Les Hiéroglyphes en 12 leçons / Amandine Marshall

« Eurêka ! » s’exclamait Champollion, le 14 septembre 1822, après avoir percé le mystère des hiéroglyphes grâce à la pierre de Rosette. Ces dessins, étranges et harmonieux, ont le don de nous fasciner encore aujourd’hui. Voici un guide efficace pour comprendre le système d’écriture hiéroglyphique et apprendre à déchiffrer dans les musées ou sur site des noms de dieux ou de pharaons. Grâce à des explications claires, des leçons accessibles au plus grand nombre ainsi que des exercices ludiques pour tester vos connaissances, partez, vous aussi, à la découverte de l’une des plus anciennes écritures du monde !

 

Prix : 9chf

« Wesh », un mot d’argot français multi-usage venu de l’arabe algérien

Dans l’émission d’Europe 1 « Historiquement vôtre », Stéphane Bern se penche sur les racines d’une expression du quotidien. Mardi, il s’intéresse pour nous à l’origine de l’interjection « wesh », un mot de l’argot français, entré dans le dictionnaire du Petit Robert, qui est un adverbe interrogatif en arabe algérien.
Stéphane Bern propose chaque jour, dans Historiquement vôtre avec Matthieu Noël, de partir à la découverte de ces expressions que l’on utilise au quotidien sans forcément connaître leur origine. Mardi, l’animateur nous explique les racines du mot « wesh », entré aujourd’hui dans l’argot français courant. Cette interjection, issue de la culture hip-hop, prend racine dans l’arabe algérien.

Wesh ! En voilà une expression très populaire dont on se demande rarement d’où elle vient. « Wesh » est un mot issu de la culture hip hop, aujourd’hui entré dans l’argot français. Dans notre langue, ses usages sont multiples. C’est pourtant un mot très précis dans sa langue d’origine. Car « wesh » est en fait un adverbe interrogatif qui nous vient de l’arabe algérien. On dit ainsi « Wesh kayn ? » pour dire « Qui y a-t-il ? » et « Wesh rak » pour dire « Comment vas-tu ? ».

C’est la culture hip hop française qui va l’utiliser à tout-va dans les années 1990. En 2009, c’est la consécration : « wesh » entre dans le dictionnaire du petit Robert. Conséquence non négligeable, l’interjection devient autorisée au jeu du Scrabble, où elle vaut 18 points. Ce qui n’est pas rien.

Un sens différent en Algérie et au Maroc
Paradoxalement, ce n’est qu’une fois largement employé en Algérie et en France que le terme « wesh » prend son essor au Maroc, avec un sens différent. En Algérien il est plutôt l’équivalent de « est-ce que », alors qu’en arabe marocain, il correspond davantage à « qu’est-ce que ». Ainsi, « Wesh kliti ? » signifie en Algérie « Est-ce que tu as mangé ? » et au Maroc « Qu’est ce que tu as mangé ? ».

Ce qui frappe en français, c’est la richesse de l’utilisation de « wesh ». Pour parler d’un amateur de culture urbaine, certains diront « un wesh wesh ». D’autres s’en serviront comme une interjection interpellative : « Wesh, pourquoi ?’. On le retrouve aussi comme un adjectif, parfois à usage péjoratif : « de la musique wesh wesh ». L’adverbe interrogatif algérien est donc devenu, en traversant la Méditerranée, à la fois adverbe, substantif et interjection.

Europe 1
Par Stéphane Bern, édité par Alexis Patri

 

Retrouvez l’article original sur le site d’Europe 1

Le prix Phénix 2020 à Ahmad Beydoun avec mention spéciale à Dima Abdallah

Orient le Jour

Le prix Phénix de littérature 2020 a été attribué à l’écrivain et sociologue Ahmad Beydoun pour son ouvrage Libérations arabes en souffrance paru aux éditions Actes Sud/L’Orient des livres. Une mention spéciale a été également attribuée à Dima Abdallah pour son roman Mauvaises herbes paru chez Sabine Wespieser.

Né à Bint Jbeil en 1943, Ahmad Beydoun est l’auteur de plus de vingt ouvrages en arabe et en français. « Ses livres portent en majeure partie sur les problèmes de la société et du système politique du Liban, ainsi que sur différents aspects de la culture et de la langue arabes, indique le communiqué du prix Phénix. Libérations arabes en souffrance réunit dix textes dont la production s’est étalée sur plus de trente ans et qui confrontent les cadres de vie imposés par la modernité à l’arsenal de dogmes et de traditions toujours vivaces dans l’espace arabe. Ils tentent de voir dans quelle mesure raidissements et compromis apportent des réponses viables aux défis concrets du présent. Sont ainsi interrogées la langue arabe, l’allégeance communautaire et l’image du corps en islam, autant que l’émergence de l’individualité et de l’esprit critique… » Côté littérature, il a publié un recueil de poèmes et pratiqué le récit de voyage et le scénario.

Quant à Dima Abdallah, elle est née au Liban en 1977 et vit à Paris depuis 1989. Elle est traductrice de littérature et poésie arabe et détient un DEA en archéologie du Moyen-Orient de la Sorbonne. Très remarqué, Mauvaises herbes, son premier roman, exhume les souvenirs marqués au fer rouge d’une enfant de la guerre contrainte à l’exil. Devenue femme, elle décide de se raconter…

Pour rappel, le prix Phénix de littérature est attribué chaque année, depuis sa création en 1996, à une œuvre littéraire écrite en français par un Libanais, ou par un écrivain francophone et ayant trait au Liban. Ce prix, décerné par un jury composé d’écrivains et de journalistes libanais et français, a déjà récompensé d’importants essayistes comme Ghassan Salamé, Georges Corm, Samir Kassir, Samir Frangié, May Chidiac ou Henry Laurens, et des romanciers de talent comme Wajdi Mouawad, Charif Majdalani, Dominique Eddé, Ramy Zein, Georgia Makhlouf ou Carole Dagher pour ne citer qu’eux.

Retrouver l’article original dans L’Orient le Jour

Nabil Wakim : « Oui, c’est possible d’être Français et Arabe, d’être pleinement Français et pleinement Arabe ! »

 La Tribune Afrique  |  

Journaliste au quotidien «Le Monde», auteur et Français d’origines libanaises, Nabil Wakim publie chez le Seuil «L’arabe pour tous: pourquoi ma langue est taboue en France». Une somme de réflexions et de témoignages sur la langue arabe dans une France multiple, un décryptage de la crise identitaire des communautés d’origines arabes, mais surtout «un plaidoyer pour que la langue arabe trouve enfin sa juste place dans l’histoire de France».

