La route du sel – Sur les traces des caravanes / Lazare Mohamed

Azalaï, c’est le nom que donnent les Touaregs à ces mythiques caravanes de dromadaires qui traversent le désert depuis des siècles. Beaucoup de familles dépendent de l’industrie du sel pour vivre. Malgré les dangers du Sahara et la guerre, les mineurs continuent de se rendre dans les mines de Taoudéni, à 750 km au Nord, pour y déterrer ce que l’on appelle là-bas l’or blanc. Six mois de travail entre Octobre et Mars, loin de leur famille, loin de la civilisation et du confort qu’elle apporte. Lazare Mohamed est un artiste photographe franco-algérien basé à Paris. Son travail s’articule autour des zones de conflits qu’il choisit de représenter en s’inspirant de la culture, de l’histoire et de l’art du pays dont il parle. Il a présenté ses photographies dans divers institutions dont l’institut du Monde Arabe de Paris ou encore l’Institut Tomie Ohtake à Sao Paulo au Brésil et a été lauréat de divers bourses et prix.

Plantu Reza – Regards croisés / Reza & Plantu

Témoins privilégiés des événements de ces dernières décennies, le dessinateur Plantu et le photographe Reza ont imaginé près de quatre-vingts oeuvres, associant les dessins de l’un aux clichés de l’autre. Ces créations, commentées par les deux artistes, sont ici réunies pour la première fois.

 

Prix : 47chf

Le Phénomène Gaza / Mo’men Ashour

C’est à travers des photos conceptuelles que Mahmoud Alkurd nous fait partager sa propre vision de la catastrophe qu’ont subie les Palestiniens dans la bande de Gaza lors de l’attaque d’Israël en 2014, Bordure de Protection. Les récits très réalistes de l’écrivain Mo’men Ashour, tirés de faits réels, apportent la consistance du vécu traumatique à ces images poétiques. Aujourd’hui, la situation géopolitique et humanitaire n’a pas changé.

Prix : 43 CHF

Shaima Al Tamimi : « L’impact des femmes arabes dans la culture n’a jamais été aussi grand »

Shaima Al Tamimi est une réalisatrice et photographe yéméno-kenyane installée au Qatar. Son œuvre est inspirée par les défis culturels et sociaux que les Yéménites ont eu à traverser durant les derniers siècles. Dans ses dernières réalisations, elle explore l’impact de la migration sur l’identité et la culture culinaire. En 2019, son projet photographique « As if we never came » a reçu l’appui de la bourse Women Photograph. J’ai commencé à suivre le travail de Shaima Al Tamimi lorsqu’elle a co-réalisé Voices from the Urbanscape, un court documentaire sur le regard nostalgique des habitants de Doha sur leur mode de vie avant la modernisation de leur économie, et sur lequel j’ai écrit pour Le Comptoir en 2017. Présenté en première au Festival du film d’Ajyal au Qatar, le court-métrage a ensuite été projeté dans des festivals de cinéma et des galeries d’art à Sarajevo, Cannes, Berlin et Saint-Pétersbourg. Shaima Al Tamimi est également membre de Everyday Middle East, un compte Instagram suivi par des milliers de personnes qui met en avant la singularité des différentes cultures du monde arabe.

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© Shaima Al Tamimi

Le Comptoir : Appareil photo en main, vous suivez depuis quelques années les mouvements de la communauté de migrants yéménites dans le monde arabe, c’était notamment l’objet de votre dernière exposition, Turn on the light, à Katara. Pensez-vous que le développement d’Internet et des réseaux sociaux ait changé le rapport de la jeune génération de Yéménites à leur pays d’origine ?

Shaima al Tamimi : C’est bien évidemment le cas. Internet et les médias sociaux ont joué un rôle majeur dans la façon dont je reçois l’information et formule mes pensées et sentiments sur tout ce qui se passe. Avoir cet accès au monde à partir de nos appareils portables m’a connectée à de nombreuses personnes et idées, et m’a donc aidée à développer ma manière de m’exprimer. Le peuple du Yémen est connu pour ses voyages et son immigration au fil des siècles. De notre sol d’origine, nous nous sommes dispersés, plantant des racines dans des pays étrangers, ornés de traces d’où nous venions.

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© Shaima Al Tamimi

« Les réseaux nous ont aidés, nous artistes arabes, à atteindre une audience assez importante au-delà du monde arabe. Lors du blocus du Qatar, nous avons pu nous exprimer sur notre attachement à notre liberté. » Ahmad Al Maadeed, artiste qatarien

Le projet As if we never came est d’ailleurs inspiré par le voyage de ma famille et ma lutte personnelle pour comprendre la complexité de qui nous sommes aujourd’hui, en tant que diaspora yéménite. Je suis l’héritière d’une histoire de migration ancestrale, d’un mélange de culture et d’assimilation. Ma mère est une Kenyane de troisième génération d’origine yéménite, et mon père, également d’origine yéménite, a émigré trois fois avant de s’installer aux Émirats arabes unis. Face à la quasi-absence d’un récit qui archive notre histoire, j’ai ressenti le besoin personnel de retracer le voyage de ma propre famille comme une étape pour honorer le voyage de toutes les communautés de la diaspora yéménite, en encourageant d’autres comme moi à s’emparer de notre identité et reprendre la voix que nous avons perdue lors de nos passages en transit.

