dont Fouad et Farid El Atrache. Cette dernière, chanteuse de cabaret, veilla à leur éducation et transforma leur maison en école de musique.

Le succès d’Asmahan fut immédiat. Star glamour de comédies musicales aux décors somptueux, séductrice et fêtarde invétérée, elle menait pour beaucoup une vie de débauche — de femme libre dirait-on aujourd’hui. De son premier mari syrien, imposé par un frère aîné qui voulait la « ranger », elle divorça au bout de sept ans. Elle en eut quatre autres. Et flirta avec le grand chambellan égyptien, amant de la reine Nasli (mère de Faroukh 1er, qui chassa Asmahan d’Egypte !). Pendant la guerre, elle entretint également des liaisons dangereuses avec les services secrets français et anglais.

Warda, la Piaf maghrébine

Ni esclave, ni princesse, Warda est née fille d’immigrés prolétaires, à Paris, en 1939. Ses premiers pas de chanteuse, elle les a faits sur la scène du fameux cabaret Tam Tam (Tam pour « Tunisie, Algérie, Maroc »), ouvert par son père dans le Quartier latin. Elle en devint la diva en titre, adulée dans la diaspora maghrébine, pour ses hymnes d’amour comme ses chansons patriotiques. Quand la police ferma le Tam Tam, soupçonné d’être une planque du FLN, sa famille s’expatria au Liban, le pays maternel, puis en Algérie, le pays paternel.

Warda « Al Jazaïra » était alors « la rose algérienne », reine des cabarets à Beyrouth et icône de l’Algérie indépendante. Interdite de chanter en public par son mari, haut-gradé de l’Etat, elle se retira de la scène pendant dix ans. Elle y revint à la demande du président Boumedienne, malgré les menaces de son époux : « Si tu chantes, tu renonces à tes enfants ». Warda a chanté… Au grand dam de ses enfants, qui lui en ont longtemps voulu de les avoir abandonnés.

Soska, la rappeuse 2.0

Pas étonnant que Jacqueline Caux ait trouvé Soska en surfant sur Internet : c’est là que cette rappeuse égyptienne a émergé, à l’âge de 17 ans. Et là qu’elle continue de sévir dix ans plus tard, en rappant sur sa chaîne Youtube (The SoskaGirl, 190 000 followers), devant des milliers de fans, des États-Unis à la Corée.

Ses textes, militants, dénoncent l’oppression des femmes et le patriarcat des sociétés orientales. Ses propres parents, très religieux, estimaient que seuls les hommes pouvaient rapper. Pour les convaincre, Soska a fait une grève de la faim, à 15 ans. À 19, elle vivait déjà de sa musique, assez pour aider sa famille et déménager à Alexandrie.

Depuis, elle a tombé le voile qu’elle portait à ses débuts, mais ne donne que peu de concerts en Égypte, où ses propos virulants l’exposent trop. Les réseaux sociaux, où ses fans payent pour qu’elle chante le morceau de leur choix, lui suffisent amplement : elle a même un directeur artistique, qui lui conseille depuis la Chine comment décorer sa chambre les jours de live !

À voir
« Journées internationales du film sur l’art », jusqu’au 26 janvier, auditorium du Louvre, musée du Louvre, tél. : 01 40 20 55 55. Première des Bad Girls des musiques arabes – du VIIIe siècle à nos jours, de Jacqueline Caux (France, 80 mn) le 26 janvier à 20h30, à l’Auditorium du Louvre, projection suivie d’une rencontre avec Jacqueline Caux et d’un concert de la rappeuse Soska.

Retrouver l’article sur Télérama

https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2020/01/bad_girls_asmahan1_2.jpg 766 1000 ICAM https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2014/07/olivier-icam-short-300x145.png ICAM2020-01-30 13:04:552020-01-30 13:05:46Qui sont les “Bad girls des musiques arabes”, héroïnes d’un beau documentaire ?
27 November 2019/0 Comments/in Non classé /by ICAM

58 MIN

L’âge d’or de la médecine arabe

07/03/2019

En quoi la médecine arabo-islamique a-t-elle marqué l’histoire médiévale ? Comment expliquer l’hégémonie de l’Empire Arabo-islamique : sa civilisation, ses savoir-faire ? Alors que l’Occident traversait un long obscurantisme, comment cette science et cette médecine en sont venues à dominer le monde?

Le banquets des médecins (1275)
Le banquets des médecins (1275)

C’est peu dire que l’histoire des sciences, telle qu’elle nous est ici comptée, et telle que nous la racontons tous les jeudis est très largement occidentalo-centrée. Ainsi, l’histoire de la médecine dépeint très largement l’essor de la Renaissance à travers la redécouverte des textes antiques. Or, entre le Vème et le XVème siècle, pendant ces 1000 ans de l’âge d’or de la civilisation arabo-musulmane, les savants de langue arabe ne se sont pas contentés de « conserver les savoirs hérités de la Grèce et de la Rome antique ». Ils ont largement contribué à les développer, à la préciser voire à les réfuter. C’est cette histoire de la médecine arabe que nous allons aujourd’hui vous conter.

L’âge d’or de la médecine arabe : c’est le programme décentralisé qui est le nôtre pour l’heure qui vient. Bienvenue dans La Méthode scientifique.

Et nos deux narrateurs de cette autre histoire de la médecine sont aujourd’hui Danielle Jacquart, directrice d’études émérite à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, section sciences historiques et philologiques. Membre de l’Académie internationale de l’Histoire des Sciences et Bruno Halioua, dermatologue, enseignant d’histoire de la médecine à Sorbonne Universités, membre de la société française d’histoire de sciences.

Le reportage du jour

Rencontre avec Joël Chandelier, maître de conférence en histoire médiévale à l’Université Paris 8. Qui fut Avicenne et pourquoi son Canon a-t-il été imprégné l’histoire de la médecine orientale et occidentale du XIe au XVIIe siècle ? Par Antoine Beauchamp :