La Tribune Afrique – Votre ouvrage L’arabe pour tous a connu un écho important depuis sa sortie, malgré une actualité marquée par la pandémie et la résurgence du terrorisme. Est-ce à dire que vous avez touché un « fait de société » particulièrement important dans le contexte français actuel ?

Nabil Wakim – Je l’espère. Ce qui me ravit depuis la sortie du livre, c’est que je reçois beaucoup de courrier, beaucoup de mails d’enfants d’immigrés -pas seulement ceux qui parlent arabe, mais également des turcophones, des enfants d’immigrés italiens, polonais, etc.- qui me racontent leur rapport à la langue et qui me disent pour certains que c’est un sujet dont ils n’ont jamais vraiment parlé. Et c’est aussi pour cela que j’avais envie de faire ce livre. En plaisantant parfois, je dis que c’est un « coming out » d’arabe, une manière de dire à mon entourage, à mon lieu de travail -le journal Le Monde– qu’en fait l’arabe fait partie de mon identité tout en étant Français. Si ce livre peut donc servir en aidant certains à appuyer ces réflexions sur les identités multiples, c’est tant mieux !

Dans l’entame du livre, vous dites dans un raccourci saisissant que vous connaissez mieux « la langue de la SNCF que l’arabe libanais » quand vous évoquez votre rencontre fortuite avec un couple de Libanais dans le train. Au-delà du sujet principal qui est la place de l’arabe dans la société française, est-ce que le langage « mondialisé », technique, a également pris l’avantage sur la langue telle que vous l’aimez et la décrivez avec passion dans l’ouvrage ? N’y a-t-il pas une NOVLANGUE qui s’impose désormais à tous, faite d’expressions anglaise et technique, et parfois d’arabe lorsqu’il s’agit de faire comme dans les cités ?

Je crois que vous avez raison. Il y a au niveau mondial une compétition pour les langues. Effectivement, c’est un vrai sujet. Personnellement, j’étais initialement intéressé par le fait de travailler sur la place de l’arabe en France. Mais au fil des recherches, je me suis rendu compte que toutes les langues vivantes en France sont en difficulté, par extension au niveau mondial. Il y a effectivement un sujet de défense des différentes langues, non pas comme un patrimoine fermé qu’il faudrait absolument conserver, ne jamais faire évoluer, mais plutôt parce que ces richesses et patrimoines doivent exister de manière importante. Et en regardant au niveau mondial, on voit bien par exemple que la langue arabe est beaucoup moins présente sur Internet que le nombre de locuteurs de cette langue. Plusieurs raisons expliquent ce fait, mais je crois que cela devrait être un réel sujet de préoccupation pour qu’à titre d’exemple Wikipedia en arabe soit enrichie, pour qu’un certain nombre d’applications ou de jeux soient traduits en arabe pour un public arabophone. Car, c’est aussi comme cela qu’on fait vivre la langue.

Toutes les langues vivent parce qu’elles sont employées par les gens. Effectivement il y a un risque qu’une certaine forme de globish, d’anglais un peu moyen, d’anglais des affaires qui soit maîtrisé par une grande partie de la population, mais qui fasse abstraction de la richesse de la diversité de ces langues. Car derrière les langues, il y a la diversité de cultures, la manière de vivre, des recettes de cuisine, des manières de s’aimer, de partager… et c’est cela la richesse des différentes cultures et des différentes identités.

Je crois qu’au contraire, il faut prôner le mélange. On ne fera pas vivre les langues en les regardant comme des langues mortes, fermées, qui ne doivent pas évoluer. La langue française, la langue arabe, les langues arabes sont bien sûr des langues qui évoluent, qui s’enrichissent les unes des autres, d’ailleurs si l’arabe est si différent entre le Liban, le Maroc et l’Irak, c’est parce qu’il y a des influences du berbère, de langues africaines, ailleurs il y a des influences du persan… Evidemment, il y a toujours des influences du français, de l’anglais et c’est une richesse. C’est-à-dire qu’il faut aussi comprendre que les langues ne sont pas figées, elles évoluent avec la société et je crois que c’est quelque chose dont il faut se féliciter.

D’ailleurs en France, le français est une langue enrichie. Un linguiste dit qu’en français, il y a plus de mots qui viennent de l’arabe que de mots qui viennent du gaulois. Et effectivement, le français est une langue qui, dans son histoire, s’est toujours enrichie de toutes les langues d’immigration.

Il y a un fil conducteur dans votre ouvrage, qui est la question de l’identité lorsque l’on parle arabe et de la relation à l’Islam. Vous dites « Après on s’étonne que les gens aient des troubles de l’identité. Moi, c’est clairement diagnostiqué comme une maladie de la langue », et encore un peu plus loin dans votre ouvrage, vous résumez ce paradoxe en écrivant que « La langue arabe pour les Arabes ce serait de la ghettoïsation, mais pour les autres une possibilité d’ouverture et de progrès social ». Est-on condamné, en tant qu’arabe de France, à devenir soit une caution, soit une caricature ?

Je pense que vous le résumez assez bien. Il y a ces deux travers qui peuvent exister : celui de dire si je parle arabe, je suis vu comme celui qui est souvent musulman, qui porte le foulard, qui est barbu, etc., je vais rentrer dans la case caricature. On va donc toujours me percevoir comme cela. Tout ce que je dirai, tout ce que je penserai, tout ce que je mangerai sera perçu à cette aune-là.

A l’inverse, le choix qui pourra être fait est celui de la parfaite intégration, c’est-à-dire je mets de côté l’arabe, ma culture, … parfois même je change de prénom. Je connais des Farid qui sont devenus des Frédéric parce qu’ils estimaient que c’était plus simple pour eux ou je donne à mes enfants des prénoms qui ne vont pas les handicaper dans leur parcours. Et personnellement, je juge que d’une certaine manière, les gens font comme ils peuvent et essaient de se débrouiller avec ce qu’ils ont comme arme.

Simplement, je crois que le sujet est de sortir de cette vision un peu binaire et de dire : oui, c’est possible d’être Français et Arabe, d’être pleinement français et pleinement arabe, d’assumer le fait d’aimer le reblochon et makroud, et de rendre cela complémentaire. C’est un processus dans lequel on voit aussi ce qu’il y a de beau dans les différentes cultures.

