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Conflit et régression du développement : gaza pourrait devenir inhabitable d’ici à cinq ans UNCTAD/PRESS/PR/2015/026

dans ACTUALITÉS, Gaza, Israel, Palestine/par ICAM

Conflit et régression du développement : gaza pourrait devenir inhabitable d’ici à cinq ans


UNCTAD/PRESS/PR/2015/026
Genève, Suisse, (01 septembre 2015)

​Selon le nouveau  rapport de la CNUCED sur l’assistance au peuple palestinien, Gaza pourrait devenir inhabitable d’ici à 2020 si les tendances économiques actuelles persistent. Huit années de blocus économique et trois opérations militaires en six ans ont anéanti la capacité de Gaza d’exporter et de produire pour son marché intérieur, ruiné ses infrastructures déjà très affaiblies, empêché sa reconstruction et sa reprise économique. Elles ont accéléré la régression économique du Territoire palestinien occupé selon un processus qui non seulement entrave le développement mais en inverse le cours.

La CNUCED met en lumière les graves crises que connaît Gaza dans le domaine de l’eau et de l’électricité ainsi que la destruction d’infrastructures vitales pendant les opérations militaires de juillet et d’août 2014. C’est ainsi que la population de Gaza, qui compte 1,8 million d’habitants, dépend presque entièrement d’un aquifère côtier, qui est sa seule source d’eau douce et dont 95 % sont impropres à la consommation.

Selon le rapport, le montant des pertes directes (décès de personnes exclus) résultant des trois opérations militaires menées entre 2008 et 2014 représente près de trois fois celui du produit intérieur brut de Gaza. Toutefois, leur coût total risque d’être sensiblement plus élevé si l’on y ajoute les pertes économiques indirectes et les pertes de revenus futurs dus à la destruction de l’appareil productif.

Un demi-million de personnes ont été déplacées à Gaza à la suite de la dernière opération militaire qui, en détruisant ou en endommageant gravement plus de 20 000 logements, 148 écoles, 15 hôpitaux et 45 dispensaires, a causé un préjudice considérable à l’économie.

Deux cent quarante-sept usines et 300 centres commerciaux ont été entièrement ou partiellement détruits. L’unique centrale électrique de Gaza a subi de lourds dommages. Le secteur agricole, à lui seul, a enregistré des pertes d’un montant de 550 millions de dollars.

Avant même les opérations militaires des mois de juillet et août 2014, Gaza couvrait, selon les estimations, à peine 40 % de la demande d’électricité (données 2012). L’interdiction faite à l’Autorité nationale palestinienne de développer et d’exploiter les champs de gaz naturel découverts dans les années 1990 sur la côte méditerranéenne de Gaza exacerbe la crise de l’électricité et de l’énergie.

En 2014, le chômage à Gaza a atteint le taux record de 44 %. Plus de 8 femmes sur 10 étant sans emploi, le phénomène frappe surtout  les jeunes réfugiées palestiniennes. La situation économique des Palestiniens qui vivent à Gaza est pire aujourd’hui qu’il y a vingt ans. Le produit intérieur brut par habitant a chuté de 30 % depuis 1994.

L’insécurité alimentaire touche 72 % des ménages, et le nombre de réfugiés palestiniens dont le sort dépend uniquement de la distribution de produits alimentaires par des organismes des Nations Unies a augmenté, passant de 72 000 en 2000 à 868 000 en mai 2015, soit la moitié de la population de Gaza.

Avant même les trois opérations militaires, le blocus économique en vigueur depuis 2007 avait déjà entraîné l’arrêt de très nombreuses activités économiques et une perte d’emplois massive. Les exportations de Gaza ont été presque entièrement interdites, les importations et les transferts d’espèces strictement réglementés et les flux de marchandises, à l’exception des biens humanitaires de première nécessité, suspendus.

Pour la CNUCED, l’appui des donateurs demeure une condition nécessaire mais non suffisante pour que la bande de Gaza puisse se redresser et se reconstruire. À moins que le blocus ne cesse, l’aide des donateurs restera vitale mais n’inversera pas le ralentissement accéléré de l’économie gazaouie et l’appauvrissement de la population.

Assistance de la CNUCED au peuple palestinien

Pendant la période considérée, la CNUCED, en coopération avec différentes parties prenantes et différents bénéficiaires, a continué ses activités en faveur de la facilitation du commerce palestinien et de la réintégration de l’économie palestinienne dans l’économie régionale et mondiale. Elle a aussi continué de réaliser des études directives sur divers aspects du développement économique palestinien et a dispensé des formations et des services consultatifs en vue de renforcer les capacités humaines et institutionnelles dans le Territoire palestinien occupé et de contribuer à son développement économique.

Au début de 2015, la CNUCED a mené à bonne fin un projet de renforcement des capacités qui visait à faciliter le commerce palestinien. Ce projet a rendu des chargeurs et des professionnels palestiniens des secteurs public et privé attentifs aux bonnes pratiques dans le domaine de la facilitation du commerce et a permis de réduire les coûts dans les chaînes d’approvisionnent.

Rapport: http://unctad.org/fr/PublicationsLibrary/tdb62d3_fr.pdf

Pour plus d’informations, veuillez contacter:
Unité de Communication et d’information de la CNUCED
T: +41 22 917 5828
T: +41 79 502 43 11
E: unctadpress@unctad.org
Web: unctad.org/press

 

https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2015/09/logo-cnuced.jpg 92 75 ICAM https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2014/07/olivier-icam-short-300x145.png ICAM2015-09-05 10:59:152018-12-06 11:29:21Conflit et régression du développement : gaza pourrait devenir inhabitable d’ici à cinq ans UNCTAD/PRESS/PR/2015/026

Help Lebanon help Syria: Awaiting a Political Solution to the Catastrophic and Explosive Situation. ¦ Dr Kamel Mohanna

dans ACTUALITÉS, Liban, Syrie/par ICAM

Help Lebanon help Syria:

Awaiting a Political Solution to the Catastrophic and Explosive Situation.

Dr Kamel Mohanna

President and Founder of Amel Association International- Lebanon General Coordinator of the Arabic and Lebanese NGO Network Professor of Paediatrics at the Lebanese University.

Context:

With Syria entering its fifth year of violence, Lebanon too is falling into a downwards spiral. The political paralysis in which the country finds itself is not helping to slow down such a dangerous progression. The Syrian crisis is having diverse effects on Lebanon on a number of levels, the first being humanitarian. According to the government, Lebanon, with its population of only 4 million, is housing more than 1.5 million refugees, of which 1.2 are registered with the UNHCR. This is the equivalent of 20 million people suddenly arriving to France. Put in such a situation, how would they react? The call for international solidarity would be immediate.

Furthermore, it is estimated that there are 1.5 million vulnerable Lebanese now living in poverty. The World Bank estimates that there has been $7.5 billion of economic losses in Lebanon due to the Syrian Crisis. How can Lebanon look after these individuals, when their economy has been driven to the ground? Again, imagine, such a scenario in France, or England, or Germany. Such economic losses would be catastrophic, not only for them but for the global economy.

From this scenario, of rapidly expanding needs and rapidly diminishing resources, stems a series of concerning impacts, on economic, social, political and security levels within Lebanon. One of the most concerning victims suffering from these impacts are school-aged children who, given their loss of home, peace and stability are becoming the lost generation of the Syrian crisis. The large number of refugee school-aged children in Lebanon has overwhelmed the public system, and in order to avoid further hindering the future of these youth, innovative strategies need to be taken to ensure their continued education. Currently over 30% of Syrian refugees within Lebanon are aged between 5 and 17 years old.i Of these, only 25% of are enrolled in public education in Lebanon. ii According to UNICEF, only 100 000 of 400 000 school aged Syrian children are enrolled in educational programs in Lebanon.

Lebanon currently has the highest concentration of refugees per capita in the world: more than 40% of its population is refugee. Many of these refugees have been here since the beginning of

the crisis in 2011, and with no solution for Syria in sight, will most probably be in Lebanon for many years to come. Considering the Syrian crisis as an emergency is no longer viable, and all interventions within the crisis framework must be carried out with development and sustainability in mind. This is particularly important in the education sector, given the necessary continuity needed for a successful education for these youth. Without the appropriate studies, and opportunities for the future, these youth could easily fall into radicalization, and movements of extremist violence which would be a tragedy for all those affected both directly and indirectly by this.

Despite the urgency of such a situation, the absence of solidarity from the North is severely felt. This lack of responsibility from the international community is condemnable. Furthermore, within such a context, of such an unprecedented crisis and with a lack of political solution in sight, it is vital to question the integrity of the humanitarian response in Lebanon, and to ensure a focus on saving host and refugee populations from long-term consequences provoked by the prolonged war.

As international organisations continue to impose over a national response, this catastrophic situation needs to be quickly and thoroughly analyzed if we are to arrive at a committed and effective humanitarian action, based on the equal partnerships of organisations from North and South, that aim at ensuring dignity for all individuals. Unfortunately, it is often possible to see great gaps between funding requirements and the needs on the ground. Take for example the funding cuts in education in 2014, which left a huge number of youth in yet deeper situations of vulnerability, without access to a basic education. This is often the consequence of policy making and donor requirements that are detached from the real needs on the ground, and through a lack of interaction and dialogue with local NGOs, familiar with the situation in the field. It is those local NGOs that have access and links with the dispersed vulnerable populations, spread across more than 1400 towns and villages and through 1700 informal tented settlements. INGOs and UN agencies are incapable of accessing such quantity of areas and establishing trusting relationships in which real needs assessments can be carried out.

The  evolution  of  the  humanitarian  sector  in  Lebanon:  from  humanitaria n  solidarity  to  “charity  business”

Lebanon has been the “theatre of operations” for humanitarian and development actors throughout its history- particularly during the civil war and the Israeli occupation and invasion. We have been witness to the evolution of humanitarian aid and its various forms. During the Israeli invasion and the civil war, we saw „humanitarian solidarity‟, with international volunteers arriving daily to experience our tragic reality. These volunteers were motivated by solidarity and commitment and generally didn‟t have a financial interest in the situation.

After the civil war, in the early 90s, with the fall of the Soviet Union, we entered into a new humanitarian phase, with changes in the profile of individuals coming to work in the sector here in Lebanon. There was an arrival of well versed „lesson givers‟ that surprised the humanitarian community here in Lebanon. Our own expertise was reduced to nothing and they spoke to us of logical frameworks, performance indicators and other evaluation tools, which useful as they are, increasingly obscured the reality on the ground. Many of these non-governmental organisations (NGOs) had become an extension of foreign powers, teaching us to do our own work, with certain arrogance in their supposed knowledge of the needs on the field, and the ways in which to best respond.

Nevertheless, Amel, who has so far offered 900 000 services to the Syrian refugees, has fostered very successful relationships with international organizations, working together in partnerships that offer local knowledge, strong technical expertise and the financial resources to design sustainable projects.

In the current context, biased management of programs in favour of international NGOs, at the cost of local NGOs, in the Syrian crisis response within Lebanon is not viable. If we are to be able to provide sustainable projects to develop the local society, both host and refugee communities, there must be a stronger emphasis on collaboration and cooperation between all stakeholders involved. This involves both international and national NGOs, as well as donors, municipalities, ministers, among others. Given the extent of the crisis, collaboration across all domains is vital, given that the Syrian crisis is affecting all areas of Lebanese from, education, to health care services, to the environment, as tons more rubbish is being produced by the increase population number. Amel, being a civil, non- sectarian organization, is able to work successfully and productively within in the Lebanese context, and ensures strong collaboration between all actors involved.

However, to further complicate matters in the local humanitarian context, the large financial dependence on principally developed countries’ institutions, has also led to a lack of humanitarian solidarity. It threatens the success and continuation of projects, and often leaves local NGOs incapacitated. Projects aimed at building human capacity, have had to be stopped or reduced due to donor fatigue, and many  local NGOs are not in a position to be able to counter this. Fortunately, Amel is capable of ensuring 53% of its funds through the participation of beneficiaries, revenues from the property, and its bi-annual gala dinners. This autonomy and independence is reflected in the internal organisation of Amel and in its choices of programs. In this way, we are able to develop strong relationships, built on trust, with various partners, in order to implement ambitious, innovative and comprehensive projects.

Take for example Amel´s empowerment of host and refugee of youth and women through the set-up of a shop, MENNA, selling their local produce in the capital city, Beirut. This project has found great interest from the national and international humanitarian and entrepreneurship communities given its innovative way in providing women with access to the market and economic opportunities. Educating women in business and marketing tools, as well as quality controls, not only works towards improved social cohesion as women from host and refugee communities work together, but also ensures sustainability, as it will ultimately the beneficiaries who are financing the continuation of the project, through the sales of their goods.