Écouter

10 MIN

LA_METHODE_SCIENTIFIQUE – Reportage Antoine Beauchamp/Joël Chandelier Avicenne

Quelques repères

  • L’Empire arabo-islamique s’est considérablement étendu après la mort de Mahomet en 632. Un mouvement de conquête s’enclenche dans un premier temps sur la péninsule arabique, la Palestine, la Mésopotamie, la Perse et l’Egypte. En moins d’un siècle, l’empire arrive à s’étendre jusqu’au nord de l’Espagne à l’ouest, et au fleuve de l’Indus à l’est. Les grandes dynasties qui gouvernent et se succèdent vont instaurer une domination économique et intellectuelle.
  • A la suite de l’effondrement de l’Empire romain, l’Occident va connaître une longue période d’obscurantisme scientifique. Dans le même temps, les nombreuses traductions des textes savants grecs vers l’arabe vont assurer une sauvegarde des connaissances en médecine. Au-delà d’une conservation des savoirs, les médecins arabes vont partir sur ces bases et commenter, critiquer et dépasser les théories prônées par les Anciens : Galien, Hippocrate.
  • Entre le 10ème et le 13ème siècle, l’empire arabo-islamique est à son apogée et connaît un rayonnement scientifique, en particulier en médecine. Des savants comme Ibn Sina dit Avicenne, Muhammad Ibn Zakarya Râzi dit Rhazes, Abu al-Qasim al-Zahrawi dit Abulcasis dans des domaines tels que l’anatomie, la physiologie, les maladies infectieuses, la chirurgie et la pharmacie.
  • Plus que des découvertes médicales, c’est une démarche rationnelle que les savants arabes vont instaurer, fondée sur l’observation et l’expérience, prémisses d’une médecine basée sur les faits, qui va actualiser et moderniser la médecine. Dans les grandes cités comme Bagdad, le Caire, La Mecque, Tolède ou Montpellier, des hôpitaux vont se bâtir et se développer pour accueillir tout profil de malade avec un système d’organisation sectorisé, où médecins, infirmiers, pharmaciens et étudiants œuvrent à la pratique et cultivent la théorie.
  • A partir du 13ème siècle, plusieurs événements comme les invasions mongoles et les Croisades vont amorcer le déclin de l’Empire arabo-islamique. La science se poursuit cependant, et va circuler via les traductions vers le latin en Occident, et ainsi transmettre son héritage en théorie et pratique médicale, par des ouvrages comme le Canon d’Avicenne.

Le fil de l’émission

A retrouver sur le compte Twitter de La Méthode scientifique

  • Abulcasis, grand maître de la chirurgie hispano-arabe médiévale (Medarus)
  • Médecine grecque et médecine arabe : transmission du savoir entre Orient et Occident par Mehrnaz Katouzian-Safadi (CNRS – 2010)
  • A la découverte de l’âge d’or des sciences arabes (DOSSIER – Université Libre de Bruxelles)
  • Les sciences arabes : un âge d’or qui rayonne encore (AgroBioSciences – 2008)
  • L’âge d’or de la médecine arabe (L’Histoire – 1985)

Les références musicales

Le titre du jour : “Andalusian suite for oud and orchestra: Granada” par Marcel Khalife

Le générique de début : “Music to watch space girls by”, par Leonard Nimoy

Le générique de fin : “Says” par Nils Frahm

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Beyrouth ne pardonne pas – Carol Ziadé Ajami

16 July 2019/0 Comments/in Non classé /by ICAM

Fabienne, libanaise chrétienne éduquée dans une famille francophile, termine ses études à Paris. Marquée par la guerre civile qui a divisé son pays, elle désire dépasser ce traumatisme au sein du couple qu’elle forme avec un Libanais musulman chiite rencontré en France. Cependant, les résolutions des amants se heurtent aux conservatismes familiaux et ravivent d’anciennes douleurs.

 

Prix : 25chf

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Inscription au brunch de la Fête de l’Olivier 2019

2 July 2019/0 Comments/in Non classé /by ICAM

21 septembre de 11h à 14h30

Adultes 30.- CHF / Enfants jusqu’à 12 ans 20.- CHF

 

COMPLET !!!

 

 

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Meryem Alaoui, lauréate du prix Beur FM Méditerranée – TV5Monde 2019

12 February 2019/0 Comments/in LIBRAIRIE, LIVRES, Méditerranée, Monde arabe, Non classé /by ICAM

L’écrivaine a été récompensée pour son roman La vérité sort de la bouche du cheval, paru chez Gallimard.

Le prix Beur FM Méditerranée – TV5Monde 2019 a été attribué le 9 février à Meryem Alaoui pour son premier roman La vérité sort de la bouche du cheval, publié chez Gallimard. La récompense a été décernée à l’Hôtel de Ville de Paris à l’occasion du 25e Maghreb-Orient des Livres.

L’ouvrage retrace l’histoire de Jmiaa, une prostituée de Casablanca et mère d’une jeune fille, dont la vie sera bouleversée par la rencontre avec une réalisatrice qui cherche à comprendre son quartier.

Le livre figurait dans de nombreuses sélections des grands prix d’automne 2018, dont le Goncourt, le Goncourt des lycéens ou encore le Flore.

Chaque année depuis 1997, le prix Beur FM Méditerranée – TV5Monde récompense un roman en langue française abordant des thématiques liées au Maghreb et à la Méditerranée. Meryem Alaoui succède à Kaouther Adimi, distingué en 2018 pour Nos richesses (Seuil).

https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2019/02/livre-hebdo.png 250 344 ICAM https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2014/07/olivier-icam-short-300x145.png ICAM2019-02-12 14:42:582019-02-12 14:44:13Meryem Alaoui, lauréate du prix Beur FM Méditerranée – TV5Monde 2019

Toutes les musiques du monde arabe Entretien avec Véronique Rieffel par Catherine Guesde – La vie des idées

24 August 2018/0 Comments/in Non classé /by ICAM

par Catherine Guesde , le 27 juillet

Comment présenter quinze siècles de musiques arabes au public français en évitant l’écueil de l’orientalisme ? Première exposition en Europe consacrée à la question, Al Musiqa s’attache à déconstruire les clichés en proposant un nouveau voyage en Orient – cette fois, éclairé de l’intérieur.

Les musiques non occidentales sont souvent abordées sous l’angle de l’exotisme – en témoigne l’existence d’un « genre » appelé « world music » qui regroupe des œuvres dont le seul point commun est de venir d’« ailleurs ». Tout en se donnant des bornes chronologiques larges (de l’ère préislamique à nos jours), l’exposition Al Musiqa, qui se tient jusqu’au 19 août à la Philarmonie de Paris, se construit à rebours d’une telle approche. Combinant différents médiums et objets (vidéos, installations, instruments, affiches) en vue d’une immersion du spectateur, l’exposition est conçue comme un voyage dont chaque étape nous plonge dans une zone spatio-temporelle déterminée. Chaque salle constitue une borne d’écoute située : du désert où résonne la poésie chantée des bédouins et chameliers à l’époque préislamique, à l’espace dématérialisé d’internet à la fin de l’exposition. On y entend, entre autres, la musique de Cour du temps des Ommeyades, les chants soufis au Maghreb du XVe siècle ou encore la chanson populaire de l’Égypte du XXe siècle. Des œuvres de plasticiens contemporains issus du monde arabe complètent ce parcours qui sort des frontières de la musique pure.