Personnellement, dans mon enfance ou mon adolescence, j’avais du mal à voir ce que la culture libanaise – et par extension la culture arabe – avait à m’apporter, parce que je n’en avais pas une vision positive. Je crois donc qu’il y a aussi d’une certaine manière une bataille culturelle. Non pas de faire la promotion de la langue arabe comme une langue qui serait supérieure aux autres ou qui serait plus importante, mais plutôt faire la promotion des cultures arabes comme des cultures qui sont riches, qui ont une histoire. Et cela passe évidemment par le cinéma, la musique, la littérature, les rencontres,… Un professeur dans le livre me raconte par exemple que lorsqu’il emmène des élèves issus de l’immigration maghrébine à l’Institut du monde arabe, ils découvrent que les Arabes ont une histoire beaucoup plus riche que ce qu’on leur a toujours raconté. Et certains parfois en sont même très bouleversés. Je crois que c’est aussi ce fil-là qu’il faut retisser et pas justement sombrer dans les caricatures où il y aurait certaines cases réservées aux Arabes mal intégrés. Certaines cases réservées aux Arabes bien intégrés. La réalité de la société française est beaucoup plus complexe que cela. Et heureusement d’ailleurs.

Votre livre, c’est aussi « une certaine histoire de France » contemporaine, où l’on voit la montée en puissance des extrêmes et d’une petite musique qui l’accompagne. Vous décrivez notamment votre participation aux manifestations contre les lois Debré, qui acte votre passage de lycéen à Citoyen. Est-ce que ce militantisme a également forgé votre « signature » en tant que journaliste ? Comment réussit-on à garder la nécessaire distance du journaliste lorsque l’on a été pétri par ces convictions ?

Je crois que le débat entre l’honnêteté et l’objectivité est une question importante pour beaucoup de journalistes. Comment arriver à bien faire son métier tout en ayant des convictions. Moi, quand j’ai commencé à être journaliste j’ai arrêté tout engagement de type militant, associatif comme je pouvais en avoir avant, simplement parce que je pense que ce n’est pas compatible au quotidien de faire les deux. Après je crois que c’est plutôt une question de pratique journalistique. Ce livre a été pour moi une expérience d’un genre nouveau. Au Monde où je travaille, il y a des règles très claires sur ce qu’on doit faire en tant que journaliste : donner la parole à tout le monde, s’assurer que tous les points de vue sont bien représentés… D’une certaine manière, on doit souvent s’efforcer en tant que journaliste de penser contre soi-même, donner la parole à des gens avec qui on n’est pas d’accord, comme pour essayer d’avoir la meilleure compréhension possible, donner les clés de compréhension aux lecteurs qui, à leur tour, ont leurs propres avis.

Le travail que je fais dans le livre est un peu d’ordre différent puisque dans ce livre je ne prétends pas à une objectivité ou même à une universalité. C’est un travail personnel dans lequel je raconte mon parcours personnel et j’essaie de tisser des liens entre mon rapport à la langue arabe et ces questions qui traversent la société française. Evidemment, quand on est journaliste, on a des convictions. La question est de savoir : de manière pratique quand on a son travail au quotidien, comment fait-on pour ne pas laisser nos convictions nous aveugler dans les choix qu’on fait.Le fait d’avoir des collègues, des relecteurs, aide. Au Monde, je travaille au service Economie où il y a 15 nuances de comment devrait être l’économie française. Tous les jours, on en débat et heureusement que ce n’est pas figé.

Vous êtes, sans nécessairement l’avoir recherché, un symbole d’une intégration plutôt réussie, CELSA, professeur à l’école de journalisme de Sciences Po, rédacteur en chef au Monde, puis directeur de l’innovation éditoriale, avant de traiter des sujets d’énergie. L’on vous voit notamment dans le reportage « Les gens du Monde », dans une rédaction finalement assez homogène et pas très « multiculturelle ». Est-ce que parler de l’Arabe et de sa promotion en tant que langue en France doit nécessairement être fait après avoir pris une « citadelle » telle que ce grand quotidien ? Est-ce que les immigrés doivent absolument prendre l’ascenseur social avant d’avoir une voix ?

C’est une très bonne question et je pense que cela fait partie des facteurs qui m’ont motivé à écrire le livre. Au début, je me suis dit que j’ai ce problème avec l’arabe parce que je suis Libanais -bien sûr c’est différent du Maghreb – les Arabes sont toujours persuadés qu’ils sont différents les uns des autres -, je suis d’une famille chrétienne, donc quoi qu’il en soit, c’est différent des musulmans, j’ai fait des études supérieures, cela n’a donc rien à voir avec les gens qui ont grandi en banlieue,…

Au fur et à mesure des rencontres, je me suis rendu compte que tout cela n’était pas vrai. C’est-à-dire que quel que soit notre situation en France, quel que soit le pays arabe d’où viennent nos parents,… A un moment donné, on est quand même effectivement perçu comme un Arabe. C’est-à-dire que quelles que soient les différences que nous pouvons connaitre ou percevoir, dans le regard de beaucoup de gens en France, le fait que je m’appelle Nabil, je m’appellerais Mohamed et je serais Marocain ou Egyptien, pour eux ce serait pareil. Ils n’en ont rien à faire que je sois Libanais et de famille chrétienne …

C’est vraiment important. Il y a ce sujet de la perception qui est important et qui subsiste. Cela ne veut pas dire que tous les Français sont racistes, cela ne veut pas dire que les Français n’aiment pas les Arabes. Mais la langue arabe et les Arabes en général sont quand même associés à des stéréotypes et amalgames négatifs. Bien sûr, cela remonte historiquement à la colonisation, la guerre d’Algérie,… Mais, c’est devenu encore plus fort avec les attentats terroristes. Tout cela existe en toile de fond. Personnellement, je n’évolue pas dans un environnement raciste où on m’aurait dit toutes les minutes : « Ne laissez pas entrer Nabil parce qu’il est Arabe ». C’est plutôt que cela existe dans les référentiels culturels des gens.

D’une certaine manière, il y là-dedans le sentiment pour les Arabes qu’il faut en faire deux fois plus que les autres pour avoir le droit de s’exprimer. C’est pour cela que dans ce livre je vais rencontrer d’anciennes ministres comme Najat Vallaud-Belkacem ou Myriam El Khomri, des journalistes reconnus, des chanteurs ou des metteurs en scène célèbres. Je trouvais intéressant aussi de voir le parcours de ces gens qui sont considérés comme des réussites sociales et professionnelles, mais qui, en fait, sont quand même tiraillés par cette question. La sociologue Kaoutar Harchi me le dit dans le livre : il y a une forme de mensonge originel auquel on a cru inconsciemment, c’est-à-dire l’idée que si on faisait tout comme les Français blancs, on ne verrait plus les couleurs. On aurait les mêmes droits, les mêmes accès que tout le monde, etc.

Je pense personnellement avoir été bercé de cela. J’ai grandi en France dans cette idée très républicaine que si on joue le jeu, tout le monde a accès à la même chose, etc. Evidemment, il y a d’autres considérations qui rentrent en ligne de compte comme les origines sociales, etc.

