N’appelle pas, il n’y a personne – Youssef Fadel

Jeune femme venue de la petite ville d’Azemmour, Farah – qui signifie « joie » – rêve de devenir chanteuse et monte à Casablanca dans l’espoir d’y faire carrière. Osman est un artisan décorateur qui travaille avec son père sur le chantier de la mosquée Hassan II, que le roi a voulue d’un luxe opulent et pour le financement de laquelle toutes les couches de la population sont mises à contribution, y compris les plus démunies. Sur cette toile de fond se greffe une histoire d’amour entre Osmane et Farah qu’il rencontre par hasard sur le chantier. Elle est pour lui, au gré de ses apparitions, comme un ange de lumière. Toutefois, l’ambition de Farah est trop pressante pour l’assigner à un seul lieu, à un seul homme, et cette nature libre l’expose à toutes les convoitises. Avec N’appelle pas, il n’y a personne, titre inspiré d’une chanson de Fayrouz, Youssef Fadel met un point final à sa trilogie consacrée au règne de Hassan II. On a vu dans Un joli chat blanc marche derrière moi (Sindbad/Actes Sud, 2014) l’arbitraire du pouvoir royal et les intrigues de la cour, dans Un oiseau bleu et rare vole avec moi (Sindbad/Actes Sud, 2017) la dure répression qui a suivi l’attentat manqué contre le roi, le 15 août 1972. Ce dernier tome dénonce en particulier le fossé qui n’a cessé de se creuser entre les riches et les pauvres.

 

Prix : 37chf

Embrasements – Kamila Shamsie

Isma et Eamonn se lient d’amitié aux Etats-Unis, dans une ville universitaire. Tous deux arrivent de Londres et sont d’origine pakistanaise. Mais leurs histoires familiales diffèrent. Le père d’Isma a sacrifié sa vie au djihad. Figure montante du Parti conservateur britannique, celui d’Eamonn est connu pour son rejet du communautarisme. Rentré en Angleterre, Eamonn rencontre Aneeka, la soeur d’Isma, dont il avait vu une photographie et remarqué la beauté renversante. Très vite, ils sont précipités dans une vertigineuse spirale de passion et de secrets. Jusqu’au jour où Aneeka dévoile à son amant l’existence de son frère jumeau, embrigadé par l’Etat islamique, qui cherche désormais à fuit l’enfer de Raqqa. Elle supplie Eamonn d’intercéder pour lui auprès de son père. Mais le tout nouveau ministre de l’Intérieur prône la « tolérance zéro » à l’égard de ceux qui ont trahi la patrie. Dès lors ces deux familles, happées dans la tourmente médiatique, avancent inéluctablement vers le deuil et l’effondrement. L’immortelle tragédie d’Antigone orchestre ce roman et nous entraîne à la suite de personnages poignants, incarnation vibrante des héros de Sophocle. Confrontés au pire, tant dans la sphère intime que sur l’échiquier international, ils tentent d’échapper à l’étau des loyautés contraires pour s’emparer de leur destin. Explorant leurs réalités identitaires, familiales, amoureuses et politiques, Embrasements reflète les plus violentes convulsions de notre monde contemporain.

 

Prix : 35chf

Millenium blues – Faïza Guène

De la fin des années 1990 à nos jours, Zouzou promène sur son époque son regard d’enfant, d’adolescente, puis de jeune femme, et enfin de mère, tout cela dans le désordre ou presque. Chaque épisode intime de l’existence de Zouzou est associé de près ou de loin à un événement de notre vie collective. La coupe du monde 1998, le 11 septembre 2001, le second tour de l’élection présidentielle de 2002 ou encore la grippe A… Mais si le monde change à un rythme de plus en plus rapide, une chose demeure : l’amitié qui lie Zouzou à Carmen. Tout commence par un accident, à Paris, en août 2003, au cceur de la canicule…

 

Prix : 13chf

Jérusalem – Alan Moore

Et si une ville était la somme de toutes les villes qu’elle a été depuis sa fondation, avec en prime, errant parmi ses ruelles, cachés sous les porches de ses églises, ivres morts ou défoncés derrière ses bars, les spectres inquiets ayant pris part à sa chute et à son déclin ? Il semble que toute une humanité déchue se soit donné rendez-vous dans le monumental roman d’Alan Moore, dont le titre – Jérusalem – devrait suffire à convaincre le lecteur qu’il a pour décor un Northampton plus grand et moins quotidien que celui où vit l’auteur. Roman de la démesure et du cruellement humain, Jérusalem est une expérience chamanique au coeur des mémoires et des aspirations contemporaines. Entre la gloire et la boue coule une voix protéiforme, celle du barde Moore, au sommet de son art.