Najia Mehadji, « Mystic Dance 2 », 2011

En refusant une approche formelle de la musique pour lui préférer la contextualisation historique, l’exposition permet d’appréhender les différentes fonctions – religieuses, politiques, sociales – qu’occupe cet art ; elle offre plus largement une exploration des cultures arabes à travers le prisme de la musique. Ce faisant, elle met à mal certaines idées reçues : la salle consacrée à la péninsule arabique du VIIe siècle souligne la musicalité de l’islam (psalmodies du Coran, prières accompagnant les fêtes religieuses) ; la place importante des femmes dans la chanson est mise en avant à travers les figures des divas des années 1940 (Oum Kalthoum, et bien d’autres encore). Mais c’est aussi l’idée d’un ailleurs irréductible qui est déconstruite : l’escale en Andalousie montre à quel point les musiques espagnoles et arabes entremêlent leur histoire, tandis que la réplique d’un café de Barbès, qui donne à entendre les « musiques de l’exil », rappelle qu’une partie des musiques arabes est aujourd’hui créée en France.

Maha Malluh, « Food For Thought 11000 », 2015

Dans cet entretien, Véronique Rieffel, commissaire de l’exposition, expose les défis auquel est confronté le projet d’Al Musiqa, tout en expliquant les choix effectués pour présenter un patrimoine culturel aussi vaste.

 

Véronique Rieffel est commissaire d’exposition indépendante, critique d’art et programmatrice culturelle spécialisée dans les arts du Moyen Orient et d’Afrique. Elle a été directrice de l’institut des Cultures d’Islam (ICI) à Paris, et de l’Institut français d’Égypte à Alexandrie. Elle est l’auteure de l’essai Islamania, de l’Alhambra à la burqa, histoire d’une fascination artistique, publié chez Beaux Arts éditions en 2011. Crédits photo : Manuel Braun Hello

La Vie des idées : Quels repères avez-vous retenus pour présenter une période et une zone aussi vastes ?

Véronique Rieffel : L’idée de l’exposition Al Musiqa est de proposer un grand voyage musical à la fois dans le temps – de la période préislamique à aujourd’hui – et dans l’espace. L’exposition emmène le visiteur dans l’ensemble des pays arabes et même au-delà : en Andalousie et même en France où les musiques arabes ont fait leur apparition après la Seconde Guerre mondiale, et dans le monde entier, puisque la musique est à présent diffusée mondialement.

Pour parler de cet ensemble très vaste, nous proposons des clefs d’écoute, à partir du modèle du voyage. Quand on part en voyage, on visite rarement un pays entier ; on choisit des étapes précises. De la même façon, nous proposons ici au visiteur de faire des haltes dans ces différentes étapes. Cette démarche a pour but de donner l’envie d’approfondir, de continuer le voyage à travers un concert, un film ou un disque. Nous avons délibérément refusé de sélectionner un axe précis, afin de ne pas réduire la compréhension des musiques arabes à un genre en particulier. Il s’agissait au contraire d’ouvrir le champ au maximum pour rendre hommage à ces cultures. Cette exposition est également politique : contre le discours ambiant de discréditation du monde arabe, il s’agit de montrer l’extrême richesse des musiques arabes.

La Vie des idées : Que nous apprend la musique sur les cultures arabes ?

Véronique Rieffel : Al Musiqa est, étonnamment, la première exposition en Europe consacrée aux musiques arabes. Or je pense que la musique est une bonne clef de compréhension et d’introduction dans les cultures arabes puisqu’elle est au cœur des pratiques culturelles et sociales. Elle a toujours été une sorte de thermomètre de la vie politique des différent pays arabes, soit que la musique ait accompagné le pouvoir – c’est le cas avec un personnage comme Oum Kalthoum, qui a été la porte-parole de la révolution nassérienne et de cette idée d’un panarabisme triomphant – ou qu’à l’inverse, la musique soit du côté de l’opposition. Ce cas de figure est le plus répandu aujourd’hui : les musiciens et chanteurs disent beaucoup de choses de la situation géopolitique des pays arabes via un chant qui est souvent contestataire, hérité d’une longue tradition. Je pense que la musique est vraiment une clef d’écoute du monde arabe.

La Vie des idées : Ces musiques portent-elles le rêve d’un nouveau panarabisme ?

Véronique Rieffel : Ce qui est intéressant, c’est que la musique est déjà en soi un langage universel, et même lorsqu’elle s’appuie sur des mots, sur des poèmes, cette langue est commune à tout le monde arabe : de l’Arabie saoudite jusqu’au Maroc et même dans les Diasporas, on a une culture commune, une compréhension commune, et des échanges qui peuvent être extrêmement intéressants. On le voit dans des phénomènes culturels très populaires comme « Arab Idol », cette émission qui existe aussi en France et aux États-Unis : comme la langue commune est l’Arabe, elle est écoutée dans tous les pays du monde arabe et dans toutes les Diasporas. Les candidats viennent aussi bien d’Algérie que du Liban ou de Palestine… On y trouve ainsi une forme de Panarabisme ; ce projet qui avait été très populaire sur le plan politique au siècle dernier, mais qui avait échoué se retrouve sur le plan musical, aidé par les outils contemporains que sont le satellite et les réseaux sociaux. Il y a une circulation de contenus, de chansons, d’idées.

De ce fait, il existe aujourd’hui plusieurs polarités dans le monde arabe. Au siècle dernier, l’Égypte polarisait le monde arabe, mais de nos jours les centres de ce type sont multiples : Beyrouth, Casablanca, les Émirats… De nombreuses structures encouragent les artistes dans le monde arabe dans son ensemble. À l’entrée de l’exposition, on voit une vidéo d’un YouTubeur, Alaa Wardi, qui, en six minutes, raconte l’histoire de la musique arabe. On voit qu’il maîtrise aussi bien les registres du Machrek que du Maghreb. On constate que grâce à cette langue commune, on a accès dans le monde arabe à une étendue de contenus considérable. On peut donc parler d’un Panarabisme culturel.

La Vie des idées : Comment éviter l’écueil de l’orientalisme ?

