HOMMAGE Salah Stétié : ami, témoin et symbole par ADONIS

Salah Stétié nous a fait ses adieux, quittant ainsi ce monde, privant les cultures française et arabo-musulmane d’un symbole et d’un modèle. Pendant qu’il pensait, écrivait et explorait en français, il rêvait, voyait et soupirait en arabe.

En ce qui concerne le symbole, sa vie était, en théorie et en pratique, le lieu d’une interaction créatrice entre deux cultures ouvertes sur les cultures du monde. Quant au modèle, c’est que sa vie était cet espace créatif d’une union novatrice entre soi-même et l’autre.

Ce qui unit le symbole et le modèle, c’est l’horizon de création commun qui s’est libéré de la théologie des origines, pour s’inscrire dans la laïcité du devenir.

Dans tout cela, il semble donner à la civilisation aryano-sémitique un autre nom que celui que lui a donné Ernest Renan, « une civilisation unique à deux têtes », pour dire à la place que c’est « une civilisation unique avec la double langue de la culture ».

Ces propos révèlent un horizon qui fait de la culture arabo-musulmane un partenaire fondamental dans « la langue des origines humaines », selon l’expression de saint Augustin, considérant la langue arabe comme le réservoir de l’islam civilisationnel, son édifice culturel et son miroir de pensée sur la carte du monde.

C’est la voie permettant de faire entrer l’identité arabo-musulmane dans la dynamique d’appartenance au futur et à l’horizon du monde, comme c’est le cas pour le christianisme.

En vérité, nous voyons dans les écrits, en prose ou en poésie, de Salah Stétié un monde qui se développe dans une mémoire collective islamique et chrétienne, unissant la nature et ce qu’il y a derrière, entre l’Orient et l’Occident, entre l’esprit et les sens, entre l’abstrait et le sensible.

Dans ce monde, l’identité ne semble plus venir du passé en tant qu’héritage, mais elle paraît ouverture sur l’avenir, je veux dire qu’elle devient recherche, questionnement et inventivité. C’est que l’homme en ce monde crée son identité pendant qu’il crée sa pensée et son travail. La finitude qui loge dans le corps de l’homme est habitée par l’infini qui loge dans son imaginaire. Soi-même n’est que l’autre qui est toi-même, selon l’expression d’Abû Hayyân al-Tawhîdî : « L’ami est un autre toi-même. »

C’est ainsi que s’inscrit la culture arabo-musulmane, contrairement à ses interprétations théologiques ambiantes, dans l’espace de l’avenir, dans la dynamique du progrès et ses découvertes cognitives. Et c’est ainsi qu’elle tire profit de sa dualité, dans sa causalité, objectivement et subjectivement, avec la culture de l’autre. La singularité créatrice est l’autre visage de la dualité créatrice. L’un ne peut être vraiment un que s’il n’est autre.

Dans la création de pensée philosophique, il y a ce qui pose les fondements de cette dualité. La philosophie arabe a assuré, par la bouche d’Averroès, que l’homme ne peut interpréter le monde par la religion seule, et qu’il est nécessaire de faire appel à l’esprit. Et dans cet espace humain créatif, la philosophie arabe a, par Averroès, donné à Aristote le nom de « premier maître ». C’est le premier hommage dans l’histoire de la relation humaine et culturelle entre soi-même et l’autre.

Hommage à Salah Stétié, ami, témoin et symbole.

Adonis, Paris, mai 2020.