Mais, je crois qu’il est important de se rendre compte aussi qu’à un moment donné, il est plus légitime de s’exprimer -c’est vrai- quand on est considéré comme ayant déjà fait une forme de parcours social reconnu.

Inconsciemment, je n’ai jamais voulu m’intéresser aux sujets liés à l’immigration dans le cadre de mon travail journalistique. Quand je suis arrivé au Monde en 2005 par exemple, il y avait des émeutes en banlieue. Tout le monde s’est tourné vers moi parce qu’effectivement j’avais une tête d’arabe et il n’y en a pas beaucoup dans cette rédaction. Mais je n’ai pas grandi en banlieue, je n’avais donc pas spécialement envie de le faire. Je pense que sans y avoir réfléchi, je n’avais pas envie d’être automatiquement associé à ce type de sujets parce que je m’appelle Nabil. Je crois qu’il y a besoin d’avoir une réflexion sur la manière avec laquelle on crée des espaces. Et c’est plus une question pour les générations plus jeunes, qui sont nées en France et qui sont parfois de troisième, de quatrième génération issue de l’immigration, qui ont un rapport souvent lointain avec leurs pays d’origine, qui sont super français et qui ne veulent pas s’embarrasser du fait de devoir être le bon immigré, le bon Arabe. Ils veulent être Français comme les autres et je pense que d’une certaine manière, ils ont raison.

Je place beaucoup d’espoir dans les générations plus jeunes parce que je trouve qu’ils s’embarrassent moins de ces questions ou de manière moins complexe.

Votre ouvrage est, d’une certaine manière, un antidote aux théories du « grand remplacement », mettant en évidence la faiblesse de l’enseignement de l’arabe dans l’éducation nationale française, où il est par exemple supplanté par la Russe, alors que les communautés arabophones et russophones ont un rapport de 1 à 20 en termes de taille. Vous affirmez notamment que « La France s’est construite par la langue française, par un nationalisme de la langue » et qu’il existe encore un « fantasme de l’invasion barbare ». Avec moins de 14 000 élèves qui apprennent l’arabe, est-ce que la France n’est malgré tout pas guérie de son syndrome de Poitiers ? S’agit-il toujours de bouter les Arabes hors de la fille ainée de l’église, ou au mieux de les assimiler par le langage ?

Je pense qu’il existe deux aspects. Le premier c’est que la France s’est construite autour de la langue française, alors que d’autres langues allaient être interdites comme le breton, l’alsacien, ou encore l’occitan. Il existe effectivement un monolinguisme très français. Le second aspect c’est ce rapport très curieux que la France entretient avec la langue arabe. Je pense que ce n’est pas forcément un syndrome de Poitiers : entre les deux, il y des moments d’amour et des moments de haine, des moments de collaboration et des moments de rejet. Depuis François 1er, l’apprentissage de l’arabe est instauré, avec des chaires prestigieuses d’apprentissage de l’arabe, une école arabisante, une école française d’Orient,…

Dans le même ordre d’idée, vous identifiez le paradoxe qui veut que l’arabe soit mal aimé dans le secondaire et peu enseigné, mais devient précieux dans le supérieur, et notamment dans les établissements d’élite, où il est majoritairement enseigné à des Français non issus de l’immigration, qui deviendront souvent diplomates, militaires, ou hauts cadres dans des multinationales. Comment s’est organisé selon vous ce schisme, cette rupture ?

On peut effectivement évoquer cette dimension orientaliste lorsqu’il s’agit d’apprendre l’arabe comme une langue rare qui aide à accéder à d’autres cultures, à une universalité plus large et qui offre des opportunités professionnelles. Sauf que cela peut être vrai quand on est étranger à la langue arabe de naissance. Mais quand on est soi-même issu d’une famille arabe, il y a un risque que l’apprentissage de langue arabe soit rattaché à un besoin quasiment communautaire, comme si l’on refusait de s’extraire de son origine. Cela est vu comme étant un problème d’origine ethnique, ce qui en fait est totalement faux […] Je pense qu’il y a cette idée selon laquelle l’arabe appris par des Arabes enfants d’immigrés serait une forme de piège, d’assignation à résidence. C’est comme si ces personnes ne voulaient pas évoluer. Et là, on retrouve une vision profondément xénophobe qui définirait les Arabes comme repliés sur eux-mêmes, conservateurs… C’est ce genre de préjugés qu’il faudrait changer en France.

Vous citez l’historienne Mona Ozouf, qui raconte que pour sa grand-mère bretonne « le Français est la langue de l’ascension sociale, celle avec laquelle les enfants auront moins de mal ». Vous citez également une enseignante qui dit que l’Allemand est vu comme la langue de l’élite et l’arabe comme la langue de l’échec, voire du passé. L’arabe est-il selon vous un frein à l’ascension sociale en France ? Si oui, est-ce à mettre en relation avec sa juxtaposition avec l’Islam ?

Je pense qu’il est important de rappeler que, consciemment ou inconsciemment, beaucoup de familles originaires du Maghreb et du Proche-Orient n’insistent pas pour que leurs enfants apprennent l’arabe. Elles se disent : « Cela ne va pas être une bonne trajectoire pour eux ». Et ce constat est toujours d’actualité. L’allemand, à mon sens, est favorisé, mais pas tant comme langue, mais parce qu’une certaine perception voudrait que ceux qui optent pour l’apprentissage de l’allemand soient dans de meilleures classes. Plusieurs études en sociologie reviennent d’ailleurs sur cette question en révélant que des familles arabophones essayent de placer leurs enfants dans des classes d’apprentissage de l’allemand, en pensant qu’« au moins, il va être avec les bons élèves et effectuer un bon parcours scolaire ! ». Je crois que ce sont des idées qu’il faudrait déconstruire, avec un accompagnement pédagogique auprès de ces familles.

Vous évoquez, avec beaucoup de détails, vos racines libanaises, et cette blessure de ne pas parler correctement l’arabe malgré des efforts substantiels, où encore cet été passé au Liban enfermé dans votre chambre à lire. Vous dites « Je vis encore avec l’idée que j’ai l’arabe coincé quelque part, qu’il est à portée de main : est-ce qu’il n’y a pas de bouton à activer pour que ma langue maternelle revienne ? ». Comment expliquez-vous que la communauté libanaise d’Afrique de l’Ouest, pourtant située dans une zone francophone, a majoritairement conservé l’usage de l’arabe, bien qu’étant également une minorité ?