In a world subdued to the dictum of money, human values are swept away with a flood of greed that undermines human dignity. Terrifying situations continue to occur without provoking the least reaction from „big powers‟- 10 million Syrian refugees; 200 000 murdered Syrians; a Palestine still occupied, despite the violations of international law this supposes, prisoners tortured by supposedly Human Rights promoting states. It becomes apparent, that many powers use such humanitarian contexts as pretexts to intervene when their interests are in danger, rather than being truly concerned at the violations of human rights that are occurring. This is tragically demonstrated by the current

European migration scandal, in which migrants are left to die daily in the Mediterranean, without the minimum regard for their human rights, the freedom of movement and the right to life. Financial interest in undertaking projects is yet further demonstrated in the large sums of money that go to the overhead costs within international NGOs, rather than being invested in beneficiaries.

However, as the consequences of a prolonged war, become more troubling for the West, this lack of support to countries carrying the main burden of the crisis will have to change. A demonstration of this is the terror threat that extends past borders and affects the global community. Sadly, countries such as Lebanon and Turkey are acting as breeding grounds for new terrorist recruits, given the large number of youth not enrolled in any educational system, and often, as a consequence, become easy targets for extremist groups.

Fortunately, despite the reductions in funding in the formal education sector, Amel has been able to continue non formal education programs, offering opportunities to youth to keep them out of trouble, and out of the reach of preying terrorist groups. Amel´s EU funded project, enrolls youth in skill building workshops, and helps them find work in internship placements. The success rate of this project is quite amazing, and a strong number of youth have then been seen to go on to find work and use their skills in their local communities. This keeps the attention of these youth in positive, social groups, rather than letting them slip into the reach of extremists and terrorists.

The role of local NGOs, a catalyst for change:

Despite the United Nations insisting in the importance of engaging and working with local partners, the majority of the time UN agencies adopt a paternalistic attitude. For example, in Lebanon, the UNHCR has built up its own network of NGOs, instead of participating in dialogue with those already existing. As a consequence, the capacities of local NGOs are not being reinforced, and instead the sector is simply being further diversified. This assures that no organisation will be strong enough in the future to build up a counterbalance to the politics of the United Nations. It is important to repeat, that strong dialogue and cooperation between all stakeholders will assist in developing a resilient and sustainable strategy to deal with the Syrian crisis.

Local civil society and other local actors, namely municipalities and ministeries, are the real sources of efficient action and the true levers for change. Strong in their field experience, they possess a significant and irrefutable expertise within the contexts in which they have been working. Through their many years of hard and committed work, these structures and local NGOs have earned a great deal of legitimacy among local communities. It is due to this grassroots experience that the importance of local NGOs should be held in greater esteem by the international community. Amel employs local staff on the field-level who are well aware with the contexts and situations in which they are working. This is why Amel is still able to work in the high risk area of Ersal, as local staff, familiar with the situation, know the best way to continue implementing projects, and assisting the local communities in their development.

It is worth remembering that international structures, by definition, are not tied to staying in any one country in which they operate, unlike local actors. The latter must therefore be considered as stable actors through which change can be made. Amel acts as a strong example of this stability and long-

term capacity, given its 24 centres and 6 mobile units across the country, which will continue to provide vulnerable populations with the appropriate assistance, even when international organizations leave. This is particularly important given the dire forecast for the Syrian crisis, and the high probability that refugees will be here for many years to come. The reinforcement of the capacities of local structures is of great importance in an enduring crisis. Local NGOs should be directly supported in improving their organisation, their governance and their transparency, with the aim of becoming fully-fledged partners. This doesn‟t mean adapting to an audit to make surface changes, but rather conducting joint reflections on the ideal configuration of partnerships. Amel focuses on developing the skills of all individuals necessary to make change, from its own staff at headquarter and field level, as well as beneficiaries, to ensure that they too can be actors in positive change.

Amel Association International: a model and pioneer in counter-current humanitarian action

Amel Association International is a non-governmental, non-confessional, civil organisation set up in Lebanon in 1979 during the civil war and the Israeli occupation of southern Lebanon. Through its 24 centres, 6 mobile clinics and 700 personnel who contribute to uphold the vision of Amel, the organisations implements extensive activities and projects related to health and mental health, education, child protection, vocational training, rural development, gender and human rights. Amel‟s programs target marginalized populations in all regions of Lebanon, without discrimination of nationality, political or religious affiliation. The action of Amel aims to reinforce a culture of rights among citizens, refugees and immigrants and to promote their access to these rights and their participation in public life.

Amel has distinguished itself in a region where confessional, political, social and economic divisions are rife. In this way, Amel‟s work encounters numerous challenges on a daily basis. Despite all of these difficulties, the organisation and its staff refuse to fall into inaction and pessimism, and we focus on the words of Nelson Mandela: « Vision without action is just a dream, action without vision just passes the time, and vision with action can change the world. » During the years, the organisation has been motivated by the motto “Positive Thinking and Permanent Optimism” and our work is guided by the 3 Ps: “Principles which define a Position that we put into Practice”. In this way, Amel has adopted simple and consistent principles in line with its action, proving that Lebanese civil society is quite capable of constructing its own future. In this sense, Amel has been and continues to be an example for Arab and Lebanese NGOs.

The organization places a great deal of energy and hope in the young generations. Whether they come from large towns or remote rural villages, these individuals are filled with values of tolerance, respect for human rights and as well as a spirit of entrepreneurship, all of which must be fostered.

Amel is convinced that there cannot be development without democracy, and for this development to continue positively in the future, we cannot let this young generation fall out of the system and lose their chances of an education. The provision of long-term projects of development, implemented in order to reinforce the capacities of  vulnerable populations and to revitalize economic  growth in Lebanon is vital.

Amel aims to act as a catalyst within Lebanese and international civil society in the humanitarian sector, and to question the norms imposed by international actors. The role of Amel within the collective of Lebanese NGOs, and its membership of ECOSOC, HAP, HCT, ICVA, DPI and multiple international networks, is testimony to Amel‟s commitment to the causes it is working for, and to its commitment of strengthened collaborations between international and national actors.

 

Backed with more than thirty years of experience in Lebanon, Amel became an international organisation in 2010 as it opened an office in Geneva, and in France in 2014. The aim of such internationalization is to unite the North and South through humanitarian goals, to work for the interest of vulnerable populations, to commit to the just causes of the people, first and foremost, the Palestinian cause, and to maintain a distance from political opinion.

 

Thanks to this international dimension, Amel has been able to develop numerous partnerships with other NGOs across the world, including Medecins du Monde and Medico International. Reinforced by the trust shown by local communities to the  work of Amel, the organisation has acquired high recognition among international organisations.

 

It is fundamental to not marginalize the initiatives of civil- society which aim at solving social problems. This means that the non-governmental sector should not be considered as the „third sector‟ of society but as the first. This would ensure that development plans dictated by governments, economists and financial institutions, are inclusive projects aimed at benefiting ALL members of society. For the path of development to be successful in Lebanon, interventions should promote and protect the right to independence and self-determination for all populations. Focusing on education is a key tool in providing individuals with the capacities to develop themselves and the societies in which they find themselves.

 Conclusions and Amel ‟s recommen dations f or stronger, more equal North -South partnerships for a more accountable humanitarian sector:

 

In conclusion, there are a number of recommendations that Amel makes to ensure viable, development focused projects. Change must come not only through short time aid fixes, but through long-term influences in policy too. Civil society is at the forefront in transforming these dynamic pressure instruments to influence policies, and they must ensure here in Lebanon that a coherent national policy on dealing with the crisis is developed. We must ensure that laws meet the needs of all without discrimination or religious, political, ideological, or geographical distinctions. This however, requires a comprehensive vision of development and a charter between NGOs and members of Northern and Southern civil society, in which roles are fairly distributed.

If development is really to take way in response to the Syrian crisis, all involved and engaged actors must ensure an environment in which human capacity has the opportunity to thrive. This means, in the first instance, empowering youth through ensuring that all school-aged children are involved in the appropriate educational programs, and that other vulnerable individuals in socially- economically difficult situations, have access to skill building programs.

Through long-term strategies of strengthening public services and through medium-term projects of service provision among vulnerable populations, Lebanon should be able to continue to provide support to the thousands of Syrian families left in despair. This however, does not mean that they are able to continue to provide adequately for the 1.5 million refugee population that currently finds itself in the country. Western countries must assume more responsibility and carry more of the burden, in accepting greater numbers of resettlements, and maintaining financial commitments. Furthermore, there are recommendations for economic support from the international community. We must remind the international community, and the international organisations channeling their donations, to dedicate funds as far as possible to the beneficiaries, and not spend large sums in costly overheads. The charity business, and BONGOs (business orientated NGOs) in this way can be avoided.

A political situation to resolve the crisis must also continue to be pushed for, in order to bring resolve to this tragic scenario, and the lost generations is has created. The international community must help Lebanon help Syria, to avoid the prolongation of this catastrophic and explosive situation, caused by the conflict in Syria, but affecting dramatically the whole region. The presence of INGOs in the region is not enough, if equal relationships between organisations of North and South are not fostered. In the case that balanced partnerships are not developed, neocolonialism is simply reinforced. As local civil society, we must stand against this, and ensure that principles of respect and collaboration are installed in interactions and cooperation between INGOs and NNGOs.

 

 

i       http://data.unhcr.org/syrianrefugees/regional.php

ii       http://www.unicef.org/lebanon/media_10274.html

https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2015/09/amel.bmp 92 379 ICAM https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2014/07/olivier-icam-short-300x145.png ICAM2015-09-05 10:17:462021-06-23 10:27:53Help Lebanon help Syria: Awaiting a Political Solution to the Catastrophic and Explosive Situation. ¦ Dr Kamel Mohanna

Les contradictions d’une commission vérité israélienne sur la Nakba

dans ACTUALITÉS, Palestine/par ICAM

ORIENT XXI > MAGAZINE > XAVIER GUIGNARD > 26 JUIN 2014

Près de quinze ans après l’appel de l’intellectuel palestinien Edward Said à l’établissement d’un comité pour la vérité historique et la justice politique, l’association israélienne Zochrot lance les préparatifs de sa propre « commission de vérité publique ». Rendue célèbre début 2014 par le lancement de son application iNakba, qui permet de visualiser les villages palestiniens détruits en 1948, Zochrot ouvre un nouveau front dans sa lutte contre l’oubli des crimes commis en 1948 au nom d’Israël.
Réfugiés palestiniens dans la région de Tulkarem.
CICR, 1948.

Depuis l’annonce de la fin des neuf mois de négociations israélo-palestiniennes sous égide américaine, les initiatives se multiplient pour pallier l’échec des pourparlers. Devant le refus israélien de libérer le quatrième contingent de prisonniers, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a rapidement publié le 1er avril 2014 quinze demandes d’adhésion à des traités internationaux, relançant ainsi le débat d’une accession à la Cour pénale internationale pour juger des crimes de la colonisation israélienne. Tout aussi inattendue fut la signature d’un accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas, qui a permis laformation d’un gouvernement d’union nationale largement composé de personnalités indépendantes.

LUTTE CONTRE L’OUBLI

C’est dans ce contexte qu’une organisation israélienne, inspirée par les précédents historiques sud-américains et la popularité de la Commission vérité et réconciliation sud-africaine, a entrepris de lancer une «  commission de vérité publique  », dont la première réunion publique aura lieu en octobre 2014. Instauré après une période de guerre civile ou de dictature, ce type de commission a, par le passé, permis dans différents pays de recueillir les milliers de témoignages de victimes que l’appareil judiciaire ne peut pas, ou ne veut pas, traiter. Quitte à faire l’impasse, dans un premier temps, sur la responsabilité pénale des criminels, elle fait parfois entendre des voix jusqu’alors inaudibles.

L’organisation à l’origine de ce projet, Zochrot («  Elles se souviennent  » en hébreu), est une figure emblématique de la lutte pour le droit au retour des réfugiés à l’intérieur d’Israël. Alors qu’Israël a voté en 2011 une loi interdisant l’accès aux fonds publics israéliens pour toute association commémorant laNakba1, Zochrot continue à tenir annuellement des conférences sur le sujet, et met à disposition des enseignants israéliens un «  kit d’éducation à la Nakba  » bien que ce mot ait étéofficiellement banni des livres scolaires en 2009 par le gouvernement de Benyamin Nétanyahou.

Ce petit groupe de militants de gauche, basé à Tel-Aviv, a par ailleurs lancé au cours de l’été 2013 une application pour téléphone portable, iNakba, permettant de localiser sur la carte d’Israël les villages détruits par les milices juives2 en 1948 et fournir des informations relatives à l’expulsion de leurs habitants palestiniens.

Après douze ans d’existence dédiés à informer le public israélien sur la réalité des crimes commis durant leur «  guerre d’indépendance  » en 1948, Zochrot a décidé de laisser la parole aux témoins de cette époque, Israéliens et Palestiniens. L’association se réfère aux programmes de «  justice transitionnelle  »3 pour décrire le travail de sa commission. Cette dernière aura pour objectif de présenter publiquement les récits collectés en rapport avec les exactions israéliennes commises alors.