(Traduit de l’arabe par Aymen Hacen)

Retrouverl’articlesur le site de l’Orient le jour

La mélancolie du Maknine – Seham Boutata

L’Algérien est un éleveur d’oiseaux par tradition, et celui qui a sa préférence est sans aucun doute le chardonneret. Présent dans toutes les maisons, le maknine – de son petit nom algérien – est convoité depuis des générations pour son chant exceptionnel et sa beauté. Malheureusement, aujourd’hui, il ne vit presque plus à l’état sauvage : urbanisation, pesticides, chasse sans répit sont autant de causes de sa disparition. Seham Boutata est allée des deux côtés de la Méditerranée à la rencontre des membres de la  » confrérie du chardonneret « . Alors que l’animal se fait plus rare, la prégnance de la passion qu’il suscite dessine en miroir une société complexe. Ecoutons l’oiseau : aucun autre chant ne nous raconte mieux l’histoire de l’Algérie, de la colonisation aux mouvements de libération. Française d’origine algérienne, Seham Boutata a d’abord produit deux documentaires radiophoniques diffusés sur France Culture : Le Chant du chardonneret, dans l’émission  » Une histoire particulière « , et L’Elégance du chardonneret, dans la case  » Création on air « . Son récit littéraire prend appui sur ce travail d’enquête en le prolongeant jusqu’au mouvement Hirak de février 2019 et à l’incroyable élan démocratique qui souffle sur l’Algérie.

 

Prix : 30chf

Ces couples confinés: Etel Adnan et Simone Fattal : Cette pandémie exigerait plusieurs Guernica !

Etel Adnan et Simone Fattal : Cette pandémie exigerait plusieurs Guernica !
Confinées dans leur appartement parisien, les deux artistes multiculturelles, Etel Adan et Simone Fattal, ont accepté de partager leur expérience de cette situation inédite avec transparence, profondeur et humour.

« Le regard de la société ne m’a jamais gênée », affirme Etel Adnan, ici dans un portrait photo réalisé par Simone Fattal.

Pour Simone Fattal, photographiée par Etel Adnan, ce n’est pas le confinement en soi qui est le plus dur, c’est l’inquiétude. Photos DR

Par Propos recueillis par Josephine HOBEIKA, le 01 mai 2020 à 00h02

Dans quelle mesure ce confinement a-t-il eu un impact concret sur votre quotidien ?

Etel Adnan  : Il n’y a eu presque pas de modification de mon quotidien. Vu mon âge bien avancé, j’avais du mal à marcher et j’utilisais une chaise roulante. Et cet hiver a été particulièrement froid à Paris. Je ne sortais plus. Mais je recevais beaucoup d’amis, et cela, dernièrement, s’est arrêté. C’est bien plus triste. Et savoir l’ampleur du sinistre fait mal à l’imagination. Je viens de faire un tour dehors, et c’est sinistre. Ça m’a rappelé le tremblement de terre de San Francisco, en 1990, quand tout un quartier de la ville s’était effondré et on se sentait dans un grand cimetière. C’était dur. Maintenant, c’est planétaire. C’est comme si la mort existait en tant que telle, et nous enveloppait. C’est sinistre.

Simone Fattal  : Le confinement a changé toute l’organisation de la vie quotidienne, et dans mon cas aussi, mon travail personnel. Je travaille d’habitude dans mon studio, et je peux difficilement travailler ailleurs; cela dit, les artistes travaillent chez eux, et en période de création, ils ne sortent pas du tout. Donc ce n’est pas le confinement en soi qui est le plus dur, c’est l’inquiétude.

Quelles sont les bonnes et les moins bonnes surprises de ce confinement ?

S.F. : Une impression de vacances, un manque d’obligations. Avoir du temps à soi et en être le maître absolu, pas de date limite pour les projets, pas d’avion à prendre, quelle chance !

E.A. : Les médecins et les soignants ont été généreux, admirables. On ne les remerciera jamais assez. Mais on reprochera toujours aux gouvernements de ce monde, surtout ceux des pays riches, d’avoir réduit les budgets alloués à la santé, plutôt que ceux dédiés à l’armement, par exemple. À Paris, les services d’urgence dans les hôpitaux sont très déficients. Il va falloir tout reprendre en main.

Quel est l’impact de la pandémie sur votre création artistique et sur votre inspiration ?