Véronique Rieffel : Al Musiqa est une exposition qui a pris le parti de sortir de l’orientalisme ; c’est un parti pris très important. Notre regard sur le monde arabe a été façonné par l’orientalisme, aussi bien sur le plan politique qu’esthétique. Le regard qu’on porte, l’oreille qu’on prête au monde arabe sont liés à des écrivains ou à des artistes qui sont allés dans le monde arabe et qui l’ont présenté à travers leur filtre – ou qui d’ailleurs n’y sont pas allés et qui l’ont fantasmé. Les scènes de musique sont très présentes dans l’orientalisme pictural ; nous aurions très bien pu, pour traiter ce sujet, choisir des œuvres orientalistes. Mais les œuvres que nous avons choisi de montrer sont essentiellement des œuvres d’artistes de culture arabe, qui vivent dans le monde arabe pour la plupart d’entre eux. Nous voulions montrer ces cultures de l’intérieur, être à l’écoute du monde arabe et voir ce que les artistes ont à nous montrer.

Le fait de sortir de l’orientalisme induisait aussi le fait de présenter les musiques du monde arabe non pas comme des musiques étrangères, comme on a pu se les représenter à certaines époques, ou comme certaines personnes se les représentent aujourd’hui. On a voulu montrer que nous écoutons tous des musiques arabes, peut-être sans le savoir. Ce fait n’est pas lié à l’histoire récente de la mondialisation, ni à celle de la grande vague d’immigration au siècle dernier, mais que c’est une histoire qui nous lie au monde arabe depuis longtemps, depuis le Moyen-Âge. Dans l’exposition, il y a une salle consacrée à la musique des Omeyyades et des Abbassides. Les Omeyyades, au moment où ils ont perdu contre les Abbassides, sont allés se réfugier en Espagne, et ont de ce fait commencé à construire une culture commune, ce qui a eu des effets par la suite. C’est cette histoire commune qu’on raconte, et non pas celle de musiques de contrées lointaines, de musiques exotiques. Nous avons voulu donner à entendre des musiques qui nous parlent et qui nous touchent.

 

https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2018/08/vie-des-idees.png 200 424 ICAM https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2014/07/olivier-icam-short-300x145.png ICAM2018-08-24 13:52:082018-08-27 16:46:10Toutes les musiques du monde arabe Entretien avec Véronique Rieffel par Catherine Guesde - La vie des idées

Yazan Halwani : le nouveau Banksy sillonne les rues de Beyrouth

21 August 2018/0 Comments/in ACTUALITÉS, Art, Bande dessinée arabe, Calligraphie, Liban, Non classé /by ICAM
PAR
Annabelle Martella  pour Les Inrocks.com
Depuis qu’il est adolescent, Yazan Halwani graffe dans les rues de Beyrouth. Ses fresques d’intellectuels, d’artistes ou de personnalités du quartier invitent les Libanais à se réfléchir. Artiste citoyen et révolté, il tente par son travail de créer une identité culturelle fédératrice dans une ville fragmentée. Mais, quelles sont les difficultés rencontrées par un artiste au Moyen-Orient ? Rencontre avec un jeune peintre amoureux de son pays dans son atelier de Beyrouth.

Yazan Halwani n’a que 25 ans et pourtant il a déjà des millions d’histoires à raconter. Assis dans son spacieux atelier encombré de ses toiles d’Ahed Tamimi et de réfugiés économiques sur le tarmac d’un aéroport, l’artiste libanais connu pour ses fresques de personnalités arabes dans les rues de Beyrouth raconte avec un visage rieur ses déboires du début :

“Alors que je peignais le visage de Samir Kassir [journaliste et historien franco-libanais tué dans un attentat à la voiture piégée en 2005], les services secrets sont venus à ma rencontre pour me demander ce que je peignais. Je leur ai répondu que ce n’était que des carreaux bleus…, se rappelle-t-il avec un brin de malice. Ils sont revenus à la charge quelques minutes plus tard en me disant : On a un problème. De près ce sont des carreaux bleus mais quand on s’éloigne on voit Samir Kassir”. ” S’ensuivent quatre heures d’interrogatoire à l’issue desquelles les services secrets le relâche : “A la fin, ils m’ont même demandé si je pouvais repeindre leur moto. Heureusement car à l’époque j’avais 17 ans et je ne voyais pas dire à ma mère que j’allais finir au poste”

Eternal Morning. (Hamra Beyrouth 2015 / Yazan Halwani)

Engagé contre le sectarisme de la société libanaise certes, mais ce jeune Beyrouthin ne veut pas prendre de risques inutiles : “C’est beau de faire des œuvres dénonciatrices mais si tu es mort, tu ne pourras pas en faire d’autre” lâche-t-il avec pragmatisme.

“Qu’est-ce qu’être Libanais ?”

Obsédé par les questions identitaires, Yazan Halwani transcende les carcans confessionnels en peignant dans les rues de la capitale des icônes de la culture libanaise comme la chanteuse Fayrouz, le poète Gibran Khalil Gibran ou encore May et Tarek, couple d’adolescents chrétien et musulman du film West Beirutqu’il a représenté sur un bâtiment de l’ancienne Ligne verte (séparation entre le Beyrouth-Est chrétien et le Beyrouth Ouest musulman pendant la guerre civile.)

Fayrouz ( Beyrouth/ Yazan Halwani)

C’est par ces fresques mêlant calligraphie arabe et géométrie orientale qu’il revendique une identité culturelle dénuée de religiosité. Pour cet enfant de Beyrouth, la ville est toujours fragmentée et les Libanais se reconnaissent plus volontiers par leur confession que par leur nationalité : “C’est très compliqué de dénoncer ça explicitement par des œuvres publiques. On ne peut pas être Banksy au Liban. Bien qu’on dise qu’on est dans un pays démocratique, un journaliste a été récemment condamné à 4 mois de prison pour avoir critiqué un membre du gouvernement sur Twitter… C’est pourquoi je préfère plutôt mettre en avant une identité culturelle qui dépasse ce sectarisme confessionnel.”

Le portrait solaire de Sabah en est un bon exemple. Cette fresque de la chanteuse et actrice libanaise connue pour son emblématique Allo Beyrouthet pour s’être mariée sept fois, irradie la rue d’Hamra ; réconciliant les jeunes Beyrouthins des boîtes nuits avides de liberté et les vieilles générations nostalgiques de l’âge d’or du quartier. Dans les années 60-70, Hamra était le cœur culturel de la capitale avec ses cafés fréquentés par des intellectuels et ses cinémas. Désormais, la rue est striée de grandes chaînes de prêt-à-porter et de restauration.

Le portrait de Sabah. Eternal Morning ( Hamra Beyrouth 2015 / Yazan Halwani)

“Les habitants du quartier associent Sabah à l’époque où la culture était importante. Mais c’est aussi une figure très controversée dans une société conservatrice, explique l’artiste. Les gens la critiquent en public pour ses mœurs légères tout en continuant de l’aimer pour son travail. C’est très symptomatique des sociétés du monde arabe où les gens veulent se montrer très religieux alors qu’en privé, ils sont beaucoup plus laxistes. C’est encore à cause du sectarisme… “

Contre le pouvoir en place

Quand on discute un moment avec Yazan Halwani, on se rend vite compte que le mot “sectarisme” lui sert quasiment de ponctuation. Un fléau cultivé, selon lui, par les politicien.ne.s en place. Car, en refusant, par exemple, de légaliser le mariage civil, le gouvernement renforcerait les identités religieuses.