 

Prix : 23chf

Le livre des reines – Joumana Haddad

Le Livre des Reines est une saga familiale qui s’étend sur quatre générations de femmes prises dans le tourbillon tragique des guerres intestines au Moyen-Orient – au coeur de territoires de souffrance, du génocide arménien au conflit israélo-palestinien, en passant par les luttes entre chrétiens et musulmans au Liban et en Syrie. Reines d’un jeu de cartes mal distribuées par le destin, Qayah, Qana, Qadar et Qamar constituent les branches d’un même arbre généalogique ancré dans la terre de leurs origines malgré la force des vents contraires qui tentent à plusieurs reprises de les emporter. Une lignée de femmes rousses unies par les liens du sang – qui coule dans leurs veines et que la violence a répandu à travers les âges – et par une puissance et une résilience inébranlables. Avec la parfaite maîtrise d’une écriture finement ciselée, Joumana Haddad parvient à construire un roman d’une extraordinaire intensité, sans jamais sombrer dans le pathos ou la grandiloquence.

 

Prix : 34chf

L’aurore – Selahattin Demirtas

 » A toutes les femmes assassinées, à toutes celles victimes de violence… « . Des rêves piétinés de Seher aux yeux noirs de Berfin, de Nazo qui fait des ménages à Mina, la petite sirène engloutie, toutes ces femmes, qu’elles soient mères, adolescentes ou filles, affirment leur liberté à tout prix. Selahattin Demirtas livre ici un récit à la fois tragique et plein d’espoir sur la Turquie contemporaine.

 

Prix : 10chf

Le mari passeport – Marga d’ Andurain

Rebelle, aventurière et passionnée, Marga d’Andurain (1893 – 1948) voulait être la première Européenne à pénétrer à La Mecque. Pour tenter d’y parvenir elle se sépare de son mari catholique et se convertit à l’islam pour épouser un musulman. Ils se mettent en route en 1933, mais le chemin est long et difficile. Elle est successivement soupçonnée d’espionnage, enfermée dans un harem, accusée d’assassinat, emprisonnée dans des conditions sordides et condamnée à mort. Libérée enfin, elle livre ce témoignage unique et exceptionnel avant de disparaître dans des conditions tragiques au large de Tanger.

 

Prix : 31chf

Le Port a jauni, une maison d’édition ancrée dans le bilinguisme

 

  • Fanny Arlandis
  • Publié le 29/09/2019 dans Télérama
Avec deux langues qui ne se lisent pas dans le même sens, le français et l’arabe, une petite maison d’édition marseillaise fait des livres. Le Port a jauni publie de jolis albums et des carnets de poésie pour les plus jeunes… et pour les autres.

« Je voulais faire des livres qui témoignent d’une autre culture mais aussi et surtout qui donnent à voir la langue de l’autre ». Avec ces quelques mots et une tasse de café dans la main, Mathilde Chèvre résume le projet du Port a jauni, sa petite maison d’édition jeunesse qui, à Marseille, publie des albums et de la poésie bilingue français-arabe. Dans ses livres, vous ne verrez ni bédouins, ni déserts, ni chameaux, ni personnages des Mille et Une Nuits, pas davantage de combattants pour la cause palestinienne ou d’islamistes. Le Port a jauni évite soigneusement tous ces poncifs. En mettant simplement en scène le français et l’arabe ensemble, il permet de reconnaitre l’autre dans tout ce que sa littérature et sa langue peut porter. Une dizaine de titres sont publiés chaque année, tous imprimés à Marseille même. « Un choix éthique et politique », insiste Mathilde Chèvre.

Au départ de cette aventure, on trouve une association créée en 2002 et des livres d’enfants publiés de façon sporadique, tous les deux ans. Exclusivement en français, ils servent alors de support à l’association Le Port a jauni lors d’ateliers d’éducation alternative et populaire. Quelques années plus tard, Mathilde Chèvre reprend des études d’arabe et se lance dans un projet de master à Beyrouth sur le renouveau de l’édition jeunesse. C’est dans ce frottement avec le milieu de l’édition libanaise que la question du bilinguisme apparaît. « Je voyais des éditeurs qui publiaient des livres alternativement dans les deux langues, raconte-elle mais cela ne posait aucune question éditoriale intéressante. »

Des livres qui se lisent dans tous les sens

Elle, veut aller plus loin : le premier livre en français et en arabe du Port a jauni sort en 2007. « Intégrer la langue arabe comme l’autre langue présente est une façon de revendiquer l’accès à une culture par sa langue », affirme Mathilde Chèvre. Le Port à jauni répond de façon ludique à un obstacle de taille : les deux langues se lisent dans un sens différent. Les livres se lisent donc dans tous les sens : on les tourne et on les retourne. La Roue de Tarek suit l’aventure d’un petit garçon qui a perdu son jeu favori : sa roue. Elle va si vite qu’elle lui échappe, l’enfant se lance alors à sa poursuite. Il croit la reconnaitre de nombreuses fois mais ce n’est jamais la sienne. Le livre tourne à mesure que l’on suit Tarek tout au long de son périple.