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© Shaima Al Tamimi

Les débats actuels en Europe suggèrent que le multiculturalisme est un échec. Pourtant, de nombreux jeunes artistes à Doha semblent s’inspirer de leur culture composite. Les histoires que vous avez suivies ces dernières années semblent-elles montrer une relation plus pacifique avec le multiculturalisme ?

Je ne pense pas que ce soit un échec parce que cela suggérerait que nous devrions tous être mis dans la même boîte et c’est bien ce que nous ne sommes pas. Nous avons certes éprouvé certaines difficultés à parvenir à des ajustements avec nos identités hybrides, fruit de notre migration, mais beaucoup d’entre nous se considèrent bénis de pouvoir voir et éprouver des choses auxquelles les autres n’ont pas accès. Beaucoup parlent plus d’une ou deux langues, ce qui offre une grande passerelle vers la compréhension du monde. Nous pouvons choisir de nous identifier à différents référentiels mais nous ne pouvons aspirer à être acceptés par les autres si nous sommes incapables d’accepter les multiples facettes de notre culture.

J’ai moi-même parcouru un long chemin depuis ce voyage d’exploration identitaire, ça a été difficile mais c’est une belle expérience. En tant qu’enfant ayant grandi dans le Golfe, j’avais peu conscience des origines de ma culture composite et de mon identité afro-yéménite. Ce n’est que beaucoup plus tard, après avoir fait des recherches et rencontré des gens d’origine yéménite comme moi, y compris des Indiens-Yéménites, des Indo-Yéménites et des Yéménites britanniques, que j’ai découvert la culture commune qui nous liait, malgré les différents pays et frontières. Nos voyages sont liés par les langues que nous parlons, les tissus que nous portons et les saveurs de notre cuisine, vibrante et riche, malgré une succession de colonisations, de guerres et de constantes migrations.

« Nous assistons à une augmentation du nombre de femmes arabes qui prennent des risques et se plongent dans le domaine de l’art et de la littérature comme jamais auparavant. »

Le Doha Film Institute est devenu l’une des grandes vitrines culturelles du monde arabe, comme en témoigne le Festival du film d’Ajyal 2019. Quel a été l’impact des femmes arabes sur ce succès ?

L’impact ne fait que se renforcer. Je pense que que les femmes ont tendance à diriger avec une approche attentionnée et maternelle. Bien sûr, ce n’est pas toujours le cas, mais nous avons été bénis par des modèles comme Fatma Al Hassan Al Remaihi, qui soutient fortement la communauté artistique de toutes les manières possibles. Nous assistons à une augmentation du nombre de femmes arabes qui prennent des risques et se plongent dans le domaine de l’art et de la littérature comme jamais auparavant. Prenez par exemple Hamida Issa, qui a voyagé aux quatre coins du monde pour produire un documentaire poétique sur l’appartenance et l’auto-exploration dans les dures réalités de la durabilité environnementale. C’est un sujet peu abordé du point de vue introspectif. Le Doha Film Institute a toujours été très favorable à ces efforts et nous sommes reconnaissants de l’appui qu’ils nous ont fourni pour nous réunir et diffuser nos histoires dans le monde. Finalement, femme ou pas, je crois que nous devons tous nous efforcer de vivre nos vérités. C’est formidable de vivre à une époque où les institutions culturelles commencent à prêter attention au rôle de la femme. Cela ne peut que venir d’ici.

© Shaima Al Tamimi

Que ce soit le dernier film d’Elia Suleiman, It Must Be Heaven, ou le film d’animation de Gitanjali Rao, Bombay Rose, les thèmes de l’exil, de l’identité et de l’immigration sont au cœur des réflexions qu’offrent les cinéastes. Que disent ces réalisations sur la capacité des cinéastes « du Sud » à proposer leurs propres histoires quant aux événements qui affectent leur pays d’origine ?

N’est-ce pas comme si l’univers commençait enfin à arriver à un lieu d’expression ? Le succès des histoires gravitant autour des thèmes de l’identité et de l’immigration signifie beaucoup de choses. Le plus important d’entre eux étant que les gens veulent en savoir plus car ils se sentent enfin représentés et reconnus. Après des décennies de blocages, hérités du temps de nos aïeux, nous pouvons enfin nous réconcilier avec nous-mêmes et honorer ce que nous sommes. Je reste toujours sensible à l’intérêt du regard occidental pour mon travail, mon histoire et les sujets que je traite, car nous sommes liés par l’histoire coloniale. Je ne suis toutefois pas obnubilée par la manière avec laquelle il me regarde : j’essaie d’avoir une certaine authenticité, d’être la voix qui résonne dans mon intérieur tout en étant ouverte aux autres, car nous essayons toujours à la fin de nous exprimer de manière collective.