Le couple de West Beirut. Immeuble Noueri. ( Sodeco Beyrouth 2017 / Yazan Halwani)

Le couple de West Beirut peint sur l’ancienne ligne de démarcation remue ainsi les cendres : 28 ans après la guerre civile, un jeune musulman et une jeune chrétienne ne peuvent toujours pas se marier. “Pour les Libanais, ce n’est pas choquant de voir des couples inter-religieux affirme-t-il, mais les institutions religieuses et les hommes politiques sont contre le mariage mixte. Le gouvernement a peur que le système politique fondé sur le sectarisme s’étiole. S’il autorise le mariage civil, les gens n’auront plus d’identité politique sunnite, chiite, maronite etc…”

Le système politique libanais repose depuis son indépendance sur le “confessionnalisme”, qui répartit les postes clefs de l’Etat entre les différentes communautés religieuses (ce pays de 10 452 m² reconnaît officiellement 18 religions.) En 1989, l’accord de Taëf met officiellement fin à 15 ans de guerre civile en renforçant notamment la parité entre musulmans et chrétiens mais conserve le système selon lequel le président de la République doit être chrétien maronite, le premier ministre sunnite et le président de l’Assemblée chiite.

D’après l’artiste, le gouvernement ne cesse d’agiter le fantôme de la guerre civile pour justifier son inertie : “Comment croire que des membres du gouvernement qui ont tué des gens à cause de leur religion durant cette guerre peuvent construire un véritable état démocratique ? dénonce-t-il avec virulence, Le problème, c’est que les Libanais ont oublié qui étaient ces personnes…”

Comme son art, Yazan Halwani a trouvé son identité dans la rue

Mais d’où tire Yazan Halwani cette indignation à toute épreuve ? Né en 1993 à l’ouest de Beyrouth, c’est dès l’âge de 14 ans qu’il commence à graffer, inspiré par la culture urbaine occidentale. IAM et Fonky Family dans ses écouteurs, il pose son blaze un peu partout dans la capitale. “A l’époque, je pensais que c’était cool et que j’étais un peu un gangster confie-t-il derrière ses lunettes ovales, et puis vers 18 ans j’ai commencé à avoir une véritable conscience politique et une réflexion artistique plus profonde.”

Yazan en grosse lettres latines, prénom jordanien peu commun au Liban, laisse peu à peu sa place à de grandes fresques calligraphiées et sans signature : “Ici, ça n’a pas de sens d’utiliser les codes du graff’ occidental. Et puis le street-art inspiré d’une culture du vandalisme est né dans un système politique et culturelle totalement différent. Au Liban, on joue dans une autre cour.”  Ce jeune artiste aime dire que s’il y a bien des vandales dans son pays, ce ne sont d’ailleurs pas les graffeurs… : “Si tu veux faire du vandalisme au Liban, ce n’est pas en taguant un mur mais en faisant de la politique !”

L’Arbre de Mémoire ( Beyrouth 2018/ Tamara Saade)

S’éloignant peu à peu de la scène street-art, Yazan Halwani se présente désormais comme un artiste contemporain spécialisé dans l’espace public. Surtout au regard de sa dernière oeuvre : “L’Arbre de la mémoire“. Cette sculpture, placée au centre de la capitale en juillet dernier, est le premier monument aux morts en hommage aux victimes de la grande famine du Liban (1915-1918). Il est donc loin l’adolescent qui écrivait naïvement son nom dans les rues de la ville : “Se placer dans la rue, c’est ce que faisaient les partis politiques pendant la guerre civile. Et c’est ce qu’ils font encore maintenant en mettant partout leurs affiches… déplore-t-il, Beyrouth a déjà ses rois.”

Donner sa place à une culture absente

Entre les drapeaux des partis politiques, les visages pixelisés des hommes au pouvoir et les panneaux publicitaires XXL, Yazan Halwani tente de donner sa place à une culture absente. S’intéressant à la vie de quartier, il peint ceux qui lui donnent sa singularité à l’instar d’Ali Abdallah, un sans-abri mort de froid. Sa présence sur les trottoirs de Beyrouth avait donné naissance à de nombreuses légendes urbaines, pourtant personne ne lui a porté secours…

Ces personnages du quotidien, le jeune l’artiste leur fait aussi traverser les frontières. Dans une Allemagne en plein débat sur la crise migratoire, il représente sur un immeuble de Dortmund un jeune vendeur de rue syrien : “Ce vendeur de fleurs de dix ans, tout le monde le connaissait dans le quartier. Il était charmant. Quand il est mort pendant la guerre en Syrie, les gens ont ressenti son absence” se souvient-il.

Le vendeur de fleurs ( Dortmund, Allemagne / Yazan Halwani)

Ce lien que Yazan Halwani cultive avec les habitants et la culture populaire lui permet de travailler avec plus de sérénité : “Quand je veux réaliser une fresque sur un immeuble à Beyrouth, je demande la permission au propriétaire car je n’aime pas peindre sans l’autorisation des gens qui vivent là précise-t-il. Si les gens apprécient ce que tu fais, ils vont t’aider. Ils payent l’électricité pour que tu puisses travailler la nuit. Et puis, ils aiment l’œuvre, ils la protègent et la maintiennent en vie.”

Preuve en est que lorsque la fresque de Gibran Khalil Gibran est recouverte par des affiches politiques en pleine période électorale, de nombreuses personnes publient des photos et réagissent sur les réseaux sociaux. Les posters sont retirés mais laissent l’oeuvre quelque peu détériorée : “Les œuvres d’art publiques sont temporaires et sont exposées à une éventuelle détérioration, surtout de la part de partis politiques qui cherchent à s’accaparer l’expression urbaine. Je ne vais pas restaurer cette œuvre mais j’apprécie les efforts entrepris par Nadim Gemayel qui ont abouti au retrait des affiches, et j’espère qu’il soutiendra la culture publique en dehors de la période électorale” réagit l’artiste sur Facebook en avril dernier.

Fier de cet anecdote, Yazan Halwani est maintenant persuadé qu’une partie des Libanais se retrouve dans son travail : “J’ai été très étonné de voir que les gens protégeaient à ce point-là l’art public, dit-il enthousiaste. S’il y avait simplement écrit Fuck Sectarism sur le mur, personne ne l’aurait défendu. Cette fresque de Gibran Khalil Gibran sur un billet de 100 milles livres critique la non-promotion de la culture par le gouvernement. Qu’elle soit saccagée par des posters politiques, ça a agacé les gens.”