E.A. : Dans mon cas, peu de choses ont changé. Il m’était déjà plus difficile d’écrire, ou même de lire, que de peindre. Parce que je suppose que la couleur donne de l’énergie et permet le travail, alors que les mots sont plus lourds à porter. En ce moment, je peins autant que possible. Au ralenti, bien sûr.

S.F. : Il est certain qu’on s’inquiète beaucoup, non seulement pour le présent, mais pour le futur. Comment va-t-on s’en sortir ? Les retombées économiques, au niveau mondial, vont se faire cruellement sentir à la rentrée. Car pour l’été, je crois que les gens vont partir en vacances, à moindres frais bien sûr, mais quand même. Les vraies difficultés vont se faire sentir en septembre. On prévoit une grande récession, beaucoup de chômage, cela va être très difficile pour tout le monde.

Ces dernières semaines, je fais des collages ; il m’est impossible de faire de la céramique ici, en appartement, ou même de la peinture. Le moment présent entre toujours dans mes collages, même si c’est indirect. Je leur trouve en effet un air différent de ceux que je faisais récemment.

Quel lien peut-il exister entre une crise de l’ampleur de celle que nous vivons, et la création artistique en général ?

S.F.  : J’ai été interrompue en plein travail. J’avais entrepris des projets en Italie dans des ateliers, ces travaux ont dû être arrêtés, j’espère qu’ils ne seront pas perdus. Dans ce sens, cela me rappelle la guerre civile au Liban, où nous n’arrivions plus à travailler, avec les bombes, les pénuries. Ici aussi on manque de matériel, on manque de repos et on ressent beaucoup d’angoisse et d’incertitude concernant l’avenir, pas seulement le nôtre, mais celui du monde. Il va changer : cette énorme machine à dépenser s’est arrêtée. En ce sens, c’est une bonne chose, mais on aimerait voir la vie reprendre d’une façon mesurée, et dépenser les ressources du monde plus raisonnablement. C’est un vœu.

E.A. : On verra dans les temps qui viennent comment les artistes vont répondre à la pandémie que nous vivons !

Si vous deviez représenter artistiquement la pandémie mondiale que nous vivons, comment feriez-vous ?

E.A.  : Cette pandémie exigerait plusieurs Guernica ! D’ailleurs, l’état du monde était terrible, et les artistes ne semblaient pas s’en soucier suffisamment. Prenez les guerres dans le monde arabe et la destruction des trésors d’architecture par la coalition saoudienne au Yémen, ou la menace du président des États-Unis de détruire les sites culturels de l’Iran. Où sont les artistes qui ont réagi ? Il y a trop d’argent dans le monde de l’art, et rien ne bouge, il n’y a pas de contestation.

S.F.  : Représenter la pandémie, c’est compliqué ; un problème souvent se laisse voir avec le temps et pas sur le moment, ou du moins on le ressent différemment.

Quel impact cette existence confinée a-t-elle sur votre couple ? Avez-vous modifié votre répartition des tâches à la maison ?

E.A.  : Quand on n’a pas d’aide, c’est Simone qui cuisine, et on cuisine libanais autant que possible. Je ne suis pas capable de vraiment aider.

S.F. : Je cuisine souvent, mais des choses simples, sauf hier où j’ai fait des choux farcis. Le jour de Pâques, j’ai préparé un merveilleux gigot, et plus récemment, des souris d’agneau à la damascène, c’est-à-dire à la mélasse de grenade ; parfois ce sont des soupes, des salades, des œufs au plat au sumac, ou une boîte de thon, un délice ! Nous sommes livrées régulièrement en fruits et en légumes, donc on ne manque de rien.

S.F.  : La première chose que j’aurais envie de faire, à part aller en Bretagne, nager et voir la mer, ce serait de reprendre mes projets interrompus, dans les deux ateliers de céramique.