DE LA DIFFICULTÉ À RASSEMBLER DES TÉMOIGNAGES

La première audition publique se tiendra le 21 octobre prochain à Beer Sheva (Bir al-Saba’a en arabe), exactement 66 ans après l’opération Yoav qui permit aux forces israéliennes de s’emparer de cette ville, offrant un point d’accès, en plein désert du Néguev, vers Gaza et l’Égypte. Cet événement devrait, selon Debby Farber en charge de ce projet à Zochrot, constituer la première étape d’une série de «  commissions vérité publique  » que l’association compte organiser chaque année à travers Israël. Compte tenu de l’impossibilité pour les réfugiés palestiniens maintenus en exil à l’extérieur (Liban, Syrie, Jordanie) ou vivant en Palestine d’obtenir un permis pour se rendre sur le territoire israélien, l’association entend donner la parole en premier lieu aux anciens habitants de la région de Beer Sheva, qui sont restés en Israël après la destruction de leurs villages. La possession de documents israéliens (carte de résidence de Jérusalem ou citoyenneté israélienne) sera également une condition nécessaire pour les Palestiniens qui, au côté de personnalités étrangères et israéliennes, composeront le jury de la commission. Cependant, la plupart des survivants ne pourront participer, ayant à l’époque fuivers Gaza où ils demeurent aujourd’hui enfermés. Zochrot envisage donc d’obtenir de leur part un témoignage enregistré par vidéo et pense à les faire participer par visioconférence lors de la tenue publique de cette commission. L’engagement des Palestiniens en faveur du boycott de toute interaction avec des organisations israéliennes risque en l’espèce de limiter considérablement la participation de témoins résidants à Gaza ouen Cisjordanie.

L’autre difficulté que Zochrot devra surmonter pour mener à bien son projet est la collecte des témoignages d’anciens miliciens juifs ayant participé aux combats dans la région de Beer Sheva. En effet, l’ambition de cette commission est, selon ses propres termes, de constituer à l’occasion de ces rencontres publiques une mise en parallèle des récits des réfugiés palestiniens avec des combattants ayant servi dans la même zone. Cette ambition fait l’originalité de ce projet, alors que les informations sur la Nakba ne manquent pas, pour qui veut se donner la peine d’explorer le riche travail accumulé au fil des années. Que ce soit le travail des historiens palestiniens, le recueil de l’histoire orale des réfugiés ou la production des «  nouveaux historiens  » israéliens4, la réalité de cette épuration ethnique se trouve largement documentée. Mais la volonté de Zochrot butte sur un scepticisme, pour ne pas dire une opposition, des anciens miliciens quant à l’intérêt de venir témoigner dans une telle enceinte. Ainsi, Zochrot n’a pour l’instant pu recueillir que deux témoignages d’Israéliens et commence à réfléchir à d’autres solutions, comme la lecture de récits de combattants, pour présenter au moins cinq témoignages israéliens durant cette première journée.

Pour inciter ces témoins à venir parler devant la commission, Zochrot a décidé de parler des «  évènements de 1948  » à l’occasion de cette commission, en effaçant la référence à la Nakba qui renverrait à une perception uniquement palestinienne de ces «  évènements  ». S’ils espèrent ainsi ne pas décourager certains Israéliens à les rejoindre, ils prennent le risque de mettre en péril le travail qu’ils effectuent depuis des années pour imposer le terme même de «  Nakba  » au sein de la population israélienne. Néanmoins, ils entendent se servir de cette occasion pour aborder la question de l’héritage de la Nakba et ses déclinaisons contemporaines car «  la Nakba n’a pas cessé en 1948  ». Le choix du Néguev leur offre ainsi l’occasion d’inviter des associations palestiniennes comme Adalah qui viendront présenter la situation des communautés bédouines d’Israël et les politiques de «  relocalisation  » que l’État hébreu veut leur imposer, comme le plan Prawer-Begin, finalement abandonné en décembre 2013 face à la résistance des populations locales.

UNE INITIATIVE À PORTÉE LIMITÉE

Le travail de Zochrot se situe dans la lignée d’autres d’initiatives récentes israéliennes. L’exemple de la campagne de Breaking the Silence, qui recueille le témoignage de militaires ayant servi dans les territoires occupés, semble avoir inspiré ces militants pour qui l’essentiel de leur travail est «  de faire admettre la vérité, promouvoir la reconnaissance et la responsabilité (israélienne) pour faciliter un processus historique de justice et de paix  ». Cet attachement à inscrire ce travail dans la société israélienne se retrouve dans un autre projet exposé en octobre 2012, qui fut à l’origine de cette commission, lancé par l’historien Ilan Pappe et le réalisateur Eyal Sivan. A common archive, Palestine 1948 a rassemblé les témoignages de plus de trente combattants juifs, ainsi que des archives vidéos, présentés dans le cadre d’une exposition aux côtés de témoignages de réfugiés palestiniens. On retrouve la même volonté de sensibiliser l’opinion israélienne dans la commission Zochrot qui est, pour ces organisateurs, l’occasion de «  créer un débat public et obtenir plus de soutien auprès des Israéliens dans ce combat mené depuis des années  ».

Également persuadés de la nécessité de porter à la connaissance du public la réalité de la colonisation israélienne, un collectif d’intellectuels avait, dès 2009, procédé à la création du Tribunal Russel pour la Palestine5. À l’époque, les membres de ce tribunal avaient dénoncé la relative indifférence qui entourait leur travail, notamment en Israël. Néanmoins, pour Debby Farber, ce risque n’est pas à craindre dans le cas de la commission Zochrot. Elle assure qu’en dépit de leurs moyens limités, leur statut de«  cible favorite des organisations sionistes israéliennes  » leur garantira une couverture médiatique plus importante, ne serait-ce que pour dénoncer cette initiative.

En spécifiant «  ne pas être un tribunal, mais un forum informel  » — contrairement à ce qui s’est produit dans d’autres pays où le recueil de témoignages a pu servir à l’établissement de procédures judiciaires adéquates — Zochrot court le risque de ne rencontrer que peu d’écho auprès des Palestiniens. Alors que ces derniers espèrent poursuivre les plus hauts responsables israéliens devant les tribunaux internationaux, les objectifs affichés par l’association israélienne ne semblent pas être en mesure d’appuyer leurs demandes. De plus, la commission se tiendra sans soutien étatique, conséquence de la volonté de s’établir en dépit de tout accord politique préalable. Ses défenseurs avancent que c’est l’occasion d’inventer une«  nouvelle forme de justice transitionnelle, durant le conflit  »,faisant mine d’ignorer qu’historiquement ces «  tribunaux des larmes  » sont avant tout des outils du politique pour décréter la paix civile après une période de conflit interne ou de crimes de masse.

L’initiative de Zochrot témoigne de la détermination à ne pas laisser la réalité de la Nakba ignorée par le public israélien. Cependant, l’absence de soutien, tant du côté palestinien que d’instances publiques et la marginalité de ce type d’initiative au sein de la population israélienne risque de confiner cette «  commission vérité publique  » à une audience relativement réduite et déjà convaincue.

XAVIER GUIGNARD

1Signifiant «  catastrophe  » en arabe, ce mot renvoie dans l’historiographie palestinienne à la destruction de centaines de villages et l’expulsion de plus de 700 000 réfugiés qui n’ont jamais pu revenir sur leurs terres. Sa commémoration, chaque 15 mai, donne lieu à des manifestations dans les camps de réfugiés et dans les territoires palestiniens, violemment réprimés par les forces israéliennes. En 2014, deux adolescents palestiniens ont été abattus aux environs de la prison d’Ofer lors de ces commémorations.

2On parle ici de «  milices  » et de «  miliciens  » juifs puisque l’armée est, à la naissance d’Israël, composée des milices juives actives durant la période du mandat britannique. C’est également le terme retenu par Zochrot.

3Plébiscité par de nombreux activistes et intellectuels depuis une vingtaine d’années, ce terme regroupe l’ensemble des programmes mis en place en sortie de conflit pour tenter de répondre à des demandes diverses : écriture de l’histoire immédiate, révélation de l’ampleur des crimes commis et réparation. Les commissions vérité et réconciliation, celle instaurée après la fin de l’apartheid en Afrique du Sud par exemple, en sont les principaux outils.

4Ce terme désigne les historiens qui, à l’instar de Benny Morris, Ilan Pappé ou Avi Shlaïm, pour ne citer que les plus connus, ont bouleversé l’historiographie israélienne à partir d’un travail sur les archives israéliennes et britanniques. Ils ont abouti à une remise en cause des mythes fondateurs du sionisme, en particulier ceux attachés à la création d’Israël et à la négation de la Nakba.

5Instauré en 2009, sur le modèle du tribunal d’opinion conduit par Jean-Paul Sartre et Bertrand Russel pour juger des crimes de guerre américains au Vietnam, ce tribunal a rendu des conclusions sans appel en 2013. Il était composé, notamment, de Stéphane Hessel, Leila Shahid, Raymond et Lucie Aubrac, Gisèle Halimi, Aminata Traoré, Angela Davis, Boutros Boutros-Ghali, Etienne Balibar, Judith Butler, Noam Chomsky, Norman Finkelstein, Eric Rouleau, Naomi Klein, Ilan Pappe ou Mohammed Bedjaoui.

XAVIER GUIGNARD

Doctorant en science politique à l’université Paris 1 et associé à l’Institut français du Proche-Orient (IFPO), il enseigne à Al-Quds Bard Honors College (Abu Dis). Ses recherches portent sur le « marché de la paix » en Palestine.
https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2015/08/orientxxi.png 31 207 ICAM https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2014/07/olivier-icam-short-300x145.png ICAM2015-08-28 14:39:322021-06-23 10:27:48Les contradictions d’une commission vérité israélienne sur la Nakba

Georges Corm « Prétendre que le monde arabe est en guerre contre l’Occident est une déformation grossière de la réalité »

dans ACTUALITÉS, Monde arabe/par ICAM

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR 
STÉPHANE AUBOUARD VENDREDI, 12 JUIN, 2015 L’HUMANITÉ

 

Ancien ministre des Finances (1998-2 000) de la République libanaise, économiste et historien, 
Georges Corm défend dans son dernier ouvrage, Pensée et politique dans le monde arabe, 
une vision de la culture arabe bien plus riche et ouverte que le cliché récurrent de berceau 
du terrorisme islamiste relayé par les médias dominants.

Dans votre dernier ouvrage, Pensée et politique dans le monde arabe (1), vous faites clairement la distinction entre culture arabe et culture musulmane. Cependant, peut-on aujourd’hui, au regard des événements dramatiques qui secouent le monde arabe, victime de l’islamisme politique, séparer la pensée arabe de la pensée musulmane ?

Georges Corm C’est tout le sens de mon livre. Il est absolument nécessaire de faire cette distinction. Il faut rappeler que le monde arabe a une pensée et une culture qui se situent à la fois avec et en dehors de l’islam. En dehors, parce que la culture arabe existe préalablement à l’islam, avec des traditions poétiques majeures indépendantes de toute contingence religieuse. Dans le premier chapitre de mon livre, je rappelle d’ailleurs l’importance de cette culture poétique. Culture primordiale à tel point qu’aujourd’hui encore, les personnes les plus honorées dans toutes les sociétés arabes restent les grands poètes, mais aussi de grands compositeurs de musique, chanteurs et divas, de très nombreux romanciers de qualité, dont le travail artistique et littéraire constitue le fond de la conscience collective arabe. Il y a de fait une pensée arabe très diverse de type profane, ouverte sur tous les problèmes de la modernité et qui est un socle majeur de la conscience collective arabe. Cependant, la pensée arabe existe aussi avec l’islam – événement historique et culturel considérable –, puisque, après l’apparition de la prophétie coranique, certes de très nombreuses écoles théologiques ont fleuri, mais aussi la philosophie qui a repris et développé le patrimoine grec et a fertilisé la pensée chrétienne en Europe à travers l’Andalousie. Et aujourd’hui encore, dans les cercles intellectuels, il y a de grandes controverses et des débats souvent très riches. Une des questions qui travaille le plus la pensée arabe philosophique et politique tourne autour de la structure de l’esprit arabe : est-il un esprit théologique fermé ou un esprit philosophique ouvert ? Il y a aussi de très nombreux débats sur les bienfaits et les méfaits de la laïcité, et les différentes formes de séparation du temporel et du spirituel.

Ce que décrit par ailleurs mon ouvrage, c’est le basculement médiatique et académique en Europe et aux États-Unis sur l’islam politique, qui a été instrumentalisé et radicalisé à la fin des années 1970, lors du dernier épisode de la guerre froide, lorsque les États-Unis ont théorisé la nécessaire réislamisation des sociétés arabes pour faire face à l’extension du communisme dans la jeunesse de ces sociétés et d’autres sociétés musulmanes en Asie. Cela s’est notamment traduit par l’enrôlement et l’entraînement de milliers de jeunes Arabes en Arabie saoudite et au Pakistan, sur la demande des États-Unis, pour aller se battre contré l’armée soviétique qui a envahi l’Afghanistan en 1979, en invoquant la nécessité d’un « djihad » contre les athées soviétiques. C’est de cette première guerre d’Afghanistan qu’est née l’organisation al-Qaida d’Oussama ben Laden, riche ressortissant saoudien, et qu’est né le mouvement des talibans, pratiquant lui aussi un islam radical à la mode saoudo-wahhabite. Ce que nous vivons aujourd’hui n’est que la suite logique de cette politique fatale.