A vrai dire je connais très mal l’Afrique de l’Ouest, donc je ne peux que formuler des hypothèses. Sur la question de la transmission des langues, je pense qu’il y existe une sorte de hiérarchie sociale de ces dernières. Autrement dit, les langues valent ce que valent ceux qui les parlent. En France, les immigrés issus du monde arabe sont souvent mal considérés et ont longtemps occupé des postes en bas de l’échelle sociale. Leur langue n’a pas beaucoup de valeur. Alors peut-être dans certains pays, les Arabes et notamment les Libanais, souvent des commerçants et donc au milieu de la pyramide sociale, maintiennent vivante leur langue, surtout lorsqu’il existe une organisation communautaire qui y participe.

 

Retrouvez l’article original sur Tribune Afrique

« Paroles de lecteurs » – Oui, la langue arabe est une chance pour la France – Le Monde

« Pour la première fois, au plus haut niveau de l’Etat, la question de l’enseignement de l’arabe en France est évoquée avec précision, se félicite Pierre-Louis Reymond, professeur et agrégé de langue et civilisation arabes. […] Il est urgent d’insister sur le lien indissoluble qui nous relie au monde, à la langue et à la culture arabes. »

 

Vendredi 4 décembre, le président de la République s’est adressé aux jeunes pendant plus de deux heures sur le média en ligne Brut pour évoquer de nombreux sujets brûlants de l’actualité. Au détour d’une évocation de l’assassinat tragique de Samuel Paty, de l’islam et de la liberté d’expression, une intervenante est revenue sur la nécessité d’enseigner l’arabe en France, question lancinante, récurrente, constamment soulevée, peu suivie d’effets, et surtout connectée, par ignorance des enjeux cruciaux qu’elle pose, à des surenchères idéologiques qui obstruent la sérénité du débat.

Pour la première fois, au plus haut niveau de l’Etat, la question de l’enseignement de l’arabe en France est évoquée avec précision dans un entretien sur un média considéré comme à haute valeur ajoutée par les 18-40 ans, dans un souci de clarté pédagogique d’autant plus louable qu’il fait le lien fondamental entre culture, société et actualité. C’est suffisamment rare pour être souligné. Oui, la langue arabe est une chance pour la France, un trésor de France, explique Jacques Lang dans le récent ouvrage qu’il lui a consacré (La langue arabe, trésor de France, Le Cherche Midi, 2020).

J’ajouterai que la langue arabe est une part de notre humanisme. Il n’est, pour s’en convaincre, que de citer Rabelais, précisément la lettre que destine à Pantagruel son père Gargantua […] : « J’entends et veux que tu apprennes les langues parfaitement : premièrement la Grecque, comme le veut Quintilien, secondement la Latine, et puis l’Hébraïque pour les Saintes Lettres, et la Chaldaïque et Arabique pareillement. »

Que le président de la République ait fait mention, et avec insistance, de ce besoin des familles locutrices de l’arabe – dialectal, parfois aussi littéraire – de cultiver une langue et une culture consubstantielles à leurs racines constitue une avancée certaine sur cette question cruciale de la place de la langue et du monde arabes dans l’identité culturelle de la France. Le minimiser, c’est renoncer à une part de nous-mêmes, enfants de la République, c’est-à-dire soucieux de la diffusion d’un savoir… brut qui fasse triompher la puissance d’analyse de la raison sur les impasses passionnelles de l’obscurantisme et des idéologies mortifères.

Familles locutrices de l’arabe oui, mais aussi, ne l’oublions pas, toute personne désireuse d’apprendre l’arabe, démarche résultant bien souvent d’une analyse objective des enjeux du monde contemporain, laquelle fait apparaître la maîtrise de la langue arabe comme un atout majeur, notamment et de manière non exhaustive, dans les domaines journalistique, entrepreneurial, diplomatique mais aussi cinématographique et musical.

Face aux pétitions de principes, aux manipulations discursives, aux tentatives tous azimuts de s’en prendre à ce qui fait la France, il est urgent d’insister sur le lien indissoluble qui nous relie au monde, à la langue et à la culture arabes.

Commençons par le commencement : la langue, justement ; notre langue française, combien de termes empruntés à l’arabe ne cessons-nous d’utiliser dans notre quotidien ! Continuons avec notre patrimoine universel : combien de familles n’auront-elles pas songé en ces fêtes de Noël à offrir une fois de plus les contes des Mille et une Nuits ! Poursuivons : combien de visiteurs de Paris, la plus belle ville du monde aux dires de beaucoup, n’auront-ils pas prévu de placer l’Institut du monde arabe aux tout premiers rangs de la programmation des visites envisagées ?

Mais parlons à nouveau fondements, fondements d’une culture partagée en humanités : comment continuer à méconnaître les enjeux du Discours décisif d’Averroës, que l’on commence tout juste à aborder en classe de Terminale ? Comment oublier l’œuvre volumineuse de Louis Massignon consacrée à al-Hallaj, l’un des plus grands mystiques de la pensée musulmane ? Comment ne pas se rappeler que la traduction du Coran de Régis Blachère, naguère professeur à la Sorbonne, si abondamment glosée, annotée, expliquée par l’auteur lui-même constitue une référence majeure pour l’étude de la civilisation arabo-musulmane ?

Comment faire l’impasse sur la Renaissance arabe des lettres et des arts, initiée au XIXe siècle et poursuivie durant la première moitié du XXe, au cours de laquelle les intellectuels arabes ont été à l’avant-garde d’un projet laïc qui a notamment donné naissance au développement d’un mouvement de modernisation de la langue arabe, lequel a engendré la création de la première académie de langue arabe, la naissance du mouvement nationaliste arabe, mais aussi d’une presse foisonnante dont la liberté d’expression quasiment inégalée a fait date ?

Alors oui, en matière de communication sur la langue, le monde et la culture arabes, soyons « bruts », ne nous laissons pas confisquer notre humanisme, fondement de notre identité plurielle, par l’hydre idéologique sur laquelle prospère une volonté de puissance destructrice si bien servie par l’ignorance coupable.

Pierre-Louis Reymond, Lyon

Retrouver l’article original dans

Philippe Hitti, l’historien libano-américain à qui la culture arabe doit tant

Si la langue et la culture arabes se sont développées au sein des universités américaines, c’est surtout grâce à cet auteur, éditeur et professeur originaire de Chemlane, dans le caza de Aley.

OLJ / Par Pauline Mouhanna Karroum, Washington DC, le 16 novembre 2020.