E.A.  : Je n’ai pas beaucoup de projets. Quand ce sera fini, j’aimerais pouvoir aller en Bretagne, respirer mieux, voir l’océan. J’aimerais maintenir dans mes conversations mes soucis pour l’écologie, et pour ce qui se passe au Liban, surtout. Les buts des manifestations au Liban n’ont pas été atteints. Il faut rester vigilants jusqu’à ce que justice soit rendue : les ex-politiciens se pavanent librement, ils n’ont pas été traduits en justice, ils se recyclent en « opposants », ils n’ont même pas honte. Or ce sont des criminels de grande envergure. Par exemple, les responsables de la crise des déchets se promènent en toute impunité et rêvent d’un avenir politique en ce même pays, comme si de rien était, alors que l’immunité collective des Libanais a bien baissé à cause de leurs vols et de leurs détournements de fonds ! On pourrait même dire que la pollution a déjà aidé à créer une épidémie de cancers. Nous, Libanais de tous bords, qu’allons-nous faire ? Commencer par aider notre nouveau gouvernement à agir sur ce plan…

Vous avez évolué toute votre vie dans des contextes pluriculturels, comment avez-vous choisi Paris finalement ?

S.F.  : Nous avons choisi Paris parce que nous y avions un appartement depuis bien longtemps. Paris est finalement un très bon choix. La Californie est belle, et la vie y était très agréable, mais elle est excentrique. La France a le meilleur système de communications, non seulement à l’intérieur de ses frontières, mais pour l’Europe en général. Elle est au cœur de l’Europe. Paris est la plus agréable des grandes villes, et pour les Libanais, elle est comme une mauvaise habitude.

E.A. : Je n’ai pas vraiment choisi Paris. Il y a à peu près sept ou huit ans, j’ai pris l’avion jusqu’à Berlin, et au bout du voyage, j’ai eu de sérieux problèmes de confusion. Le médecin m’a dit que souvent, à partir de 75 ans, des gens pouvaient souffrir des voyages en avion, cela pouvait gêner des mécanismes cérébraux. Il m’a déconseillé de reprendre l’avion. Comme je me trouvais à Paris et que l’appartement était disponible, nous y sommes restées. J’aurais préféré être obligée de rester en Californie, ou au Liban. Bien que Paris ne soit pas à bouder, ou à regretter, la ville reste fabuleuse.

Comment ressentez-vous le regard de la société sur le couple de femmes que vous formez, selon les pays que vous connaissez bien (essentiellement la France, le Liban et les États-Unis) ?

S.F.  : Nous avons eu énormément de chance. Nous n’avons jamais eu de problèmes, et avons été acceptées d’emblée dès le premier jour, au Liban et ailleurs, probablement parce que nous n’avons jamais eu l’ombre d’une indécision à cet égard. Nous avons commencé à vivre ensemble, et les gens l’ont accepté ; ce qu’ils en ont pensé par devers eux, nous ne l’avons jamais su. Bizarrement, on me demande souvent, aujourd’hui, comment j’ai fait pour vivre aussi ouvertement avec une femme. À l’époque, on ne m’a pas posé la question.

E.A. : Le regard de la société ne m’a jamais gênée. Être considérée comme « artiste » a dû beaucoup aider. C’est surtout aux États-Unis, un pays violent dans ses réactions, que j’ai vu des gens souffrir le plus d’une homophobie presque généralisée, qui a souvent poussé ses victimes au suicide. En France, on est en pays civilisé, ouvert, on s’attend presque à ce que les artistes aient un comportement considéré comme excentrique. Le Liban a une vieille sagesse qui, dans la pratique, le rend permissif. Je me souviens encore des visites que faisait ma mère à une amie à elle dont le fils, « le chapelier Georges », était souvent fardé, et amoureux du coiffeur Antoine. Et ces dames étaient pleines d’attendrissement pour le jeune couple ! Au pire, on les trouvait ridicules.