Les contre-révolutions violentes qui ont suivi les révoltes arabes initiées en 2011, en Tunisie, et l’apparition, il y a un peu plus d’un an, de l’« État islamique » sont-elles aussi liées à un rejet des valeurs occidentales de la part des peuples arabes ?

Georges Corm Parlons plutôt de la vague de mouvements libertaires à forte coloration sociale qui a secoué toutes les sociétés arabes, du sultanat d’Oman à la Mauritanie, au premier trimestre de l’année 2011. Depuis trente ans, un récit cliché s’est installé qui prétend que la psyché musulmane aurait été agressée d’abord par le colonialisme, puis par les régimes républicains laïcs du monde arabe. Mais le colonialisme a fait des dégâts dans toutes les sociétés colonisées – hindoue, boud-dhiste, confucianiste, animiste ou chrétienne – donc pas seulement dans le monde musulman. Aussi, prétendre que le monde arabe est en guerre contre l’Occident est une déformation grossière de la réalité qui entretient le mythe que les organisations terroristes telles que Daesh ou le Front al-Nosra (branche syrienne d’al-Qaida – NDLR) incarneraient une psyché musulmane éternelle, résumée dans le radicalisme violent, tel qu’il peut être prôné par une utilisation perverse de la doctrine wahhabite qui constitue la doctrine d’État de l’Arabie saoudite et du Qatar. Il faut rappeler que ces deux pays, alliés des États-Unis et, entre autres, de la France, disposent de moyens financiers gigantesques qui ont facilité l’extension de la doctrine wahhabite dans toutes les communautés musulmanes sunnites. Mais soyons objectifs : il y a bien plus d’Arabes en accord avec la philosophie des Lumières qu’avec le terrorisme produit par ce radicalisme islamique, très peu conforme à l’esprit de cette religion. Il suffit de regarder dans le monde réel ! La quasi-totalité des gouvernements arabes sont des alliés de l’Occident, la Syrie exceptée et, évidemment, pour des raisons exclusivement politiques. Des centaines de milliers de familles envoient leurs enfants en Europe, en France en particulier, ou aux États-Unis pour qu’ils y fassent des études. Toute une partie de la jeunesse arabe ne rêve que d’émigrer en Europe, voire aux États-Unis. Cela prouve bien que tout le schéma huntingtonien de choc des civilisations est purement imaginaire.

Cependant, la France, qui a longtemps pratiqué une politique d’apaisement, a opéré un changement radical dans sa politique arabe dès lors que Nicolas Sarkozy est arrivé au pouvoir. Comment le pays des droits de l’homme est-il perçu par la population civile ?

Georges Corm Il serait souhaitable que la France cesse d’intervenir directement dans les conflits ou qu’elle cesse de vendre des armes aux monarchies de la péninsule Arabique, lesquelles sont employées dans des interventions violentes dans d’autres pays arabes tels que le Yémen. La politique extérieure française est totalement alignée sur la politique de l’Otan, des États-Unis et des États du Conseil de coopération du Golfe. Elle fait même de la surenchère comme dans le dossier syrien ou celui du projet de traité avec l’Iran. La France ne peut donc plus jouer un rôle d’apaisement ou d’arbitre impartial, comme au temps du général de Gaulle. Mais elle reste le pays des droits de l’homme, c’est une image qui reste encore très présente dans l’imaginaire collectif arabe. Parce que la pensée arabe moderne a été fortement influencée par les Lumières et la Révolution française. Pour le monde arabe, les premiers à être entrés en contact avec cette pensée européenne, ce sont les grands cheikhs de l’université islamique d’Al-Azhar, au Caire. Al-Tah-tawi, tout d’abord, qui est venu en France dès 1825, envoyé par le souverain égyptien de l’époque, Mohammed Ali. Sa mission consistait à savoir pourquoi et comment la France était arrivée à un tel niveau de développement et de modernité. C’est sans nul doute celui qui, le premier, a su le mieux saisir la notion de citoyenneté. Plus tard, il y a eu Taha Hussein, né dans un milieu rural très pauvre, atteint de cécité à l’âge de deux ans. Malgré cette infirmité majeure, ses études et son talent l’amenèrent à Al-Azhar, puis à l’université du Caire, puis à Montpellier et Paris, où il apprend le français et obtient un doctorat. Lorsqu’il reviendra en Égypte, il contribuera grandement au développement de l’éducation dans le pays. Une de ses œuvres majeures, l’Avenir de la culture en Égypte, reste d’actualité pour toutes les sociétés arabes.

Pourtant, ne sont-ce pas ces mêmes pays où les Lumières sont apparues qui passent aujourd’hui leur temps à obscurcir l’horizon des pays arabes ?

Georges Corm C’est la seconde fois dans l’histoire contemporaine des Arabes que nous avons des révolutions et contre-révolutions fulgurantes. Tout d’abord, au temps de Gamal Abdel Nasser, cet homme charismatique qui a galvanisé l’ensemble du monde arabe pour le débarrasser de la colonisation. Le nationalisme arabe laïc et socialisant, qu’il prônait, a été considéré pendant très longtemps comme l’ennemi numéro un des grands puissances occidentales. L’expédition de Suez, en 1956, menée conjointement par la France, la Grande-Bretagne et Israël, en est la preuve la plus évidente. Par la suite, tous les efforts ont été déployés pour arrêter la vague révolutionnaire arabe anti-impérialiste des années 1960 et 1970, où les mouvements armés palestiniens ont joué un grand rôle. Efforts conjoints des puissances occidentales et des mouvances d’islam politique soutenues par l’Arabie saoudite. Francfort et New York sont alors devenus des lieux d’asile privilégiés des Frères musulmans. La grande vague libertaire de 2011 a suscité une autre contre-révolution, avec à nouveau les mouvances islamiques qui ont joué un rôle majeur, en alliance avec les États occidentaux. Rappelons que l’Arabie saoudite a envoyé son armée dans le petit royaume de Bahreïn pour y supprimer, par la force, la révolte libertaire et sociale. Ailleurs, cette révolution a de nouveau été brisée par les puissances occidentales, notamment par la France, en Libye et en Syrie, pour amener un changement de régime dans ces deux pays en particulier : le premier, vraisemblablement pour son rôle en Afrique subsaharienne ; le second, pour affaiblir le régime iranien et le Hezbollah libanais, pour le plus grand bonheur de l’État d’Israël, des États-Unis et de l’Arabie saoudite.

D’autres pays, comme la Russie, peuvent-ils encore jouer un rôle ?

Georges Corm La Russie, qui ne dispose que d’une petite base navale en Méditerranée, dans le port syrien de Tartous, fait cependant encore contrepoids. Elle ne lâchera pas aussi facilement ce pays, à l’heure où Moscou est en train de constituer avec l’Iran, la Chine et d’autres pays émergents, un bloc eurasiatique. Car, il n’y a pas de raison que les États-Unis, qui sont à 10 000 kilomètres de la Méditerranée, soient le seul grand acteur militaire et politique de la région, et que la Russie, qui a des frontières à 200 kilomètres de cette mer stratégique, et l’Iran en soit exclus. Cependant, les États-Unis tiennent absolument à contrôler le Moyen-Orient et la Méditerranée face au projet de regroupement eurasiatique. Et pour ce faire, Washington a deux alliés de poids dans la région, l’Arabie saoudite et Israël – en sus du Pakistan, plus loin dans la péninsule Indienne –, tous trois États à prétention religieuse. Car, si le problème de la pensée politique arabe est lié en partie à l’islamisme et à ses énormes moyens financiers, politiques et médiatiques, elle doit aussi faire face au phénomène israélien, qui se présente comme l’incarnation et le défenseur du judaïsme à l’échelle mondiale. Aux États-Unis, les fondamentalismes chrétiens jouent aussi un rôle important dans l’appui accordé au fondamentalisme israélien et à la poursuite de la colonisation des territoires palestiniens sans aucune sanction internationale.

Au final, où situez vous l’espoir pour ces peuples, pris entre guerres et terrorismes ?

Georges Corm Ce qui s’est passé lors des révoltes de 2011 n’est pas vain. Il y a eu un formidable retour à l’unité de la conscience arabe, exaspérée par les autoritarismes de sources diverses, les injustices sociales extrêmes, l’absence d’opportunités d’emploi pour la jeunesse. Et ce moment restera nécessairement comme un grand instant de cette conscience collective, tout comme l’est resté le moment nassérien. C’est cela, le principal espoir. C’est donc la jeunesse. Mais il ne faut pas être naïf, rien ne sera possible tant que les conflits et les guerres n’auront pas desserré leur étau sur les nombreuses sociétés livrées à la violence aveugle et au terrorisme, qui ne tolère aucune diversité religieuse ou ethnique ou aucune pratique de l’islam différente du radicalisme à la mode wahhabite. Aussi je ne peux m’empêcher de renvoyer la balle à tous les démocrates américains et européens, pour qu’ils demandent des comptes à leur gouvernements sur les politiques menées dans le monde arabe depuis la fin de la Première Guerre mondiale. J’ai en effet du mal à comprendre que l’exercice de la démocratie soit restreint à l’espace intérieur, mais qu’il ne soit jamais demandé des comptes sur les politiques et interventions extérieures des gouvernements des États démocratiques, dont certains passent leur temps à vendre des armes et à s’immiscer dans les affaires intérieures d’autres États. Est-ce cela, la démocratie ?

https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2015/08/corm.jpg 444 473 ICAM https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2014/07/olivier-icam-short-300x145.png ICAM2015-08-18 15:35:252023-09-08 12:48:08Georges Corm « Prétendre que le monde arabe est en guerre contre l’Occident est une déformation grossière de la réalité »

Femme de tête comme de coeur, Leïla Shahid, à l’image de la Palestine

dans ACTUALITÉS, Non classé, Palestine/par ICAM
  • samedi 11 juillet 2015 15:37  Écrit par Eric Anglade
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Leïla Shahid vient de quitter ses fonctions d’ambassadrice de la Palestine auprès de l’Union européenne. Après ces nombreuses années passées à plaider et défendre la cause de son peuple, elle entame un nouveau cycle dans sa vie et consacre son premier voyage au Maroc, pays avec lequel elle a des liens profonds. De passage sur Ouarzazate en partance pour les trésors culturels de la région Sud Est du Maroc, elle a accepté de prendre le temps du dialogue avec l’équipe d’almaouja.com pour nous dessiner son parcours de vie et nous faire partager ses vues sur les bouleversements actuels qui traversent notre monde. Fidèle à elle-même, Leïla Shahid nous délivre un message de responsabilité où la reconnaissance de la gravité de l’état du monde n’empêche pas d’assumer l’espoir du mieux, et d’encore travailler à son avènement.

Almaouja.com – Pourriez-vous nous décrire les grandes étapes de votre vie ?

Leïla Shahid – La vie est faite comme les saisons de la nature, par des cycles. Je suis née un année après la Nakba, en 1949 donc, au Liban et en exil, de parents originaires de la Palestine mais partis tous deux assez tôt ; mon père pour faire ses études, notamment de médecine, et ma mère, née à Jérusalem, venant d’une famille militante qui s’est confrontée dès 1936 aux britanniques alors en charge de la Palestine, et qui s’est trouvée déplacée à Beyrouth.

Le premier cycle de ma vie aura été la découverte que j’appartenais à un peuple qui existait sans patrie. Ce fut pour moi la découverte de l’injustice envers la Palestine accompagnée des sanglots de ma mère, femme très positive et à qui je ressemble mais qui a vécu douloureusement ce sentiment d’arrachement.

Cette première partie va jusqu’en 1967, année où je devais passer mon baccalauréat mais où les épreuves ont été annulées alors que le 5 juin la guerre commençait. Je me souviens encore faire la fête avec mes amis avec ce sentiment de liberté retrouvée qui nous traversait. Et quand nous voyons en six jours quatre armées arabes se faire battre par l’armée israélienne, nous nous sommes sentis vraiment humiliés et honteux.

Cet échec n’était pas seulement celui des armées mais aussi celui des élites arabes et des partis politiques arabes. Alors à partir de cette période, je décide qu’il faut que je m’engage politiquement, et je le fais dans ce qui était à l’époque le mouvement anticolonialiste et laïque qui me correspondait le plus, sans dogmatisme et avec un vrai esprit d’ouverture, le Fatah.