Parlons business

Si cette notoriété lui permet de peindre aux quatre coins du monde : Etats-Unis, France, Tunisie, Jordanie etc ; elle attire également de nombreux mécènes et sponsors : “Je travaille uniquement avec des partenaires qui me soutiennent financièrement sans me demander de contrepartie publicitaire. ” assure-t-il.

The Plastic Mannequin and the hybrid folklore dress ( Ammam, Jordanie / Yazan Halwani)

Yazan Halwani ne cache pas avoir déjà été sponsorisé par une banque, un magasin de peinture ou l’Institut Français. Mais son ancien poste d’ingénieur télécom lui permet de subvenir à ses besoins sans tomber dans un art commercial. Quand on lui parle de street-artistes beyrouthins qui collaborent avec des agences de pub, celui-ci ne veut pas pour autant les blâmer : ” En principe tout artiste doit pouvoir vivre de son art. Certes, il ne faut pas que le business prime sur le concept artistique. Mais ces street-artistes sont aussi victimes d’une absence de subvention de la culture.”

Pour sa part, il va lui-même quitter son travail d’ingénieur pour commencer à la rentrée un Master de Business à l’Université d’Harvard. Surprenant pour un artiste mais pour lui ” it makes sense” : “Ce n’est pas nécessairement du business, rassure-t-il, c’est du management, de la création de projet etc…”

Passionné par les enjeux politiques et culturels, il a choisi de reprendre ses études face à l’impuissance que lui conférait un simple statut d’artiste : “Quand tu peins, tu dépends des structures au pouvoir et quand tu n’aimes pas les gens.. tu es dans la merde. Et puis ça m’intéresse de pouvoir penser au long terme ce que devrait être ces institutions.”

The difficulty of the inevitability of leaving things behind ( Mannheim, Allemagne 2017/ Yazan Halwani)

Faire un Master de Business, pour être plus indépendant et faire bouger les lignes dans son pays ? On a envie d’y croire. En attendant, Yazan Halwani s’envole pour les deux prochaines années de son Liban natal. Dans l’éloignement, il assure qu’il sera d’autant plus proche de son pays : “Émigrer, c’est vivre comme une grande majorité des Libanais. Etre nomade fait partie de notre culture et je n’ai pas encore expérimenté ça d’une manière assez forte. Ça va vraiment nourrir mon travail, je pense.” A l’entendre, c’est sûr qu’il reviendra.

 

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Bibliothèques d’Orient, la sauvegarde numérique d’un patrimoine menacé

14 December 2017/0 Comments/in LIVRES, Non classé /by Alain
Recueilli par Sabine Audrerie , le 13/09/2017 à 16h55

La Bibliothèque Nationale de France (BnF) et huit bibliothèques patrimoniales du Proche-Orient lancent une plate-forme collaborative en ligne.

Elle rassemble près de 7 000 documents de plusieurs natures, disponibles pour les chercheurs et le grand public.

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Le Caire, vue de la Mosquée du sultan Hassan. Dessin par Nicolas-Jacques Conté (1755-1805). / BnF, dép. Estampes et photographie

La réunion des collections de la BnF et de huit bibliothèques du Proche-Orient (Institut dominicain d’études orientales du Caire, Centre d’études Alexandrines, École biblique française de Jérusalem, Beyrouth, Institut d’études anatoliennes d’Istanbul…) a donné naissance le 12 septembre à Bibliothèques d’Orient, une plate-forme qui permet au grand public et aux chercheurs d’accéder à un fonds de documents remarquables, témoins des interactions entre les pays de la Méditerranée orientale et la France entre 1798 et 1945.

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Les mille et une nuits : esquisse de décor. Philippe Chaperon. 1881 / BnF, Bibliothèque-musée de l’Opéra

Choisi par un conseil scientifique, ce fonds patrimonial culturel (manuscrits, cartes, dessins, photographies…) sera ainsi préservé et valorisé. Il doit s’enrichir des apports de nouveaux partenaires dans les prochains mois. Le site s’appuie sur les fonctionnalités de Gallica, la Bibliothèque numérique de la BnF, et sur les savoir-faire de conservation de la BnF, mis à disposition d’établissements qui restent acteurs à part entière du projet pour les sélections et la réalisation de leur propre numérisation.

Isabelle Nyffenegger, directrice des relations internationales de la BnF et membre du comité scientifique, explique l’ambition de ce projet.

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Beniamino Facchinelli, Pyramides de Gizeh, 1873-1895. / BnF, dép. Estampes et photographie

La Croix : Quelle est la vocation de « Bibliothèques d’Orient » ?

Isabelle Nyffenegger : Elle est double. D’une part, une vocation de sauvegarde, d’autre part de visibilité pour le grand public et les chercheurs. Les documents concernés, 7 000 aujourd’hui, n’étaient pas accessibles, les huit bibliothèques partenaires n’ayant pas eu jusqu’à présent de programme numérique ni de moyens de numérisation spécifiques. Leurs collections vont ainsi bénéficier désormais de sauvegardes numériques pérennes dans Gallica, qui les prémunira contre tout événement extérieur, de l’inondation à un conflit.

Ce sont eux qui ont décidé des priorités de numérisation, le projet étant appelé à se poursuivre et à permettre aux fonds de s’étoffer. L’intérêt est également fort pour le public et les chercheurs qui devaient jusqu’ici se déplacer dans chacune de ces bibliothèques. Ils pourront désormais consulter les documents n’importe où dans le monde.

Quelle est la nature de ces documents ?

Isabelle Nyffenegger : Ils sont très divers : imprimés de presse, manuscrits, iconographies, cartes et plans… Par exemple, grâce à l’Institut français d’études anatoliennes d’Istanbul, on dispose du fonds de cartes des assureurs d’Istanbul, absolument exceptionnel d’intérêt pour reconstituer la cité d’avant le départ des chrétiens et des juifs et toute la diversité des communautés selon les quartiers. On a aussi beaucoup de cartes et plans de la région et de très nombreuses photographies, notamment des fonds très riches d’images d’Alexandrie et Istanbul.

Que dit ce projet de l’histoire commune des pays méditerranéens ?