 

RETROUVEZ L’ARTICLE ORIGINAL SUR LE SITE DE L’ORIENT LE JOUR

Le monde arabe en morceaux Des printemps arabes au recul américain – Charles Thépaut

Les pays arabes sont parcourus par des crises difficiles à démêler. Les « printemps » de 2011 ont remis en cause des systèmes qui n’étaient plus viables mais n’ont pu en traiter les causes économiques et sociales. La répression des soulèvements a généré de nouveaux conflits mais les populations continuent de réclamer un traitement plus digne, comme en Algérie, au Liban et en Irak en 2019. Mêlées à la géopolitique, ces crises alimentent différents degrés de violence : brutalité extrême de Daech et des guerres au Yémen et en Syrie, escalades ponctuelles à Gaza et conflits à répétition en Libye… Dans les zones plus stables, les inégalités s’aggravent entre une élite intégrée dans la mondialisation et le reste de la population. Cet ouvrage propose une analyse précise de chaque pays de cette région fragmentée. Il en explique également la nouvelle géopolitique, au moment où la Russie, l’Iran ou la Turquie profitent de l’épuisement américain vis-à-vis du Moyen-Orient. Si le tableau est sombre, ce livre rappelle aussi l’énergie des sociétés qui continuent à vivre, à bouillonner d’initiatives locales, pour dessiner leur avenir malgré les obstacles.

 

Prix : 42chf

Le Peintre dévorant la femme – Kamel Daoud

Invité à passer une nuit dans le musée Picasso à l’automne 2017, alors qu’y était présentée l’exposition Picasso 1932, année érotique, Kamel Daoud en a tiré un récit dans lequel il confronte les représentations que peuvent avoir du corps, du désir, de la nudité, de l’amour, du plaisir ou de la liberté, un artiste et un djihadiste. Il crée ainsi le personnage d’Abdellah, fondamentaliste chargé de détruire les toiles de Picasso parmi lesquelles il déambule, mis au supplice tant elles remettent en cause sa façon de considérer le monde et l’Autre. L’art peut-il guérir un homme de la violence, le conduire à préférer le désir de la vie ici-bas plutôt que de fantasmer la félicité de l’au-delà ?

 

Prix : 11chf

Le pays des autres – Leïla Slimani

En 1944, Mathilde, une jeune Alsacienne, s’éprend d’Amine Belhaj, un Marocain combattant dans l’armée française. Après la Libération, elle quitte son pays pour suivre au Maroc celui qui va devenir son mari. Le couple s’installe à Meknès, ville de garnison et de colons, où le système de ségrégation coloniale s’applique avec rigueur. Amine récupère ses terres, rocailleuses ingrates et commence alors une période très dure pour la famille. Mathilde accouche de deux enfants : Aïcha et Sélim. Au prix de nombreux sacrifices et vexations, Amine parvient à organiser son domaine, en s’alliant avec un médecin hongrois, Dragan Palosi, qui va devenir un ami très proche. Mathilde se sent étouffée par le climat rigoriste du Maroc, par sa solitude à la ferme, par la méfiance qu’elle inspire en tant qu’étrangère et par le manque d’argent. Les relations entre les colons et les indigènes sont très tendues, et Amine se trouve pris entre deux feux : marié à une Française, propriétaire terrien employant des ouvriers marocains, il est assimilé aux colons par les autochtones, et méprisé et humilié par les Français parce qu’il est marocain. Il est fier de sa femme, de son courage, de sa beauté particulière, de son fort tempérament, mais il en a honte aussi car elle ne fait pas preuve de la modestie ni de la soumission convenables. Aïcha grandit dans ce climat de violence, suivant l’éducation que lui prodiguent les Soeurs à Meknès, où elle fréquente des fillettes françaises issues de familles riches qui l’humilient. Selma, la soeur d’Amine, nourrit des rêves de liberté sans cesse brimés par les hommes qui l’entourent. Alors qu’Amine commence à récolter les fruits de son travail harassant, des émeutes éclatent, les plantations sont incendiées : le roman se clôt sur des scènes de violence inaugurant l’accès du pays à l’indépendance en 1956.