Là commence le second cycle de ma vie et la première chose que je fais est d’aller travailler auprès des palestiniens dans les camps de réfugiés, camps qui étaient à cette époque interdits aux non résidents. C’est d’ailleurs là que commença la première Intifada puisqu’en 1969, dans les 15 camps de réfugiés palestiniens qui entouraient alors Beyrouth, un soulèvement organisé par l’OLP permet de mettre dehors les personnels de l’ONU et de la sécurité libanaise, et de transférer la gestion de la vie des palestiniens réfugiés à des comités populaires. Il faut se rappeler qu’à cette époque, ces camps réunissaient près de 400.000 personnes dans un pays qui comptait une population de 3 millions d’habitants.

Dans le même temps, je suis des cours de sociologie à l’université américaine de Beyrouth et j’entame une thèse de doctorat en 1972 sur le thème justement de la structure sociale des camps de réfugiés palestiniens. Mon intention était de comprendre comment une population, réfugiée depuis des dizaines d’années, puisqu’elle est partie en 1948, reste aussi unie dans son aspiration à une identité nationale et capable de faire une intifada, c’est à dire un soulèvement, comme celui auquel je venais d’assister en 1969.

Bien sur je ne pouvais pas imaginer que vingt ans après, les palestiniens se soulèveront encore mais à ce moment je voulais comprendre comment une société civile prend son sort en main. Et c’est pour cela que j’ai depuis un attachement particulier avec les sociétés civiles et leur actions au sein de milieux défavorisés. Un camp de réfugié, c’est comme un bidonville, c’est comme un quartier pauvre au Brésil, comme une favela au Chili. Ce sont des milieux sociaux marginalisés, défavorisés et humiliés, dépossédés de leur dignité. En Palestine s’ajoute certes le côté politique avec l’occupation militaire et la diaspora, mais du point de vue humain, le défi est la même.

Le Maroc, un pays où les marocains se sentent bien dans leur identité

En 1974, quand je finis ma maitrise, je décide de m’inscrire à l’Ecole Pratiques des Hautes Etudes de Paris afin de poursuivre un doctorat sur le même sujet. Et en 1977, je rencontre mon mari, le romancier marocain Mohammed Berrada. Je m’installe alors au Maroc où j’ai un véritable coup de foudre pour ce pays car je venais d’un endroit où tout le monde se faisait la guerre, palestiniens et libanais, chrétiens et musulmans, étrangers et nationaux. Là, j’arrivais dans un pays où les marocains se sentent tellement bien dans leur identité, dans cette longueur de leur histoire, dans cette mémoire qu’ils ont depuis la manière de préparer le thé jusqu’à la manière de vivre entre amazigh et arabe.

Je suis restée au Maroc jusqu’en 1989, période où le Président Arafat décide alors de nommer des femmes ambassadrices car il était émerveillé par le rôle joué par les femmes dans la lutte palestinienne, et notamment lors de la première Intifada qui commence en 1987. J’ai ainsi été nommée ambassadrice de la Palestine en Irlande, et puis en Hollande, au Danemark, à l’Unesco et enfin en France, pays que j’ai beaucoup aimé car la société civile française est celle qui comprend le mieux le monde arabe.

Fin 2005, je quitte Paris pour rejoindre Bruxelles pour représenter la Palestine auprès de l’Union européenne car je considère que la relation entre l’Europe et le monde arabe est stratégique et civilisationelle. La géographie nous montre en effet que les pays du Sud de la Méditerranée et ceux du Sud de l’Europe ont une histoire et une culture communes.

Le Maroc est comme l’alter égo de l’Europe, le frère jumeau séparé par l’eau

Almaouja.com – Justement si l’on se réfère aux années 1990 période où les responsables européens, avec Jacques Delors en tête, ont pu faire émerger au niveau politique cette réalité euro-méditerranéenne, et que l’on compare ces grands idéaux d’alors avec la situation actuelle, comment comprendre ce qui s’est passé ? Où a été selon vous le point d’achoppement qui fait qu’aujourd’hui l’on ne parle plus de cette ambition euro-méditerranéenne ?

LS – C’est à cause de la bureaucratisation du projet européen et de sa dépolitisation. Puisqu’un grand nombre de pays n’ont pas voulu d’union politique, le projet des fondateurs de l’Europe est devenu un projet technique au service du seul business. Ils ont créé l’union financière, aboli les frontières pour avoir des conditions de travail plus faciles. Et vis à vis du monde, les européens se sont montrés avant tout intéressés par l’accession aux grands marchés commerciaux, comme celui de l’Afrique ou du monde arabe, mais ils ne voulaient surtout pas avoir une position commune sur les questions politiques, pas seulement la Palestine mais aussi comme on le voit aujourd’hui sur l’Ukraine.

Le projet fondateur de l’Europe visait à construire une puissance régionale qui devait trouver sa place aux côtés de la puissance américaine et soviétique. Mais très vite les élites européennes ont contré cette orientation.

Almaouja.com – Lors d’une interview données récemment au journal Médiapart, vous avez eu des mots très forts vis à vis de l’Europe en usant du terme de lâcheté.

LS – Oui sur le Palestine, il y a eu lâcheté de la part de l’Europe. Ce n’est pas le cas sur d’autres sujets comme au Maroc où là l’Union européenne a fait le plus d’effort mais c’est parce que le Maroc est comme l’alter égo de l’Europe, le frère jumeau séparé par l’eau. Tandis que la Palestine exige que l’on soit sévère à l’égard d’Israël or les européens sont devant Israël d’une telle lâcheté ce qui fait qu’Israël détruit régulièrement tout ce que les européens investissent en Palestine. Depuis 2008, les européens investissent 1 milliard et demi d’euros chaque année. Ils ont construit un aéroport et Israël l’a bombardé, ils ont commencé à construire un port et Israël l’a bombardé. Ils ont soutenu les accords d’Oslo et Israël les ont vidés de leur contenu. Et les européens n’osent pas prendre une seule sanction contre Israël.

Almaouja.com – Comment expliquez-vous cette lâcheté ?

LS – Il y a deux raisons principales. C’est avant tout l’intervention de la question juive et donc la mémoire de la Shoah dans les processus électoraux des pays européens. Les lobbies israéliens pèsent très lourds dans toutes les élections, bien plus que le lobby non existant des populations maghrébines en Europe, comme en France ou en Belgique où leur communauté, en tant que non autochtone, est pourtant la plus importante. C’est donc l’instrumentalisation de la culpabilité vis à vis de la Shoah qui donne autant de force à Israël.

La seconde raison est la vision dépolitisée des relations avec les pays du Sud. Il faut se souvenir que le projet euro-méditerranéen initié à Barcelone en 1993 avait une vision non seulement étatique de la coopération entre tous les pays riverains du pourtour méditerranéen mais aussi qu’il impliquait les sociétés civiles. Et chaque sommet entre les gouvernements de ces pays s’accompagnait alors de rencontres entre les sociétés civiles. Des forums sociaux se tenaient en parallèle et j’ai pu moi-même y rencontrer tous les militants et acteurs citoyens de la Mauritanie jusqu’à la Turquie, dont ceux d’Israël. Ces rendez vous citoyens ont été annulés au profit de rendez vous techniques qui assurent l’établissement d’accords commerciaux et sur ce plan, les européens sont plus intéressés par Israël que par les arabes qui ne produisent pas grand chose.

Israël les intéresse beaucoup notamment dans le domaine de la pharmacologie ou des armes. C’est en effet un des leaders dans la fabrication des drones militaires et des médicaments génériques et un récent accord lui permet de vendre ses médicaments en Europe sans payer de taxes. Israël est un meilleur client, le portefeuille de ses échanges avec l’Europe étant de 30 milliards d’euros.

Le cycle du printemps arabe se poursuivra en temps voulu

Almaouja.com – Quel regard portez vous sur les « printemps arabes » qui ont traversé les sociétés de nombreux pays du Sud méditerranéen ?

LS – Ce que l’on a appelé le « printemps arabe » est pour moi une Intifada arabe. Il a perdu sa première bataille mais il faut comprendre qu’en réalité ces soulèvements relèvent d’une véritable tectonique des sociétés arabes qui ont vu là leur premiers mouvements depuis les indépendances de tous ces pays. C’est le premier vrai soulèvement où les citoyens, et les jeunes comme les femmes en premier lieu, expriment, en dehors des partis politiques ou des syndicats, leur souhait de participer à la définition de leur société. Ils disent : nous voulons être les artisans de notre avenir.

Ce mouvement n’a pas abouti du premier coup, et c’est normal. Ses acteurs n’étaient pas encore organisés ni assez expérimentés pour participer à des élections démocratiques. Il faut du temps pour organiser des élites nouvelles, pour faire émerger des partis politiques avec des programmes sérieux. Les seuls qui étaient organisés étaient alors les organisations islamistes et ils ont pris le devant de la scène mais ce n’est que temporaire.

Certes, ce premier cycle du printemps arabe a favorisé l’émergence d’un djihadisme barbare qui, s’il relève d’une pathologie, demeure directement lié à l’essor du salafisme dans le monde depuis l’émergence du wahhabisme parti d’Arabie saoudite. Cette lecture rétrograde de l’Islam s’est développée de partout, comme en France et en Europe, sans que personne n’intervienne.

Mais je reste confiante car je sais que le cycle du printemps arabe se poursuivra, en temps voulu.

Les enjeux sont humains et pas simplement commerciaux

Almaouja.com – Que faire face à cette situation ?

LS – Il faut une autocritique profonde des arabes et des musulmans. Il faut que les musulmans disent haut et fort que la version de l’Islam diffusée par les djihadistes n’est pas l’Islam. Les Etats, les élites et les citoyens doivent le dire tous les jours. Pour ma part, je le dis tout le temps car je suis de culture musulmane.

Deuxièmement, il faut que les européens fassent eux aussi leur autocritique car ils ont jadis soutenu des anciens dirigeants comme en Tunisie et en Egypte alors que maintenant ils applaudissent les révoltes arabes et appellent à la démocratisation de ces pays. Il faut qu’ils reconnaissent qu’ils n’ont rien compris à ce qui s’est passé, au même titre qu’ils ont accepté le développement du salafisme dans leurs sociétés alors que ce dernier n’est pas tombé du ciel par hasard mais qu’il a été soutenu par des pays comme l’Arabie saoudite et le Qatar, pays avec lesquels les européens font des affaires.

Les européens doivent reconnaitre que c’est avec les sociétés civiles qu’il faut travailler et qu’ils convient donc d’être à l’écoute de ces sociétés civiles des pays du Sud. La propriété du projet euro-méditerranéen doit désormais appartenir à tous, être partagée entre tous. Les enjeux sont humains et pas simplement commerciaux car ce qui nous réunit tous est avant tout d’ordre culturel.

Tout le monde est impliqué dans cette grande crise et tout le monde doit s’efforcer de trouver des solutions. Pour cela, il nous faut analyser d’où vient la violence et cette violence ayant aujourd’hui pleinement traversée les frontières, cela peut sans aucun doute aider à réveiller les esprits des européens.

Il y a au Maroc une dimension naturelle de la diversité

Almaouja.com – Le Maroc semble garder une stabilité dans ce chaos et il a peut être un rôle à jouer dans cet ensemble. Qu’en pensez vous ?

LS – Il n’y pas de garantie de stabilité mais le Maroc a certainement un rôle à jouer car ce pays a un rapport à lui-même singulier. La monarchie en place est le seul pouvoir qui a une légitimité historique de mille ans d’âge et le pays a une culture arabe qui depuis longtemps se mêle à la culture amazigh. Le Maroc a aussi une présence française qui, au delà de la dimension coloniale, a laissé une langue et une culture. Lyautey est certes un général colonisateur mais il a sauvé les vieilles villes du Maroc en interdisant qu’on y construise quoique ce soit, comme à Fès, Meknes, Rabat et Marrakech. La France a ainsi apporté un peu de la philosophie des lumières ce qui a confronté le Maroc très tôt à une modernité européenne. Il y a une amazighité, plus ancienne que l’arabité, et qui aujourd’hui, grâce au Roi Mohammed VI, a toute sa place dans le pays.

Je reviens aujourd’hui au Maroc et je vais dans le Rif, je vais à Essaouira chez les Gnaouas, je vais dans le haut Atlas chez les berbères, je vais à Tamgroute dans la bibliothèque ancienne des Naciri, et je finis à Fès, la ville des Andalous. Tout cela c’est l’identité du Maroc. Il y au Maroc une dimension naturelle de diversité et les marocains savent pourquoi ils sont marocains. Tout cela peut aider les autres pays dans la crise actuelle mais il faut aujourd’hui qu’émergent plus d’instruments de construction de la démocratie afin que les jeunes puissent être convaincus que leur avenir est au Maroc et qu’ils cessent de chercher à partir ailleurs.

Israël cherche à atomiser la société palestinienne

Almaouja.com – Je ne peux terminer cet entretien sans vous demander comment vont les palestiniens ?

LS – Mal, ils vont très mal. Les palestiniens ont vraiment cru qu’avec Oslo, ils avaient arraché la reconnaissance mutuelle et la solution des deux Etats. Le plus important est certes que ces accords d’Oslo ont ramené les palestiniens en Palestine mais nous avons vraiment cru que nous irions plus loin.