Isabelle Nyffenegger : Toutes ces bibliothèques ont été des lieux d’échanges et d’interactions entre Orient et Occident. Des lieux où on constituait des collections permettant aux cultures de dialoguer. La bibliothèque des dominicains au Caire, par exemple, a mis en relation intellectuels chercheurs des pays méditerranéens et intellectuels dominicains, un ordre qui s’est toujours intéressé aux cultures, aux idées et à la politique des pays dans lesquels il se trouvait, à l’islam, au soufisme… Bibliothèques d’Orient permet de montrer comment la diffusion des idées et des savoirs a pu se réaliser.

Le projet prévoit la sauvegarde de patrimoine menacé, par exemple la restauration du Bet Gazo, deux recueils liturgiques syriaques du XIe siècle conservés au monastère catholique de Charfet au Liban…

Isabelle Nyffenegger : Nous avons proposé à des congrégations qui ne sont pas encore partenaires du projet, mais qui disposent de collections précieuses témoignant de la présence de plusieurs religions sur ce sol, de les aider à la restauration de pièces uniques.

Le choix spécifique des quatre pièces restaurées dans ce cadre s’est fait avec les commissaires de l’exposition « Chrétiens d’Orient : deux mille d’histoire », qui sont allées au Liban pour décider des documents les plus emblématiques d’un point de vue patrimonial à présenter à l’exposition. La BnF a retenu deux recueils de livres liturgiques syriaques du monastère de Charfet et deux évangéliaires des XIVe et XVIe siècles du couvent salvatorien melkite de Jounieh.

Cela permet de créer une relation de confiance avec ces congrégations en leur montrant notre savoir-faire et notre désir de les accompagner dans la préservation de ce patrimoine, sur lequel nous avons déjà une expertise. Plus les documents d’une même nature seront nombreux sur la plate-forme, plus l’intérêt pour la recherche sera grand.

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Vue panoramique de l’Isthme de Suez. Carte. 1855 Linant de Bellefonds, Louis Maurice Adolphe / BnF, dép. des Cartes et Plans

Recueilli par Sabine Audrerie

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https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2017/12/téléchargement.png 99 508 Alain https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2014/07/olivier-icam-short-300x145.png Alain2017-12-14 17:59:022017-12-14 18:15:49Bibliothèques d’Orient, la sauvegarde numérique d’un patrimoine menacé

FADI KATTAN, LES TABLES DE BETHLÉEM

12 September 2017/0 Comments/in Non classé /by ICAM

FADI KATTAN, LES TABLES DE BETHLÉEM

kattan

Par Chloé Rouveyrolles Envoyée spéciale à Bethléem— 8 septembre 2017 à 18:26
Le chef Fadi Kattan dans son restaurant Fawda, en février 2017. Photo Tanya Habjouqa. Noor Images pour Libération 

Le chef franco-palestinien de 39 ans, bouillant et passionné, s’acharne avec succès à revisiter la tradition culinaire et les produits du terroir de Cisjordanie.

Au temps où la Cisjordanie était surnommée «le panier de Jérusalem», on venait s’y approvisionner en fruits et légumes. Bethléem était alors l’un des joyaux de cette «terre de lait et de miel», et c’est ici qu’est née en décembre 1977 Fadi Kattan, chef palestinien en pleine ascension. «On a perdu cet héritage des produits de qualité», s’emporte le Franco-Palestinien avec un accent de titi parisien. Le credo de ce laïcard forcené est précisément de remettre le terroir au centre de la cuisine palestinienne. A quoi ressemble un puriste dans un pays qui n’a pas encore tout à fait un Etat, encore moins d’AOC ? Il faut le voir, accroupi sur un bout de trottoir du souk du centre-ville, à quelques pas de son antre, discuter recettes avec Umm Nabil, une vendeuse d’herbes qui lui met de côté ses meilleures blettes et sa camomille de compet – «Je suis ici depuis quarante ans et je n’ai jamais vu un type pareil.»

Petite bande

A l’étage de ce marché un peu capharnaüm, Mo’tsem Natsheh, le boucher, fait maturer des côtes de bœuf dans son réfrigérateur. Les deux hommes se connaissent par leurs grands-mères et partagent un certain snobisme : «Tous les bouchers ne sont pas de vrais bouchers», affirme l’héritier de trois générations de fanas de viande au milieu de son échoppe où se côtoient des photos de bidoche, de bêtes, et de belles des champs. Ses bœufs viennent d’Israël et sont élevés autour de Bethléem, mais les agneaux sont de Hébron (côté palestinien) – une fierté nationale.

Même le boulanger se prête au jeu du chef soupe au lait et lui réalise sur mesure des miniatures detaboun, un pain sans levain cuit sur pierre dans un four à bois : «On en fait des essais et des essais jusqu’à ce que ça convienne», raconte le boulanger Wajir Daana, qui aime parler politique avec Fadi Kattan. Il cède volontiers aux requêtes du chef, puisque pour lui aussi, le pain, c’est du sérieux («Je suis né boulanger»).

L’approche de la petite bande n’a rien de commun ici, où les plats internationaux ont plus la cote. «Pour les Palestiniens, la cuisine locale c’est celle qu’on fait à la maison, avec des plats très longs à préparer, comme le mensaf [agneau, riz safrané, sauce acide au yaourt séché et réhydraté] et dont la recette n’admet pas vraiment de variation, puisque c’est souvent une tradition familiale. Donc, quand on va au restaurant, on cherche quelque chose d’exotique, type burger ou fettuccine Alfredo», s’agace Fadi Kattan.

Fadi Kattan, the Palestinian leader and chef in his restaurant "Fawda". He is a former dirty rasta who wanted to taunt his parents, all the clergy of the holy land, and the Palestinian political class, and has succeeded in a gastronomic revolution in Palestine. The Holy Land was historically famous for its food. Vibrant fruit and vegetables, even the gardens were supposed to be more beautiful than elsewhere. Bethlehem was one of the jewels of the “Land of milk and honey”, and it was in this small West

Dans un marché de Bethléem en février 2017. (Photo Tanya Habjouqa. Noor Images pour Libération)

C’est en tant que membre du jury, à plusieurs reprises, au concours de cuisine de Palestine, que le chef a pris conscience de l’ampleur des dégâts. La première année, un seul des finalistes prépare un plat palestinien : des côtes de mouton farcies ornées de drapeaux palestiniens («moche !»). L’année suivante, Kattan impose aux participants de «s’inspirer du terroir palestinien», mais ces derniers restent perplexes : «La plupart ont compris que ça revenait à acheter sa viande chez un boucher palestinien, aucune proposition pour représenter autrement la tradition.» La troisième année, il leur donne un poisson à travailler : «Neuf sur dix étaient frits, il n’y a ni création ni imagination. On perd les goûts noyés dans une harmonisation du sucré et du salé de mauvaise facture.»