 

Prix : 32chf

Le pays du Commandeur – Ali Al-Muqri

Au pays du Commandeur, nul ne peut ignorer qui est le maître : son image est partout, les lieux publics portent son nom, des livres sont écrits à sa gloire. Au pays du Commandeur, tout le monde lui est redevable, chacun chante ses louanges, dans sa cuisine ou en public, mais sur les toits-terrasses des maisons il se raconte de drôles d’histoires. Au pays du Commandeur, on se méfie de l’aveugle au coin de la rue, de sa secrétaire, de son voisin, de son conjoint. Tiraillé par des sentiments contradictoires, un écrivain venu d’un Etat voisin de l’Irassybie observe. Quelqu’un soufflera-t-il un jour sur les braises de la révolte ? Une fable grinçante sur l’asservissement au pouvoir politique, qui aborde non sans humour des sujets essentiels et brûlants d’actualité.

 

Prix : 26chf

Labyrinthe – Burhan Sönmez

Un jour, Boratine, un jeune chanteur de blues vivant à Istanbul, se réveille à l’hôpital partiellement amnésique : il ne sait plus qui il est ni d’où il vient. On lui dit qu’il a miraculeusement survécu à sa tentative de suicide. Mais pourquoi aurait-il tenté d’en finir en sautant d’un pont sur le Bosphore ? Boratine est beau, talentueux, populaire. Ses amis l’aiment, les femmes aussi. Revenu dans son appartement, il tente de reprendre le cours de sa vie, de raviver sa mémoire au contact d’objets du quotidien, de visages connus, de miroirs. S’il a oublié tout ce qui concerne son identité, il n’a pas perdu l’usage des mots, la maîtrise de plusieurs langues. Il reconnaît même en cette figurine, dans son salon, la vierge Marie et son enfant Jésus. Incapable toutefois de les replacer dans le temps, il ne saurait dire s’ils ont vécu il y a quelques années ou bien des millénaires. Flâneur des labyrinthes de la mémoire, il erre aussi au hasard des chemins de la ville, cette Istanbul qu’il redécouvre sous un jour nouveau. Dans une prose fluide et poétique, Burhan Sönmez raconte les pérégrinations de son héros, sa quête identitaire, et leur confère une profondeur existentielle. Qu’est-ce qui nous détermine ? Perdre la mémoire, est-ce perdre son identité ? Est-ce plus libérateur pour l’homme – et pour une société – de connaître son passé ou bien de s’en défaire ?

 

Prix : 32chf

La mélancolie du Maknine – Seham Boutata

L’Algérien est un éleveur d’oiseaux par tradition, et celui qui a sa préférence est sans aucun doute le chardonneret. Présent dans toutes les maisons, le maknine – de son petit nom algérien – est convoité depuis des générations pour son chant exceptionnel et sa beauté. Malheureusement, aujourd’hui, il ne vit presque plus à l’état sauvage : urbanisation, pesticides, chasse sans répit sont autant de causes de sa disparition. Seham Boutata est allée des deux côtés de la Méditerranée à la rencontre des membres de la  » confrérie du chardonneret « . Alors que l’animal se fait plus rare, la prégnance de la passion qu’il suscite dessine en miroir une société complexe. Ecoutons l’oiseau : aucun autre chant ne nous raconte mieux l’histoire de l’Algérie, de la colonisation aux mouvements de libération. Française d’origine algérienne, Seham Boutata a d’abord produit deux documentaires radiophoniques diffusés sur France Culture : Le Chant du chardonneret, dans l’émission  » Une histoire particulière « , et L’Elégance du chardonneret, dans la case  » Création on air « . Son récit littéraire prend appui sur ce travail d’enquête en le prolongeant jusqu’au mouvement Hirak de février 2019 et à l’incroyable élan démocratique qui souffle sur l’Algérie.

 

Prix : 30chf