Yasser Arafat avait réussi à convaincre son peuple de ne revendiquer que 22 % de la Palestine historique pour ainsi avoir un Etat dans la Cisjordanie, la Bande de Gaza avec Jérusalem Est comme capitale pour faire une paix définitive avec Israël. Yasser Arafat avait surtout réussi à demander à tous les pays arabes de reconnaitre Israël car la clé de la légitimité d’Israël est dans les mains de ses victimes palestiniennes.

Après 25 ans, nous devons admettre que le monde n’a pas saisi la chance d’avoir un dirigeant comme Yasser Arafat. Aujourd’hui, les accords d’Oslo ne sont toujours pas mis en œuvre. En 1999, l’Etat palestinien devait être assuré, or en 2015, nous sommes encore sous occupation militaire. Il y a un mur qui n’existait pas, il y a trois fois plus de colonies qu’en 1993, et Israël a le pire gouvernement de son histoire. Et que font les américains et les européens, rien. Que font les pays arabes ? Rien. Ils font la guerre au Yémen. Les palestiniens sont donc profondément choqués et très déçus justement par leurs amis arabes et européens.

Ils sont démoralisés en plus par la scission interne au sein de leur société entre le Hamas et le Fatah, entre la Bande de Gaza et la Cisjordanie. Cette scission est profonde car elle s’éternise or elle vient contredire l’esprit même de la Palestine et de l’OLP en particulier qui lui était la représentation de toutes les idéologies, de toutes les singularités palestiniennes éparpillées dans différents endroits.

Israël a réussi à atomiser la société palestinienne sous prétexte de sa sécurité, et cette fragmentation de la société palestinienne vise, comme cela s’est produit en Irak ou en Syrie, à une tribalisation de la société. Il y a là le risque de guerre civile, et c’est manifestement le but stratégique de certains.

La société civile palestinienne est forte parce qu’elle est chez elle

Almaouja.com – Ils semblent donc avoir gagné pour l’instant ?

LS – Non. Lorsque vous êtes occupés, il en faut beaucoup pour remplacer le sentiment légitime d’une lutte nationale par une lutte tribale ou confessionnelle car ces luttes viendraient nier l’identité nationale. Il y a certes une scission entre nous mais il y a surtout une fuite des forces vives de la Palestine pour le reste du monde. La population est exténuée. Elle ne peut pas sortir, pas circuler, pas travailler. Les vieux restent, et les jeunes partent. Il faut mettre fin à l’occupation, là est l’urgence immédiate.

J’ai une confiance aveugle dans la vitalité de la société civile palestinienne qui est plus forte que tout le monde. Plus forte que ses responsables politiques, plus fortes que les pays arabes et qu’Israël. Soyons certains que la guerre civile ne pourra pas prendre pied en Palestine. La société civile palestinienne est forte parce qu’elle est chez elle, parce qu’elle a fait son Intifada et qu’ainsi elle a retrouvé confiance en elle même.

Elle a une résilience de Job et elle ne lâchera pas prise facilement et c’est avec elle qu’il faut travailler pour construire l’avenir.

https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2015/07/leila-shahid-01.jpg 380 680 ICAM https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2014/07/olivier-icam-short-300x145.png ICAM2015-07-13 17:43:562021-05-29 12:35:33Femme de tête comme de coeur, Leïla Shahid, à l’image de la Palestine

Le Festival de Baalbek à Marseille

dans ACTUALITÉS, Cultures arabes, Liban/par ICAM

Le Festival d’Aix-en-Provence rend hommage au Festival International de Baalbeck qui s’apprête à souffler ses 60 bougies.

Animée par le poète Issa Makhlouf, cette soirée s’inscrit dans la tradition des salons littéraires et musicaux. Assis face au public, écrivains, compositeurs, artistes confieront leurs émotions liées à Baalbeck et son festival, fragilisés aujourd’hui par la guerre en Syrie, à travers la musique, le chant et la poésie.

Avec la participation de Nabil El Azan (conception et mise en scène), Adonis, Etel Adnan, Talal Haydar, Issa Makhlouf, Salah Stétié (poètes), Bechara El-Khoury, Naji Hakim, Zad Moultaka (compositeurs) Simon Ghraichy (piano), Fadia Tomb El-Haje (chant et textes en français), Rafik Ali Ahmad (textes en arabe).

Le Festival de Baalbeck

Le Festival International de Baalbeck est l’événement culturel le plus ancien et du Moyen- Orient. Il se déroule en été dans l’acropole romaine de Baalbeck, dans la Békaa (Liban).Fondé en 1956, il s’est d’abord consacré au théâtre, à la musique classique, au ballet, accueillant des artistes de renommée internationale comme Nureyev, Cocteau, Béjart, la troupe Alvin Ailey… des artistes de jazz, tout aussi prestigieux, se sont également produits à Baalbeck : Ella Fitzgerald, Miles Davis, Charles Mingus…. Simultanément, le Festival a soutenu de grandes productions locales et arabes, découvrant et encourageant des talents libanais qui ont porté haut et loin la musique orientale avec Fayrouz, Sabah, Wadih el Safi, Roméo Lahoud, les frères Rahbani …

Le Festival International de Baalbeck s’arrête en 1975 et durant toute la guerre civile libanaise … pour reprendre, aussitôt la paix rétablie, ses activités culturelles et artistiques.Depuis sa renaissance, en 1997, le Festival de Baalbeck est resté le fleuron culturel et touristique de la région, offrant des spectacles internationaux de qualité, et encourageant des artistes et des productions locales. Et il a fait école…malgré les moments difficiles qu’il a rencontrés dus à la situation sécuritaire de la région.

Cette année, à la veille des 60 ans du Festival, les organisateurs ont sollicité plus de vingt artistes libanais de renommée internationale, pour que chacun, selon son mode d’expression, soumette une création rendant un hommage à Baalbeck. Ces œuvres se donneront donc toutes la main, le 31 juillet, sur les marches du temple de Bacchus.

Et c’est grâce à l’hommage que le Festival d’Aix-en-Provence rend au Festival International de Baalbeck, à Aix et à Marseille, que ses voix, ses musiques, ses mots, ses gestes, traverseront la Méditerranée et résonneront au-delà des frontières.

http://www.baalbeck.org.lb

Le Festival d’Aix

Chaque année depuis 1948, le Festival d’Aix-en-Provence s’attache à présenter un programme de grande diversité : productions d’opéra, œuvres de jeunesse et célèbres opéras de Mozart, créations contemporaines, redécouverte de chefs-d’œuvre baroques, opéras de chambre, sans oublier d’exceptionnelles affiches de concerts. Il vante plus de 81 000 spectateurs en juin et juillet 2014. En encourageant l’émergence des jeunes talents, le Festival d’Aix a résolument ouvert de nouveaux horizons dans les domaines de la création artistique. Il entend ainsi faire vivre l’opéra dans le monde contemporain et l’entraîner sur les scènes nationales et internationales les plus prestigieuses. En 2014, l’Académie du Festival d’Aix a fêté son 17e anniversaire avec plus de 250 jeunes artistes venus du monde entier, dont la présence a métamorphosé cette manifestation en un extraordinaire théâtre d’échanges et de passion partagée pour l’opéra et la créativité… Parmi eux, 90 instrumentistes issus des quatre coins de la Méditerranée sont venus participer à l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée, qui fait aujourd’hui partie intégrante du Festival et lui ouvre de nombreuses perspectives pour développer des projets avec les acteurs culturels du pourtour méditerranéen.

www.festival-aix.com

 

Retrouver l’article sur BABELMED

https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2015/07/balbeck.jpg 502 545 ICAM https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2014/07/olivier-icam-short-300x145.png ICAM2015-07-07 17:18:242019-04-16 21:22:40Le Festival de Baalbek à Marseille

Je vous écris de Téhéran – Delphine Minoui

dans ACTUALITÉS, Iran, LIBRAIRIE, LIVRES, Non classé/par ICAM

A mon cher Babaï

 La journaliste franco-iranienne, Delphine Minoui, part à la recherche de ses origines persanes et livre un témoignage où l’histoire personnelle se confond à celle du pays. Son dernier ouvrage, Je vous écris de Téhéran, est un récit aussi passionnel que profond.
  Dalia Chams   10-06-2015  AL-AHRAM HEBDO
« l’avion décolle. Enfin ! Vu du ciel, le mausolée de l’imam Khomeyni ne forme plus qu’un point dans la nuit avant d’être englouti par les nuages (…). J’ai quitté ton pays sans me retourner. Comment dire adieu à une moitié retrouvée de soi-même ? ». Quelques années se sont écoulées depuis cette scène de départ, datant de juin 2009, après la réé­lection du président ultranationaliste Ahmadinejad.
La journaliste Delphine Minoui, prix Albert-Londres il y a bientôt dix ans pour ses reportages en Iraq et en Iran, était redevenue citoyenne de la Perse millénaire. De retour à Paris, elle n’arrivait plus à écrire ; ayant perdu la distance nécessaire pour raconter, et a dû mettre cinq ans avant de parachever son troisième ouvrage sur l’Iran, le plus personnel d’ailleurs. Car la grande reporter au Moyen-Orient du Figaro a décidé de centrer son récit sur son histoire et celle de son grand-père paternel, iranien. Elle adresse une lettre posthume à ce dernier qui, sans être le personnage principal du livre, en est incontestablement à l’origine.
La mort subite du grand-père en 1997, dans un hôpital parisien, a incité la journaliste, alors fraî­chement diplômée, à partir sur les traces de sa famille, à sonder le passé pour mieux comprendre le présent. Et c’est justement en fouillant l’histoire de son pays qu’elle effectue une quête de soi et développe une forte sensibilité vis-à-vis de la région.
Pourtant, avant la disparition de son aïeul, elle entretenait avec lui un lien essentiellement épistolaire, parce qu’il n’avait jamais voulu quitter Téhéran, après de longues années passées à Paris en tant que représentant de l’Iran à l’Unesco. Et elle, de mère française, a grandi et avait vécu en France. Un jour, il lui a offert en cadeau ces vers de Hafez : « Celui qui s’attache à l’obscurité a peur de la vague. Le tourbillon de l’eau l’effraie. Et s’il veut partager notre voyage, il doit s’aven­turer bien au-delà du sable rassurant du rivage ».
Comme la plupart des Iraniens, il trouvait en cet illustre poète du XIVe siècle quelque chose de magique ; ses écrits valaient mieux que toutes les boules de cristal : il suffisait de piocher un de ces vers au hasard pour entrevoir son avenir proche. Et ce fut en quelque sorte le cas de Delphine, qui a osé « s’aventurer bien au-delà du sable rassu­rant du rivage ». Elle est arrivée à Téhéran en 1997, environ six mois après l’élection du mollah réformiste, Khatami, afin d’effectuer un reportage sur la jeunesse, comme pigiste à RFI. Puis, elle y est restée 10 ans au lieu d’une semaine. Delphine Minoui a attrapé « l’iranite », comme elle dit, ce virus qui l’a rendue accro à l’Iran, ne voulant plus le quitter, sauf obligée par la tension qui régnait avec l’éclatement du « printemps iranien ».
Loin de la caricature
Tout en découvrant la vie de son Babaï chéri, par fragments, lui pardonnant bien des écarts, elle nous emmène dans son monde à l’iranienne, loin de la caricature médiatique du pays des mollahs. On n’a plus affaire simplement au tchador et au terrorisme, mais à un pays qui n’a rien perdu de son dynamisme, un pays tiraillé entre repli natio­naliste et désir d’ouverture. Cette lutte entre réfor­mateurs et conservateurs constitue la toile de fond de toute l’oeuvre.
La lettre posthume à Babaï est le fil conduc­teur, reliant plusieurs autres récits proches du reportage qui nous font visiter des endroits mul­tiples. D’abord, il y a Qom, la cité religieuse et le premier foyer de contestation de la théocratie.
« C’est là, à l’ombre des minarets, que se déroule le vrai duel entre réformateurs et conservateurs. Une guerre de religion, ou plutôt d’interprétation de la religion. islam contre islam », dit-elle. C’est là aussi qu’elle rencontre le fils de l’ayatollah Ali Montazeri, son père étant assigné à résidence dans sa propre maison, ayant cependant le grade le plus élevé dans la hiérarchie religieuse chiite.
« La seule solution pour sauver la réputation des religieux, c’est de sortir de la politique », souligne Ahmed Montazeri, contestant le fameux principe de velayat-e-faghi (la souveraineté du dogme, consacrant la primauté du religieux sur la poli­tique). Cette déclaration résonne avec celle pro­noncée quelques années plus tard par le petit-fils de l’imam Khomeyni, que la journaliste a ren­contré en Iraq : « Les Iraniens sont friands de liberté. Un rêve impossible tant que religion et politique resteront liées. Alors s’il n’y a d’autre solution qu’une intervention américaine pour obtenir cette liberté, je pense que mon peuple y sera favorable ». Mais l’océan d’insoumis qu’elle décrit en train de défiler dans les rues de Téhéran, ces jeunes sortis vociférer « mort au dictateur », ne se place guère dans cette même logique pro-américaine.
Delphine Minoui nous écrit de Téhéran sur toutes ces femmes et hommes admirables que le pouvoir n’est pas parvenu à briser. On intègre son cercle d’amis et de connaissances : Niloufar, la marraine des jeunes, Baghi, le journaliste qui se convertit aux droits de l’homme, Sara la blo­gueuse qui s’évade pour écrire des poèmes à la lumière d’une bougie en chantant, le milicien bassidji obnubilé par le mythe du martyr, le maestro non-voyant de Shiraz … Bref, toute une galerie de portraits qui permet de brosser le tableau de la répression, mais aussi celui de la transgression des interdits que l’on retrouve sur une piste de danse ou lors de soirées arrosées où le vin se dit « jus de grenade ». L’auteur se raconte et raconte les autres.
Je vous écris de Téhéran, par Delphine Minoui, aux éditions Du Seuil, 2015. 318 p.
https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2015/06/minoui.gif 310 485 ICAM https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2014/07/olivier-icam-short-300x145.png ICAM2015-06-17 11:09:312019-07-20 00:45:20Je vous écris de Téhéran – Delphine Minoui

L’école française, cancre en arabe – Juliette Bénabent

dans ACTUALITÉS, Langue arabe/par ICAM

 

  • Juliette Bénabent  / Publié le 11/05/2015 dans Télérama
Trois millions de personnes le parlent en France. Pourtant, il y est peu ou mal enseigné. Par manque de volonté politique, par crainte du communautarisme. Quitte à abandonner le terrain aux associations religieuses.