Autre exemple : Abracadabra, qui se lit comme un palindrome. L’histoire fonctionne de gauche à droite comme de droite à gauche. « Ces livres permettent de se déplacer dans un autre sens de lecture… Et c’est en soi un voyage », explique Mathilde Chèvre, les yeux brillants. Le Port a jauni, devenu maison d’édition en tant que telle il y a quatre ans, traduit également en français des livres parus dans le monde arabe. Katkout, Sept Vies ou Petite Histoire de la calligraphie. Certains auteurs, eux, travaillent en création avec des illustrateurs à partir d’une série originale d’images, comme pour Mes idées folles.

« Apprendre l’arabe m’a permis de découvrir la poésie dans toutes ses acceptions, poursuit Mathilde Chèvre. Il me fallait donc aussi témoigner d’un quotidien dans lequel la poésie linguistique est omniprésente. » C’est ce qu’il l’a poussée à développer ses carnets de poésies – de jolis livres aux bords arrondis et à la reliure agrafée. Certains sont des créations originales, d’autres des traductions de monuments de la littérature arabe, comme les Mu’allaqat, les poèmes suspendus écrits avant l’islam, ou les Roubaiyat, quatrains (AABA) du quotidien composés d’observations drôles, perspicaces et assez désespérées du monde. Sont-ils aussi pour les enfants ? Bien sûr, « même si certains carnets commencent à s’éloigner de la jeunesse », concède Mathilde Chèvre, comme Les Tireurs sportifs, un texte très politique sur la guerre en Syrie qui témoigne de ce que l’oppression produit.

Une maquette qui fait sens

Distribués dans cent cinquante librairies en France, ces albums sont « un peu comme ceux du Père Castor : c’est du beau à bas coût, les carnets sont à 9 euros », précise Céline Leroy, médiatrice culturelle à Marseille et animatrice pour Le Port a jauni. « Je ne parle pas arabe et je ne le lis pas non plus, mais cela ne me gêne pas dans mes ateliers car ces livres peuvent se lire uniquement en français si on veut. Je les utilise comme introduction à l’art car dans leur maquette tout fait sens : de la couverture au choix du papier ».

La fabrication et la vie de ces ouvrages est le fruit d’une complicité humaine entre une poignée de personnes : une salariée, bientôt deux, et la bonne volonté d’auteurs, de professionnels et de bénévoles motivés qui mettent la main à la pâte, conseillent, et animent des ateliers. Depuis deux ans, Le Port a jauni met aussi à disposition gratuitement sur son site une version sonore, une jolie façon de faire vivre les textes en arabe pour ceux qui ne le lisent pas. Sur les salons du livre, nombreux sont ceux qui continuent à interroger Mathilde Chèvre sur le public visé : « Vous les faites pour qui, ces livres ? » Dans un sourire, elle répond : « Pour vous ».

Retrouver l’article dans Télérama

 

L’outrage fait à Sarah Ikker – Yasmina Khadra

 » Sarah aurait tant aimé que son mari se réveille et qu’il la surprenne penchée sur lui, pareille à une étoile veillant sur son berger. Mais Driss ne se réveillerait pas. Restitué à lui-même, il s’était verrouillé dans un sommeil où les hantises et les soupçons se neutralisaient, et Sarah lui en voulait de se mettre ainsi à l’abri des tourments qui la persécutaient. Aucun ange ne t’arrive à la cheville, lorsque tu dors, mon amour, pensa-t-elle. Pourquoi faut-il qu’à ton réveil tu convoques tes vieux démons, alors qu’il te suffit d’un sourire pour les tenir à distance ? « . Couple comblé, Sarah et Driss Ikker mènent la belle vie à Tanger jusqu’au jour où l’outrage s’invite à leur table. Dès lors, Driss n’a plus qu’une seule obsession : identifier l’intrus qui a profané son bonheur conjugal.

Prix : 31chf

La danse du chagrin : paroles d’enfants syriens – Bernard Bonvoisin

Après le choc éprouvé lors de la diffusion d’un documentaire sur les enfants d’Alep, Bernie Bonvoisin décide de se rendre au Liban pour rencontrer les jeunes Syriens et Syriennes qui y sont réfugiés. Là, dans les camps et les squats de fortune, il découvre une jeunesse à la maturité spectaculaire, qui a soif de vivre et de partager ses rêves. Au coeur d’un dénuement extrême, face à la guerre et au terrorisme, Bernie Bonvoisin se fait la voix de cette génération aussi sacrifiée que pleine d’espoir.

Prix : 12chf