Nos Desserts :

  • Suivez Shaima Al Tamimi sur son compte Instagram
  • La rédaction du Comptoir a sélectionné les films les plus mémorables de cette année 2019
  • Notre article sur les meilleurs films de 2017, dans lequel nous parlions du court-métrage de Shaima Al Tamimi
  • Entretien d’Amin Maalouf analysant les événements marquants de l’histoire du monde arabe
Retrouvez l’article sur

Iran immortel – Kares Le Roy

Un panorama des territoires reculés d’Iran, notamment le Baloutchistan, où le photographe s’est aventuré pendant dix ans et où il a partagé le quotidien des habitants.

 

Prix : 61chf

Elles brisent le silence – Denis Rouvre

Les droits des femmes ne sont jamais acquis. Chaque jour, ils sont remis en cause, bafoués, et chaque avancée vers plus de liberté, chaque pas vers l’égalité des genres est une fragile victoire. Il est urgent d’écouter les femmes. Urgent d’entendre leur souffrance et leur cri de résistance. Ce projet photographique écrit par Médecins du Monde et Denis Rouvre oppose aux silences les visages et les mots de dizaines de femmes. Unsung Heroes est un geste politique, artistique, humain. Un recueil d’histoires ordinaires, singulières, bouleversantes, où s’exprime la violence du monde. C’est une chambre d’écho où se répercutent les messages d’espoir de millions de femmes et où l’on entend, pour peu que l’on veuille écouter, le murmure du changement.

 

Prix : 45chf

Le monde arabe comme vous ne l’avez jamais vu : 22.000 photos en accès libre

Actualitté – les univers du livre – Heulard Mégane – 04.07.2019

En mai dernier, la Fondation arabe pour l’image, basée à Beyrouth, a lancé une nouvelle plateforme en ligne afin de présenter sa vaste collection photographique. Depuis elle a numérisé près de 22.000 clichés provenant d’une collection physique de plus de 500.000 archives. Le bâtiment de la fondation, fermé au public depuis 2016, rouvrira également cet été.

FAI collection — Facebook Arab Image Foundation

La Fondation arabe pour l’image (AIF) a été créée en 1997 par les photographes Fouad Elkoury et Samer Mohdad et l’artiste Akram Zaatari, en réaction au manque d’archives photographiques dans la région du Moyen-Orient. Elle collecte, conserve et recherche des photographies du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et de la diaspora arabe datant du milieu du XIXe siècle à nos jours. 

La fondation se présente à la fois comme un lieu d’archivage, de création artistique, mais aussi de recherche. Elle vise à aborder ces photos à travers une pensée critique dans leur contexte historique et sociétal et à élargir la vision culturelle sur ces régions.

L’AIF souhaite préserver l’histoire et la culture arabe et la transmettre. C’est pourquoi ils ont voulu numériser les archives et les rendre accessibles au public via une plateforme en ligne. Le site fonctionne comme une immense base de données contenant les versions numériques d’archives en négatifs ou imprimées. 

Marc Mouarkech, le directeur général de la Fondation arabe pour l’image, explique : « Nous avons construit cette plateforme d’une manière qui reflète notre position aujourd’hui : plus ouverte, plus inclusive et plus collaborative. Ce site nous permettra de mettre en pratique notre nouvelle mission et nos pratiques de préservation vis-à-vis de notre communauté, de renouer avec le public après plus de deux ans d’interruption, d’ouvrir des canaux de recherche, d’initier un débat critique, de favoriser de nouvelles d’idées et d’encourager les processus de travail créatifs et collaboratifs. »

Préserver la culture du Moyen-Orient

Les images numérisées par la société Getty Conservation Institute témoignent de traditions perdues, de pratiques et d’attitudes culturelles qui depuis ont été supprimées. On peut y trouver les clichés du photographe Camille el Kareh qui était connu pour ses photographies post-mortem. 

Mais aussi ceux d’une des premières femmes photographes au Moyen-Orient, la Libanaise Marie al-Khazen. Assez avant-gardiste pour le début du XXe siècle, al-Khazen aimait capturer l’image des femmes qui avaient des passe-temps jugés « masculins », comme fumer, conduire ou chasser.

Les archives contiennent des clichés qui témoignent d’évènements ou personnages historiques. Mais aussi des images de la vie quotidienne, portrait de familles ou de célébrités, des photos prises dans les rues… Environ la moitié des photographies de la collection sont les œuvres d’amateurs.

Par la suite, la fondation espère télécharger 55.000 images numérisées, même si les problèmes de financement rendent le projet difficile.

La plateforme de la Fondation arabe pour l’image se retrouve à cette adresse.