Au lycée Jacquard, dans le 19e arrondissement de Paris, ils sont près de deux cents chaque semaine. Deux cents élèves de la seconde à la terminale, issus d’une quarantaine de lycées, qui étudient l’arabe en « enseignement inter-établissements ». « Très motivés », selon le proviseur adjoint, Damien Lucas, ils viennent souvent de loin, un soir ou le mercredi après-midi. Chaque année, leur nombre augmente de plusieurs dizaines. A Paris, seulement huit lycées et trois collèges proposent l’arabe en langue vivante — tous situés rive droite. Le courrier officiel du rectorat qui, en 2012, incitait sept établissements de la rive gauche à les imiter a essuyé sept refus… « La rareté des classes d’arabe est un mystère pour moi, reconnaît Damien Lucas. C’est une richesse pour l’établissement, et un élément positif à verser au dialogue entre les différentes composantes de notre société. »

“L’enseignement de l’arabe souffre d’une mauvaise image”

Langue officielle de vingt-cinq pays, l’arabe est l’une des six langues de l’ONU. Environ trois millions de personnes le parlent en France, où son enseignement a une longue histoire : entré au Collège de France à la fin du XVIe siècle, il est au programme de l’Ecole spéciale des langues orientales dès sa création, en 1795. L’agrégation d’arabe existe depuis 1905, le Capes depuis 1975. Xavier North, ancien délégué général à la langue française et aux langues de France, énonce « un triste paradoxe : nous sommes l’un des seuls pays occidentaux à offrir un enseignement de l’arabe au sein de l’école publique, et dont le patrimoine intellectuel compte d’immenses arabisants. Cette belle tradition est contrecarrée par ce qu’il faut bien appeler une ghettoïsation de cet apprentissage. » A l’Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales), le professeur Luc Deheuvels résume : « Dans un contexte où tout ce qui a trait à l’islam est suspect, l’enseignement de l’arabe souffre d’une mauvaise image. Nous devons pourtant le considérer comme une grande langue de la mondialisation, et plus seulement comme celle d’une communauté religieuse. »

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Sacralisé par le Coran, au VIIe siècle, l’arabe en est indissociable : souvent, l’étude du texte fondateur est intimement liée à celle de la langue. Réussir à laïciser l’apprentissage de l’arabe n’est pas une petite affaire, comme on le voit à l’école primaire. Il y est étudié par près de quarante mille élèves, dans le cadre des Elco (enseignements de langue et de culture d’origine). Créés dans les années 1970, au départ pour les enfants d’immigrés, ces cours sont dispensés par des enseignants étrangers, selon des accords bilatéraux entre la France et les pays concernés (1) . La notion de laïcité y est parfois totalement absente. Une ancienne inspectrice se souvient « avoir vu des versets du Coran dans des cahiers de CE2, ou des enseignants inscrire au tableau la date de l’hégire, le calendrier musulman ! » Maintes fois critiqués pour leur médiocrité linguistique et leur risque de « renforcer les références communautaires », selon un rapport du défunt Haut Conseil à l’intégration, les Elco, de plus, « ont eu pour effet pervers l’absence de développement d’un enseignement franco-français », selon Bernard Godard, ancien spécialiste de l’islam au ministère de l’Intérieur (2) .

Démonstration au collège et au lycée. Ici, les cours d’arabe sont assumés par l’Education nationale et ne se réfèrent jamais au Coran. Mais ils ne concernent plus que sept mille six cents collégiens et lycéens dans le public — où ils sont déjà vingt-et-un mille trois cents à apprendre le chinois. « On conserve des Elco très contestables pour maintenir un contact avec la culture d’origine, et ce besoin disparaîtrait en sixième, quand les cours dépendent de l’Etat ? C’est absurde », raille Bernard Godard. Dans soixante-quatre dé­partements, aucun collège n’enseigne l’arabe ; dans trente-trois, aucun lycée. Rien, par exemple, dans toute la Corse, l’Oise ou la Seine-et-Marne. A Lyon, Alice, 15 ans, passionnée par cette langue, a dû suivre les cours à distance du Cned, comme environ deux mille élèves. « Les collèges qui le proposent sont en grande banlieue, à Vaulx-en-Velin ou à Vénissieux. On sent bien la stigmatisation qu’implique cette offre marginalisée », regrette sa mère.Le chinois, la musique, le théâtre : pour rendre leur établissement attrayant, principaux et proviseurs pensent à tout… sauf à l’arabe. « Ce sera le souk » ; « Mon collège deviendrait l’antichambre de la prison » ; « Mes élèves juifs seraient choqués »… Des arguments stupéfiants pour les inspecteurs d’arabe qui les rapportent. Bruno Levallois, ancien inspecteur général de l’Education nationale, s’emporte : « On confond tout : la langue arabe et l’islam, la population arabophone et la délinquance. Un recteur du Midi m’a dit :  »Je ne veux pas d’ayatollahs chez moi. » Un autre, dans le Rhône, était tout fier d’avoir nommé un professeur d’arabe… en prison ! » Certains collèges proposent l’arabe mais dissuadent les familles d’y inscrire leurs enfants. Yahya Cheikh, agrégé chargé des cours au lycée Jacquard, se souvient d’un principal de banlieue parisienne qui préférait conseiller l’espagnol : « Il espérait qu’avec moins d’élèves la classe d’arabe fermerait. » A Lille, un projet de cursus bilangue anglais-arabe s’est heurté au refus d’un établissement, qui arguait le manque de place, et au chantage d’un autre, qui voulait bien accueillir la langue arabe, à condition d’ouvrir aussi une classe de chinois ! « Le virage est encore à prendre, confirme l’inspecteur général d’arabe Michel Neyreneuf. Nous avons besoin de construire des générations de bons arabisants, cette langue offre de larges perspectives économiques et culturelles. Mais les recteurs et chefs d’établissement convaincus sont encore trop rares. »

Absence de politique volontariste

Sans compter les gouvernants. Contrairement à l’allemand, ou plus récemment au chinois, jamais l’arabe n’a bénéficié d’une politique volontariste pour promouvoir son enseignement. L’agrégation et le Capes sont à géométrie variable — cette année, huit postes sont ouverts (quatre pour chaque épreuve), mais le Capes n’en offrait ni en 2011, ni en 2013, ni en 2014. Des établissements manquant de personnel embauchent des profs contractuels ; mais des diplômés sont envoyés dans des lieux sans élèves, comme cette agrégée nommée dans l’académie d’Amiens, qui ne compte plus de classe d’arabe ! En 2012, Vincent Peillon, alors ministre de l’Education nationale, déclarait : « L’enseignement de l’arabe doit être un axe de développement stratégique pour le ministère. » Un groupe de travail avait mis au point, à l’époque, un document vantant l’intérêt de cette langue aux chefs d’établissement. Le ministre a changé (deux fois), et la brochure est restée dans un tiroir.

« Nous ne sommes pas aidés par la géopolitique », soupire Michel Neyreneuf. A peine nommée, à l’été 2014, la ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem était victime d’une fausse circulaire sur les réseaux sociaux (une enquête est en cours) : elle y aurait encouragé les maires à instaurer des cours d’arabe. « Son cabinet est tétanisé par le sujet, estime Bruno Levallois, l’ancien inspecteur général qui participait au groupe de travail du ministère Peillon. Avec le FN en embuscade, tout ce qui touche à l’arabité en France est extrêmement sensible. La ministre est ligotée. » Par crainte d’être accusée de promouvoir sa culture d’origine, elle serait empêchée de développer l’enseignement de l’arabe… Une explication qui fait bondir Pierre-Louis Reymond, professeur en classes préparatoires à Lyon : « A elle de laisser ses peurs au vestiaire ! Quand on gouverne, il faut être courageux. » Malgré nos demandes répétées, le ministère n’a pas souhaité participer à notre enquête.

En attendant, tout continue de reposer sur l’enthousiasme des recteurs ou chefs d’établissement convaincus. Les classes bilangues ou les sections internationales qui ouvrent sont des succès, comme au collège Louis-Germain de Saint-Jean-de-Védas, près de Montpellier. « On a eu du mal à recruter au départ, mais cette année nous avons vingt élèves en sixième », témoigne Batoul Wellnitz, professeur d’arabe, qui espère « sortir cette langue des quartiers difficiles et la faire accéder, à terme, à une mixité sociale. » En région parisienne, une enseignante (elle requiert l’anonymat) raconte que dans son collège-lycée les classes d’arabe font le plein, à vingt-sept élèves, et refusent des demandes. « Les familles commencent à se rendre compte que l’arabe peut ouvrir des perspectives et qu’il vaut mieux l’apprendre à l’école, espère-t-elle. Pour la première fois, aux portes ouvertes du lycée, j’ai entendu des critiques sur les cours de la mosquée voisine. »

Etudier l’arabe en dehors de l’éducation nationale

Car si l’école est frileuse, les associations, souvent religieuses, investissent en force le terrain. Yahya Cheikh étudie depuis des années cette offre en pleine croissance. « Elle est impossible à mesurer exactement, mais j’estime qu’au moins trois cent mille personnes, en France, étudient l’arabe en dehors de l’Education nationale. » Toutes les mosquées (elles sont deux mille trois cents) proposent des cours. A Argenteuil, à la grande mosquée Al-Ihsan, le dimanche après-midi, le premier étage résonne des voix enfantines qui récitent en classe les sourates du Coran. Tout fiers, des élèves de 6 ans tracent au tableau les lettres qu’ils ont appris à écrire. Près de huit cents enfants, de 5 à 17 ans, suivent ici des cours une demi-journée par semaine : deux heures de langue, une heure de Coran, une heure d’« éducation islamique ». « Avec des enseignants différents, précise le directeur, Mourad Khoutri, par ailleurs prof de maths dans un collège voisin. Le jour des inscriptions, il y a la queue dès 7 heures du matin. » La mosquée a ouvert en 2001 dans cet ancien garage Renault de 8 000 mètres carrés, aujourd’hui lieu de prière pour plus de dix mille fidèles. Le fondateur algérien, Abdelkader Achebouche, 84 ans, explique : « Nous avons tout de suite eu une demande forte pour des cours d’arabe, mais aussi d’éducation musulmane. » Ici, la langue est étroitement mêlée à la religion, même si théoriquement l’école est ouverte à tous.