Kattan a donc mené sa petite révolution en ouvrant Fawda («chaos») à l’hiver 2015. Plus qu’un restaurant, c’est un mémento d’un art de vivre de la Palestine. La maire de Bethléem (qui a œuvré à la rénovation des murs) salue un travail jamais accompli auparavant et les expatriés, comme les Palestiniens branchés, ont un mot à la bouche : «Unique».

Colère

C’est d’Europe, où Fadi Kattan a été formé avant de commencer sa carrière dans l’hôtellerie haut de gamme, que remontent ses plus anciens souvenirs de bonnes et grandes bouffes : «Des plateaux de fruits de mer de La Baule à l’hôtel Barrière l’Hermitage…» «Enfant, je pleurais quand on ne me donnait pas assez de meringue.» On retrouve ce penchant français dans sa cuisine. Côté ingrédients avec la crème et le beurre. Côté style avec sa veste col officier, légèrement croisée, comme celles qu’il portait chez Vatel, prestigieuse école hôtelière, où il a appris le métier. «La vie en cuisine, les rites initiatiques, cette discipline… je ne peux travailler autrement», assène-t-il.

«Il est très sympa mais, dans la cuisine, il est complètement fou», évalue la petite main Niveen. Quand les herbes ne sont pas propres ou qu’un couteau traîne, le couperet tombe en français : «Ane !» L’équipe rase les murs et a beau rire aux blagues de Kattan, personne ne moufte quand il se met à taper dans ses mains, signe d’une colère de titan imminente. Le chef casse les assiettes une à une parce que la machine à café débloque et joue au frisbee avec les cendriers qui ne sont pas immaculés.

Entre deux crises, il se met aux fourneaux (français) et ravit la clientèle. «Les ingrédients sont locaux mais travaillés avec une créativité très cosmopolite», juge un habitué, le violoniste franco-italien Michele Cantoni. De fait, on ne sait plus trop où on dîne lorsqu’on observe les assiettes. Les salades de fleurs de camomille sont assaisonnées au dibiss,un sirop de raisin noir réduit aux allures de vinaigre balsamique, mais plus épais et plus sucré. Le bœuf, confit dans sa graisse, est servi dans un jus de viande brun, aigre et concentré, où le goût du sang se mêle au jus de citron mûr. Même le saumon fumé est mariné au zaatar, un mélange de thym et d’épices élevé au rang de fierté nationale.

L’amour de Fadi Kattan pour ces produits locaux vient aussi de souvenirs d’enfance, quand il se régalait dans des banquets entre hommes du village après l’installation par son père de générateurs électriques. Cet ouragan a toujours cuisiné «autre chose», comme ses grands-parents qui avaient rapporté des recettes de pays lointains où ils vécurent un temps. De l’Inde, il aime le curry, à la fois comme épice et comme technique. De l’Iran, il chérit une recette de riz au sumac, riche en beurre, marié à un filet de bœuf cuit au feu de bois.

Larme de café

L’histoire des Kattan se raconte avec les papilles. Son frère Karim, plus jeune, se souvient avec émotion de plats de pâtes exquis mijotés par Fadi pendant les longs couvre-feux de la Seconde Intifada («Ma mère était furieuse car il salissait 3 000 casseroles. Au moins, maintenant, il a appris à utiliser le bon nombre d’ustensiles»).

Depuis l’ouverture de Fawda, Fadi confesse une addiction à l’adrénaline du «retour des assiettes en cuisine», qu’il scrute méticuleusement. Son maître à penser, Fulvio Trogu, dont la maison en plein Marais attire tout le gratin des cools Parisiens, avait laissé Fadi Kattan s’entraîner en coulisse. Régulièrement, le prodige raconte ses aventures au chef sarde, qui n’en revient pas : «C’est un garçon qui donne sa vie pour ce restaurant, il est capable de déprimer parce qu’il y a un mauvais pli sur la nappe.»

Fadi visits his favorite butcher in Bethlehem market. Fadi Kattan, the Palestinian leader and chef in his restaurant "Fawda". He is a former dirty rasta who wanted to taunt his parents, all the clergy of the holy land, and the Palestinian political class, and has succeeded in a gastronomic revolution in Palestine. The Holy Land was historically famous for its food. Vibrant fruit and vegetables, even the gardens were supposed to be more beautiful than elsewhere. Bethlehem was one of the jewels of th

Chez Mo’tsem Natsheh, le boucher attitré du chef palestinien. (Photo Tanya Habjouqa. Noor Images pour Libération)

Mais pourquoi se donner tant de mal si tout le monde veut manger des burgers ? Fadi Kattan a tranché : «Au départ c’était compliqué, j’avais peur d’ouvrir. Maintenant je dis tout de suite : “Si tu ne veux pas essayer de nouvelles choses, ne viens pas chez moi.”» Il sait qu’il a d’autres «groupies», telle la «foodista» Dana Erekat qui poste sur Instagram chaque coup de fourchette chez lui : «Une fois, il a fait une sorte de kenafeh, une pâtisserie palestinienne très sucrée mais avec une base de fromage… C’était à la rose et il y avait un croustillant que je n’aurais jamais imaginé sur ce classique – magique.»

Enfin, il y a les touristes, drainés par les critiques dithyrambiques sur Internet. Fadi Kattan, qui a travaillé un temps pour le ministère du Tourisme palestinien, se frotte les mains. Avec son hôtel-restaurant, Hosh al-Syrian, il a enfin le sentiment de contribuer concrètement à l’aura de Bethléem auprès des visiteurs. «Je veux qu’une autre expérience, quelque chose de cool, soit possible.»

Il a mauvais caractère, il est snob et il présente ses viandes sur des taches de jus de betterave façon scène de crime. Mais comment en vouloir à quelqu’un qui récite Paul Eluard en battant des œufs en neige ? Surtout si c’est pour servir une mousse au chocolat réveillée par une larme de café corsé, nageant sur un nuage de crème anglaise qui mêle grains de poivre, vanille et morceaux de fraises, assortie à une sorte de petit craquelin pistache-miel si fort en douceur qu’il donne la chair de poule… Fadi Kattan, un ancien sale gosse rasta qui voulait faire rager ses parents, tout le clergé de la Terre sainte et la classe politique palestinienne, aura réussi en cuisine à créer un monstre : un terroir anobli pour une terre en crise.

Chloé Rouveyrolles Envoyée spéciale à Bethléem    

Retrouver l’article sur Liberation…..
https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2014/10/logo-liberation-311x113.png 113 311 ICAM https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2014/07/olivier-icam-short-300x145.png ICAM2017-09-12 18:31:472017-09-12 18:34:38FADI KATTAN, LES TABLES DE BETHLÉEM
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