« Entre 850 et 1150, durant plus de 300 ans, les Arabes ont été le peuple le plus cultivé au monde. » Cette phrase que l’historien Philippe Hitti prononce dans un entretien en 1971* est significative de la fierté qu’il tirait de son appartenance, celle-là même qui a été au cœur de tout son travail. Hitti a dédié sa vie, ses études, ses recherches et ses livres aux Arabes, faisant de son mieux pour expliquer aux Américains la richesse de leur patrimoine, leurs accomplissements dans les domaines de la littérature, de la science…

Philippe Hitti, originaire de Chemlane (Aley) où il voit le jour en 1886, obtient un diplôme d’histoire de l’Université américaine de Beyrouth en 1908. Il y enseigne durant cinq ans et se rend ensuite aux États-Unis pour poursuivre ses études au sein de la Colombia University à New York. En 1926, il y décroche haut la main son doctorat en études orientales. Il sera d’ailleurs le tout premier étudiant d’origine arabe à obtenir un tel diplôme aux États-Unis. Il retourne néanmoins au Liban et y enseigne jusqu’en 1926.

Cette année-là est importante dans son parcours pour deux raisons. D’une part, la prestigieuse Princeton University lui propose un poste de professeur titulaire : il accepte et y enseignera la littérature sémitique. D’autre part, la maison d’édition The Macmillan lui propose de rédiger un livre sur l’histoire des Arabes. Hitti croit à tort qu’au bout d’un an, le projet de rédaction de son manuscrit sera achevé. Or ce n’est que dix ans plus tard, en 1937, que paraît son célèbre ouvrage History of Arabs. Avec humour, il raconte dans une interview comment les maisons d’édition ne comptaient imprimer qu’une centaine de copies de son livre. Elles s’étaient bien trompées puisque depuis l’année de sa publication cet ouvrage s’écoule tous les ans à des milliers d’exemplaires.

Au-delà du nombre de copies vendues, l’importance de ce livre provient du fait qu’il avait une valeur intellectuelle inégalée pour l’époque. Hitti ne s’arrête pas là et gravit les échelons au sein de la Princeton University, y créant un département d’études sur le Moyen-Orient, avec un focus particulier sur le monde arabe et l’islam. Établir un tel centre, le premier du genre aux États-Unis, a été particulièrement difficile. C’est ce que l’historien raconte dans son entretien en 1971.

« Très tôt, j’ai senti qu’il existe un besoin de développer et d’institutionnaliser les études sur l’islam et les Arabes aux États-Unis. Mais je prêchais dans le désert puisque personne ne considérait que cela était utile. On me répondait souvent que ce projet n’avait aucun sens. Et je leur répliquais qu’il y a 500 millions de musulmans dans le monde (à l’époque), et 100 millions de personnes qui parlent l’arabe, arguant qu’ils ont besoin de les comprendre et de communiquer avec eux. » Hitti s’est battu et avec persistance pour que cette vision américaine du monde arabe change.

Redécouvrir un legs remarquable

Dans l’introduction d’une des éditions du livre The Arabs : A Short History (publié à l’origine par Philippe Hitti en 1949), il est souligné à juste titre que c’est grâce au long engagement de l’historien que d’autres départements portant sur le Moyen-Orient ont pu voir le jour dans diverses universités. C’est grâce à lui que des professeurs, des chercheurs et surtout des étudiants ont manifesté un intérêt envers la langue arabe et son rayonnement dans le monde. Et ce sont justement les étudiants qui ont le plus marqué Philippe Hitti. En 1954, quand il a pris sa retraite de Princeton University, c’est le contact humain et le rapport qu’il a établi avec eux qui lui ont le plus manqué. « Mes étudiants sont une partie de ma vie. Ils posent des questions intéressantes, me défient », a-t-il écrit.

Le 28 décembre 1978, le professeur s’éteint. Cependant, son parcours et son mérite ne sont pas tombés aux oubliettes. Il a ouvert la voie aux études ethniques non conformistes et leur a permis d’exister et de se développer aux États-Unis. Aujourd’hui, alors que ce pays s’interroge sur son identité et sur la coexistence de ses différentes composantes, il est plus que jamais nécessaire de redécouvrir le legs de Philippe Hitti.

* https ://archive.aramcoworld.com/issue/197104/a.talk.with.philip.hitti.htm

 

L’ICESCO lance son prix « Bayan » pour l’expression orale en langue arabe

L’Organisation du Monde islamique pour l’Education, les Sciences et la Culture (ICESCO) a annoncé le lancement de son prix « Bayan » pour l’expression orale en langue arabe, parmi les initiatives du centre de l’ICESCO de langue arabe pour les non arabophones, et ce dans le cadre du « Foyer numérique de l’ICESCO ».

Le prix sera attribué à trois lauréats des différentes catégories d’âge des étudiants, à savoir : les enfants, les filles et garçons ainsi que les jeunes, qui recevront respectivement 1000 $US, 1500$US et 2000 $US, indique l’ICESCO sur son site électronique, ajoutant que ce prix vise à encourager la créativité et la production en langue arabe chez les étudiants pendant le confinement, à mettre en valeur le caractère mondial de la langue arabe, à soutenir la continuité du processus d’apprentissage, à assurer la complémentarité entre les aspects éducatif et culturel, et à stimuler le développement personnel des compétences linguistiques à travers l’écriture créative et l’expression orale.

En ce qui concerne le domaine de la compétition, il s’agira d’une expression orale à réaliser par l’étudiant, à travers une courte vidéo basée sur un texte qu’il (elle) aura rédigé en langue arabe classique (poésie, prose/article, ou nouvelle). Les candidatures doivent porter sur les thèmes suivants : l’apprentissage à distance, la famille pendant le confinement, l’hygiène et la santé, la nécessité est mère de l’invention, la solidarité en situation d’urgence, quel monde post-corona, profiter du temps pendant la fermeture, et la communication en temps de distanciation, souligne la même source

Pour être candidat à ce prix, l’étudiant doit d’abord être issu d’un pays non arabe et la langue arabe ne devant pas être sa langue native, précise la même source, notant que la candidature s’effectue par le biais de l’établissement éducatif où l’étudiant poursuit ses études.

L’établissement éducatif ne soumet qu’une seule œuvre distinguée dans chaque catégorie et les candidatures soumises par les Etats membres doivent être envoyées à travers les commissions nationales et parties compétentes et aussi la vidéo ne doit pas dépasser 3 minutes pour la catégorie des enfants, 4 minutes pour la catégorie des garçons et filles, et 5 minutes pour la catégorie des jeunes.

Les candidatures doivent être envoyées à l’ICESCO avant le 15 juin 2020 à l’adresse électronique: bayanaward@icesco.org.