Comme à La Courneuve, à l’Institut Formation Avenir, installé dans un ancien atelier de charcuterie, peint en blanc et bleu clair — « les couleurs du bled », s’amuse le directeur Habib Mokni, qui fut en Tunisie l’un des fondateurs du mouvement Ennahda. L’école, sans subvention (ni publique, ni privée, ni d’une mosquée), enseigne l’arabe et la « morale musulmane » à plus de quatre cents enfants. « A chaque crise de société impliquant la communauté arabe, la demande augmente, constate Habib Mokni. Quand les musulmans se sentent rejetés, ils se replient dans un réflexe protectionniste, et la langue est un marqueur fort d’identité. Mais l’attente religieuse est secondaire : si les familles trouvaient une offre sérieuse d’arabe à l’école, on aurait moins d’élèves ! »

Apprendre l’arabe est un besoin et la manière de l’enseigner, un enjeu

Pour rehausser la qualité de ces cours associatifs et former les professeurs, Ahmed Dabbabi a cocréé en 2007 un Observatoire européen de l’enseignement de la langue arabe. « Nous travaillons pour améliorer la pédagogie et sortir l’enseignement des mosquées. Mais le Coran est une immense référence linguistique, on ne peut pas le distinguer de la grammaire, de la syntaxe, de toute la rhétorique de la langue. Notre culture est basée sur ce livre, qui a fait à la fois notre langue et notre religion, explique-t-il. Ce n’est pas une raison pour nous regarder comme des fous dangereux ! » Car le développement de ces cours privés, échappant à tout contrôle, nourrit le fantasme. Bernard Godard, l’ancien « monsieur Islam » du ministère de l’Intérieur, en convient : « Leur existence est admise, et personne, ni les Renseignements, ni aucune structure de contrôle, ne met son nez dedans. Il ne faut pas s’imaginer que ces classes sont tenues par des extrémistes, mais elles diffusent une langue purement liturgique, et non une langue vivante de communi­cation. »

Les principaux dangers de cet enseignement sont sa piètre qualité et la communautarisation qu’il entraîne. Le professeur Yahya Cheikh confirme : « Ces cours ne sont pas des fabriques de djihadistes, mais ils impliquent un prosélytisme indirect : leur enseignement ne repose pas sur les valeurs de la République. Ils n’ont par exemple aucune notion de la laïcité. » On y rencontre souvent critiques des mariages mixtes ou négation de l’égalité des sexes… « Dans l’association, pourtant laïque, où allait mon fils, témoigne cette mère de l’Essonne, dont le mari est marocain, les enseignantes étaient toutes voilées. C’est déjà de la religion ! Nous étions le seul couple mixte, et personne ne m’adressait la parole. » Depuis, elle s’est résolue à faire deux heures de trajet le samedi matin pour emmener son enfant aux cours de l’Institut du monde arabe (IMA), à Paris, où la demande explose. Nada Yafi, directrice du centre de langues de l’IMA, fréquenté par deux mille élèves, dont trois cents jeunes de 5 à 16 ans, témoigne : « On sent un grand besoin d’enseignement laïc et lié à la culture. L’arabe est la langue du Coran, mais aussi des chrétiens d’Orient, de la Renaissance arabe, d’un immense patrimoine littéraire et scientifique ! »

Alors que le Golfe est en pleine croissance économique, que des chaînes arabophones existent dans tous les pays, les librairies regorgent de méthodes, lexiques, manuels de grammaire. Apprendre l’arabe est un besoin et la manière de l’enseigner, un enjeu. « L’arabe à l’école de la République, c’est une occasion manquée, soupire Brigitte Trincard-Tahhan, ancienne enseignante. On aurait pu en faire une discipline de référence laïque, si l’on avait osé le considérer comme une langue d’excellence, à l’image du latin. » Il n’est peut-être pas trop tard. La demande des familles est là ; la volonté des enseignants aussi (près de cent candidats ont présenté leur copie au jury d’agrégation 2015) ; les grandes écoles (HEC, Polytechnique, Centrale…) ont déjà compris l’intérêt de cette langue, qu’elles enseignent toutes. Comme l’explique cette mère lyonnaise, dont le fils va à la grande mosquée faute de cours à l’école, « être arabe dans ce pays aujourd’hui, c’est compliqué. A l’adolescence, ces jeunes sont en pleine quête identitaire. L’Education nationale doit intégrer la langue de leurs origines, pour changer l’image d’eux-mêmes que leur renvoie l’école. L’Etat a le devoir de s’en mêler ».

De quel arabe parle-t-on ?
L’arabe ancien, consacré par le Coran au VIIe siècle, est une langue savante, étudiée pour lire et interpréter le livre sacré. C’est celle que l’on enseigne dans les mosquées, souvent de façon orale, avec des apprentissages de sourates par cœur. A l’école publique ou dans les cours laïcs, on apprend l’arabe dit « standard », dérivé de la langue précédente, simplifiée et modernisée, notamment par des intellectuels syriens et égyptiens lors de la Renaissance arabe, au XIXe. Grammaire, structure, syntaxe sont les mêmes : sacrée, la langue du Coran est intouchable dans sa substance. Employé dans les médias, les discours officiels et la littérature contemporaine de tout le monde arabe, l’arabe standard n’est néanmoins parlé au quotidien par personne. Chaque pays et région a développé des dialectes, à l’image de nos langues européennes issues du latin. On parle ainsi un arabe dialectal différent au Maghreb ou dans la région syriano-libanaise. Un Egyptien peut lire le journal en Tunisie et vice versa, mais deux analphabètes de ces pays ne peuvent pas communiquer.

 

 

(1) Algérie, Maroc, Tunisie, mais aussi Croatie, Espagne, Italie, Portugal, Serbie et Turquie.

(2) Auteur de La Question musulmane en France, éd. Fayard, 2015, 352 p., 20,90 €.

 

https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2015/06/arabe-ecole.jpg 667 1000 ICAM https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2014/07/olivier-icam-short-300x145.png ICAM2015-06-08 17:06:232018-08-24 11:27:22L’école française, cancre en arabe – Juliette Bénabent

« Explicite » par Charles Enderlin

dans ACTUALITÉS, Israel, Non classé, Palestine/par ICAM

Publié le 18 mai 2015 sur le Blog de Charles Enderlin correspondant de France2 à Jérusalem.

Un peu partout en Europe des hommes politiques et des éditorialistes accueillent le nouveau gouvernement israélien en se lamentant ou en le critiquant. Des réactions pour le moins surprenantes. De fait, la communauté internationale fait preuve, d’une belle hypocrisie ou d’un refus psychanalytique de la réalité.

Pour l’expliquer, il faut reprendre les principes développés dans un éditorial du New York Times par Anat Biletzki, professeur de philosophie dans une université américaine et à Tel Aviv. Elle a présidé l’ONG israélienne de défense des droits de l’homme, B’Tselem entre 2001 et 2006.
Implicitement
Par exemple, lorsque Benjamin Netanyahu a prononcé, pour la première fois les mots « état palestinien », le 14 juin 2009 dans son fameux discours à l’Université Bar Ilan, près de Tel Aviv, cela sous entendait, pour les responsables américains, et surtout le Président Obama, qu’il acceptait implicitement, le principe d’un accord avec l’OLP. C’était ce qu’ils voulaient entendre. Mais, pour les Palestiniens, et surtout leurs négociateurs à Ramallah, c’était tout le contraire. Netanyahu venait de rendre la paix impossible en y mettant des conditions. Il exigeait d’eux qu’ils reconnaissent « publiquement et catégoriquement Israël en tant que patrie du peuple juif ». Jamais cela n’avait été exigé de l’Égypte ou de la Jordanie lors de la signature des traités de paix avec ces pays. Ce n’est pas tout : « L’Autorité palestinienne devra faire régner la loi à Gaza et triompher du Hamas, Israël ne prendra pas place autour de la table de négociation avec des terroristes résolus à détruire notre pays. » Et Netanyahu d’annoncer que « Jérusalem doit rester la capitale unifiée de l’État d’Israël où la liberté de culte de toutes les religions sera scrupuleusement respectée. » Une notion rendue encore plus explicite, ce dimanche 17 mai lorsqu’il a déclaré lors d’une cérémonie marquant « La journée de Jérusalem » : « C’est depuis toujours la capitale du peuple juif et d’aucun autre peuple et le restera… L’avenir appartient à Jérusalem unifiée qui ne sera plus divisée »
Dream team de la droite israélienne
Pour son quatrième mandat à la tête du gouvernement israélien, il a donc réuni une coalition dans la droite ligne de sa promesse électorale : « Si je suis réélu il n’y aura pas d’état palestinien » Un exemple : la nomination du rabbin Elie Ben-Dahan (député du parti « foyer juif ») au poste de vice-ministre de la Défense, en charge de l’administration civile (qui est en fait militaire). A ce titre, il est responsable de la colonisation et … des palestiniens. A ce propos voici ce qu’il en pense explicitement : « Nous devons prendre le contrôle total de la zone C (NDLR : 60% de la Cisjordanie) et y imposer la loi israélienne. Je ne pense pas que la communauté internationale aura une forme quelconque d’emprise sur Israël si nous le faisons. Lorsque nous avons annexé Jérusalem-Est et le Golan, les États unis ont protesté et suspendu leur soutien (à Israël) pendant quelque temps, mais, finalement ils ont compris que nous étions un état souverain et qu’en fin de compte qu’il n’y avait pas d’alternative à notre contrôle du Golan. Le reste de la Judée Samarie restera sous contrôle civile et sécuritaire palestinien, mais il n’y aura pas de solution permanente ou d’état souverain (palestinien) »
Le premier aout 2013, le rabbin Ben-Dahan, qui était alors vice ministre des affaires religieuses, a explicité sa vision des palestiniens : « Ce sont des bêtes, pas des êtres humains » a-t’il dit dans une interview à la station de radio « Radious ». Et d’ajouter: «Le peuple palestinien n’est pas éduqué pour la paix. Il ne veut pas la paix »
Explicitement
Benjamin Netanyahu savait parfaitement ce qu’il faisait en accordant le portefeuille de la justice à Ayelet Shaked, laïque, annexionniste, membre, elle aussi, du « Foyer juif ».
Passons sur l’affaire de son post sur Facebook où elle avait repris un texte d’Ouri Elitzour justifiant le bombardement de civils palestiniens. Cela avait fait scandale. Ce n’est pas cela qui l’a poussé a devenir garde des sceaux.. En 2014, députée, elle a été à la pointe du combat contre la cour suprême avec une proposition de loi devant permettre au Parlement d’annuler une loi rejetée par la Haute cour. Selon les juristes, cela devait permettre à une majorité parlementaire de droite d’amender les textes de défense des droits de l’homme et des minorités. Elle va donc pouvoir la remettre sur la table en tant que projet de loi gouvernemental. Madame Shaked est aussi présidente de la commission ministérielle des lois et pourra ainsi décider quel texte sera soumis au vote de la Knesset. Ce n’est pas tout, elle a aussi la présidence de la commission de nomination des juges… Sans oublier qu’elle est entend faire adopter le projet de loi constitutionnel redéfinissant Israël comme l’état nation du peuple juif…
Curieusement, à Washington, à Paris et à Bruxelles on continue à parler de la solution à deux états comme la seule possible… Les diplomates ont visiblement du mal à comprendre l’explicite..

https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2015/05/blog_enderlin.jpg 163 960 ICAM https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2014/07/olivier-icam-short-300x145.png ICAM2015-05-19 10:43:222018-07-20 22:46:54« Explicite » par Charles Enderlin

Gaza sous les bombes de Banksy

dans ACTUALITÉS, Cartoon, Palestine/par ICAM

Gaza sous les bombes de Banksy

Alexandre HERVAUD Libération 26 février 2015 à 11:57

VIDÉO

Le mystérieux graffeur s’est rendu dans la ville palestinienne en ruines pour y produire des œuvres et sensibiliser l’opinion sur les conditions de vie des habitants.

Alors que le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, s’apprête à effectuer une visite polémique aux Etats-Unis, le street artist Banksy a publié en ligne différents contenus (vidéo, photo Instagram) attestant d’une visite récente à Gaza, comme le montre ce minidocumentaire décalé façon spot touristique pour une ville en ruines à la suite du conflit de l’été 2014 :

En anglais, la vidéo ironise en inscrivant des arguments du type «les habitants aiment tellement cet endroit qu’ils ne le quittent jamais», avant d’ajouter «car ils n’en ont pas l’autorisation», enchaînant avec des plans montrant des soldats israéliens.

Comme l’a relevé le site Buzzfeed, la vidéo – dont l’authenticité a été confirmée par l’attaché de presse de l’artiste – montre également les pérégrinations de Banksy (jamais montré clairement à l’image) à travers les tunnels connectant Gaza à l’Egypte. Sur son site, l’artiste a notamment publié la photo d’un chat peint sur les restes d’un mur (cf photo d’illustration principale de cet article), avec pour légende : «Un habitant est venu me voir et m’a dit « s’il vous plaît, qu’est-ce que ça veut dire ? » Je lui ai expliqué que je voulais souligner la destruction de Gaza en publiant des photos sur mon site, mais que les gens sur Internet ne regardent que des photos de chatons.»

Jamais à court d’humour noir, Banksy a également publié la photo ci-dessous, accompagnée de ce texte : «Gaza est souvent décrit comme « la plus grande prison à ciel ouvert du monde » car personne n’a le droit d’y entrer ou d’en sortir. C’est toutefois assez injuste pour les prisons : elles, au moins, n’ont pas l’électricité ou l’eau potable coupées sans raison pratiquement tous les jours.»

La conclusion de sa vidéo et du diaporama présent sur son site vise clairement à mobiliser l’opinion internationale : «Si on se lave les mains d’un conflit entre puissants et faibles, on se rallie aux puissants. On ne reste pas neutre.»

Alexandre HERVAUD

 

[l’article sur le site de Libération….]

https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2015/03/banksy-gaza.jpg 527 750 ICAM https://www.icamge.ch/wp-content/uploads/2014/07/olivier-icam-short-300x145.png ICAM2015-03-01 05:26:472021-04-12 10:28:13Gaza sous les bombes de Banksy
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