Les multiples parcours de la langue arabe

DOSSIER

Les multiples parcours de la langue arabe

Ce dossier sur la langue arabe a été réalisé dans le cadre des activités du réseau Médias indépendants sur le monde arabe, une coopération régionale qui rassemble Orient XXI et des sites indépendants du monde arabe.
Orient XXI publiera un article par jour durant la semaine du 28 octobre au 2 novembre.
© Dalal Mitwally

Quel regard peut-on porter aujourd’hui sur cette langue ancienne de la famille sémitique, attestée dès le début de l’ère chrétienne? Langue de la poésie considérée comme un art majeur dans l’Arabie pré-islamique? Langue du Coran dont le texte sacré a fixé les règles de grammaire et amorcé une présence planétaire? Langue de l’administration, héritée de l’empire omeyyade né en Syrie, ou plutôt héritage glorieux de l’empire abbasside qui en a fait un vecteur de science et de philosophie, parallèlement à la littérature raffinée de «l’honnête homme» et celle du «miroir des princes»? Demeure-t-elle objet de nostalgie pour le rôle de «passeur de culture» vers l’Europe qu’elle a pu jouer en Andalousie? Est-ce avant tout la langue de la presse du Proche-Orient, modernisée par la Nahda? Ou l’arme démagogique d’une arabisation à marche forcée dans les pays du Maghreb, dont le fond démographique est historiquement berbère? Est-ce tout bonnement l’une des langues les plus présentes sur Internet? Est-ce enfin une langue caractérisée — plus que d’autres — par sa diglossie, c’est-à-dire un dédoublement entre une variété dite haute, l’arabe officiel, dit «littéral», ou «standard», commun à tous, et la variété basse, celle des divers idiomes parlés au quotidien dans chaque pays arabe? Est-elle simplement un outil de communication comme un autre dont peuvent se saisir des Français en Europe ou des immigrés asiatiques et africains dans les pays arabes?

Les articles qui suivent apportent des regards multiples, parfois contradictoires, sur une réalité foisonnante. Le débat n’en est que plus intéressant.

➞ La vidéo de Lamine Lassoued (Nawaat) évoque la légitimité de la langue parlée au quotidien en matière de production et de transmission du savoir, par rapport à la langue arabe écrite, officielle, dite savante. Cet idiome est présenté comme une langue à part entière, qualifiée d’«arabe tunisien», qui mériterait de recueillir la traduction d’œuvres étrangères. Elle serait la langue du peuple face à celle de l’élite, voire un marqueur de la lutte des classes. L’arabe littéral ne serait pas le seul réceptacle du patrimoine écrit; la langue des archives tunisiennes regorgerait elle-même de termes du «parler tunisien». Un seul intervenant parmi les cinq personnes interrogées estime que la langue arabe est le lien qui rattache la Tunisie aux pays arabes. La rejeter signifierait se couper de son environnement, comme du patrimoine commun. Pour lui, les partisans du «tout-dialecte» portent une idéologie qui est loin d’être innocente.

➞ «Nous sommes libres de nous exprimer en algérien» de Nabil Mansouri, de Maghreb Émergent va dans le même sens que le précédent, à savoir celui d’une valorisation de la langue parlée, tout en portant à l’extrême l’antagonisme avec la langue officielle. L’idiome algérien est ainsi investi du rôle d’expression de la «voix du peuple», par opposition à une langue qui serait celle du pouvoir, symbolisant l’oppression et la répression.

L’auteur s’appuie dans sa démonstration sur un incident survenu lors d’une manifestation populaire en Algérie où le manifestant interrogé par une journaliste d’une chaîne arabophone, Sky News Arabia, lance un slogan que la journaliste probablement levantine ne comprend pas : «Yetnahaw Gâa». Le manifestant se révolte contre l’exigence de la journaliste de parler plus clairement, «en arabe». L’expression a fait le buzz, et sa popularité est consacrée par une entrée dans Wikipedia. Dans un pays aux multiples facettes linguistiques, dont l’amazigh, le français, langue de l’imposant héritage de l’ère coloniale, et l’arabe, renforcé par la politique d’arabisation, le seul dénominateur commun, selon l’auteur, est l’idiome algérien, qui devrait retrouver ses lettres de noblesse, notamment dans l’enseignement.

➞ L’article de Chaker Jarrar, de 7iber, sur les différents accents de l’idiome jordanien montre que les choses sont souvent beaucoup plus complexes qu’il n’y paraît, et qu’une telle assignation du dialecte au rôle de «rebelle» populaire pourrait être illusoire. Son texte est une étude très fouillée, nourrie d’anecdotes savoureuses, des usages multiples d’un même dialecte. Son caractère sérieux n’empêche nullement une lecture agréable de ce que l’on pourrait intituler «tribulations d’un phonème devenu phénomène!» car il nous montre comment, selon l’ origine géographique d’une personne, son appartenance à une classe sociale, à la ruralité ou à la ville, au genre féminin ou masculin, à son choix de société, traditionnelle ou moderne, voire sa posture idéologique… ou même selon l’interlocuteur auquel elle s’adresse, le même mot sera prononcé différemment, avec d’importantes implications sociales.

L’intérêt de l’article ne s’arrête pas à l’étude sociolinguistique, très riche au demeurant. Il nous offre en même temps une sorte de panorama historique et géographique de la Jordanie.

➞ «Quand les travailleuses domestiques s’approprient les mots des maîtres» de Micheline Tobia (Mashallah News) nous rappelle à juste titre qu’un idiome peut être à la fois l’instrument d’une oppression et celui d’une libération, selon qu’il est utilisé par les maîtres, qui ont recours aux «insultes, ordres ou autres formes de violence verbale», ou qu’il est réinvesti par leurs domestiques dans le combat social qu’elles mènent pour la protection de leurs droits. L’apprentissage de l’idiome libanais représente une question de survie pour les Éthiopiennes, Sri-lankaises, ou Malgaches qui arrivent sur le marché du travail immigré. Parler l’idiome leur est d’abord imposé, pour pouvoir communiquer avec les maîtres. Il exprime ensuite un besoin de communiquer entre elles, en raison de leurs appartenances diverses, parfois au sein d’un même pays, comme Maya, qui nous rappelle l’existence de plus de 80 dialectes en Éthiopie. Besoin également de se défendre dans la rue contre le harcèlement. D’être autonome dans leurs déplacements. Voire de mieux faire parvenir aux médias leurs slogans dans les marches de protestations.

De même que la fonction du dialecte dépend de celui qui l’utilise, l’arabe littéral peut à son tour être utilisé par le pouvoir politique pour renforcer son emprise sur le peuple.

➞ L’article de Mohammed Jalal et Naïla Mansour, de Jumhuriya (disponible en arabe uniquement ) explore le vocabulaire de l’intimidation utilisé par le régime syrien, qui comme toute dictature, s’entoure d’une indispensable pompe. L’arabe littéral lui fournit alors quelques expressions solennelles dont il amplifie l’emphase et avive les connotations menaçantes. Lorsqu’un responsable utilise une expression du type «Ahibou bikoum» ( Je vous engage ardemment à…), le sens apparent pourrait laisser entendre qu’il appelle solennellement le peuple à entreprendre une action, qu’il l’exhorte à l’accomplir, mais le sous-entendu est davantage celui d’un ordre. La racine du verbe hâba , dont le sens est celui de «redouter, craindre», donne un autre terme dérivé, haïba qui dans certains contextes pourrait être traduit par «charme impressionnant», «prestige imposant», «redoutable ascendant», mais acquiert dans le contexte d’un pouvoir despotique le sens d’une envahissante «emprise», d’une oppressante «autorité» surtout dans une phrase comme celle de «l’atteinte à l’autorité de l’État». Rejetant l’ambiguïté développée par ces termes ou par des expressions perverses comme celles de «l’amour» pour le «Père-leader», le soulèvement de 2011 a porté l’étendard d’un nouveau vocabulaire, avec des slogans comme «karama», «dignité», expression du peuple souverain.

➞ Cette idée selon laquelle les mots n’enferment pas un seul sens figé, imposé par une seule interprétation possible, est reprise avec originalité par Mona Allam d’Assafir Arabi dans «Ces lectures féministes du Coran», qui remet en question un autre pouvoir, celui des religieux traditionnels. Certains termes de la sourate «Les femmes» peuvent ainsi paraître problématiques s’ils sont lus au premier degré. Mais ils sont réinterrogés par des intellectuelles féministes, qu’elles soient musulmanes occidentales ou intellectuelles arabes.

Interprétations parfois divergentes ayant le mérite d’apporter un souffle nouveau, différent du «parti pris des exégèses traditionnalistes» qui reflètent le pouvoir de «forces tribales et claniques, d’institutions religieuses fondées sur la conservation de la tradition, sans renouvellement». Non seulement le contexte historique est important, mais celui du corpus coranique lui-même. Dans cette vision, le sens des mots ne dépend pas uniquement des règles proprement linguistiques de grammaire et de déduction, mais de l’image générale des femmes, telle qu’elle est véhiculée par l’ensemble des textes sacrés, c’est-à-dire celle d’une égale dignité avec les hommes.

➞ Avec «L’Académie égyptienne au défi des mots» d’Ahmed Waël (Mada Masr), nous passons de la langue du Coran, marquée par l’époque des débuts de l’islam, à «l’arabe moderne standard», langue de notre époque. Si elle a été largement modernisée au début de la Nahda, elle demeure confrontée à la nécessité d’une évolution de plus en plus rapide, en termes de néologismes, pour répondre aux besoins d’une époque dominée par les sciences de l’information. Du pouvoir politique, religieux, examinés plus haut, nous passons ici au pouvoir académique. L’auteur a sollicité l’Académie du Caire, l’une des plus prestigieuses et plus reconnues des diverses académies qui existent dans le monde arabe, mais dont le travail est marqué par des lourdeurs administratives, sur la traduction de termes anglais tels qu’empathy (empathie), overwhelm (submerger), mentor, GIF (Format d’image numérique multimédia, comprenant une image animée, plus court qu’une vidéo et plus riche qu’une photo), abuse (abus), ainsi que de termes relatifs au genre et aux identités sexuelles. L’auteur n’a eu qu’une réponse d’attente de ses interlocuteurs.

➞ La langue arabe sur Internet est également l’un des volets de l’article d’Orient XXI, par Nada Yafi, qui aborde la langue arabe «hors de ses terres» d’origine. Sa présence massive sur la toile où elle occupe depuis quelques années le quatrième rang lui pose des défis en termes de correction linguistique et de «désordre terminologique». Celui-ci est dû à une trop rapide expansion de la langue sur les supports numériques, avec une multiplicité de traductions diverses pour un même terme étranger. La présence dans le paysage audiovisuel de la fousha, langue en principe écrite, marque une renaissance à l’oral et lui offre l’occasion d’un voisinage avec les différents dialectes arabes, voire une interaction avec eux.

La langue arabe hors de son territoire, c’est aussi «la langue de l’Autre» en France. La vision qu’essaie d’en donner la droite est réductrice puisqu’elle la présente comme une langue «communautaire», non comme l’une des grandes langues vivantes du monde. S’il convient de défendre l’enseignement de l’arabe en France, c’est dans un esprit d’ouverture à la diversité culturelle, et non, bien évidemment, dans l’optique absurde d’un «grand remplacement».

Dans tous les cas, les oppositions binaires sont artificielles, qu’il s’agisse d’opposer l’arabe littéral à l’arabe parlé, ou la langue arabe au français. Les combats identitaires sont toujours meurtriers. Dans le monde multilingue dans lequel nous vivons, il ne s’agit pas de faire prévaloir une langue par rapport à une autre, ni de céder à un populisme linguistique quelque peu paternaliste, et encore moins à l’isolationnisme d’un «monolinguisme» impensable de nos jours. L’un des heureux effets de la mondialisation est l’extrême vitalité renouvelée de la langue arabe, dans tous ses états.

Retrouver cet article sur le site de Orient XXI

Lorsque le Monde parlait Arabe (Vidéo Complète) | Documentaire FR – Mahmoud Hussein

Du IXe au XIIe siècle, le monde musulman connaît un rayonnement sans égal : il s’étend de l’Espagne à l’Inde, avec des capitales de rêve : Bagdad, Cordoue, Grenade, Le Caire, Damas… De la philosophie à la médecine et à la botanique, des mathématiques à l’astronomie, son essor scientifique et culturel fascine – autant qu’il inquiète – l’Occident médiéval…

Un documentaire passionnant sur le rayonnement intellectuel du monde arabo-musulman à l’heure du Moyen-Âge occidental.
Ce document met l’accent sur un élément essentiel et unique dans l’Histoire : l’aptitude et la volonté des musulmans à travailler en bonne intelligence avec les juifs et les chrétiens dans la quête de la connaissance (voir Bagdad et l’Andalousie). Il rappelle en outre que le fruit de ce rayonnement intellectuel du monde islamique (qui a touché à tous les domaines de la connaissance : astronomie, mathématiques, philosophie, médecine…) a profité à l’Occident médiéval et lui a ouvert les voies de la Renaissance.

AUX SOURCES DE LA CULTURE ARABE ÉCRITE – Séminaire vidéo par Houari Touati, Directeur d’études à l’EHESS

Séminaire dispensé par Houari Touati, Directeur d’études à l’EHESS.

Voir la vidéo sur le site Canal U