AUX SOURCES DE LA CULTURE ARABE ÉCRITE – Séminaire vidéo par Houari Touati, Directeur d’études à l’EHESS

Séminaire dispensé par Houari Touati, Directeur d’études à l’EHESS.

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Lumière sur le Moyen Âge (3/4) Le rayonnement d’Averroès

SAVOIRS
LES CHEMINS DE LA PHILOSOPHIE par Adèle Van Reeth et Anastasia Colosimo

Averroès est un penseur arabe andalou du XIIème siècle héritier de la philosophie latine et dont l’influence est grande au Moyen Âge malgré des critiques de son temps et plus tard. Qu’a-t-il transmis dans l’histoire philosophique ?

 

Emission présentée par Anastasia Colosimo

Ibn Rochd de Cordoue est connu en Occident sous son nom latinisé d’Averroès.
Né à Cordoue en Espagne en 1126, il est initié très tôt par son père à la jurisprudence et à la théologie. Par la suite, il étudie la philosophie, la médecine, l’astrologie, la physique et les mathématiques.
Il consacre sa vie et son oeuvre à celle du philosophe grec Aristote. La pensée qu’il construit entraîne des débats houleux au sein du monde chrétien, il trouve autant de disciples que de fervents opposants.
Qui était-il et quelle est donc la portée de sa pensée dans l’histoire de la philosophie ?

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Riad Sattouf s’anime de partout

Série et roman graphiqueLe dessinateur adapte «Les carnets d’Esther» en série, sort «L’Arabe du futur» et s’offre une expo.

Par Cécile Lecoultre  

À l’écran, Esther gambade dans l’insouciance de ses 9 ans. Riad Sattouf, inspiré depuis 2016 par une authentique petite Parisienne, adapte ses «Carnets» en pastilles animées de 3 minutes. Enchantement. En librairie, le dessinateur sort «L’Arabe du futur», autre évocation, plus dure celle-là. Car au tome 4, Riad, les hormones bouillonnantes sous sa «coupe de Tone Crouze», lâche le secret. Dans le décor balisé entre Bretagne et Syrie, l’ado qui croyait tout savoir des zizis et des bébés, tombe sur des tabous inédits. Ainsi de son père qui a sombré dans le radicalisme et veut l’exporter. Par rapport aux racines du garçon, le paternel d’Esther, «mélanchoniste adoré», ou sa mère «relou», semble soudain des perturbateurs fort légers. Esther, Riad, deux paysages, deux enfances qui cernent le créateur Sattouf.

Dans «L’Arabe du futur 4», le couple parental explose, tandis que les aïeux aux idées arriérées tirent à boulets rouges sur la paix des foyers. Sans oublier les insultes à l’école. «Oh, moi, j’essaie de ne pas trop intellectualiser ce que je fais», confie l’auteur. «Et de ne pas trop l’analyser non plus, j’ai peur qu’une fois démonté, le mécanisme ne fonctionne plus! J’ai gardé des souvenirs vifs et précis des années d’enfance.» Sans arborer de traumatisme en bandoulière, Riad décortique le racisme rampant, l’antisémitisme cramponné, le sexisme beauf. Et tamponne les écorchures de l’âme à l’humour noir.

Esther, vers qui il revient chaque semaine, lui écarquille le regard. «J’ai prévu un album par an jusqu’à ses 18 ans. On n’est plus légalement un enfant, à 18 ans, et cela me semblait être une bonne date pour arrêter là le projet!» D’ici là, Sattouf s’instruit. «J’aime beaucoup en apprendre sur les enfants d’aujourd’hui et voir ce que cela peut dire du futur, de la société en devenir. J’aime observer comment se transmettent les valeurs morales entre les générations.» L’adaptation de la série l’a ramené au premier tome, au plus dense du parfum d’innocence. «Pas de réinterprétations, de changements…»

Miracle aussi pharamineux que l’identité de l’Italienne Elena Ferrante, la jeune fille conserve un parfait anonymat. «Je modifie les noms, je la cache dans le réel!» Par contre, le Riad de «L’Arabe du futur» ne laisse aucun doute quant à sa personne. «J’essaie d’être le plus honnête et sincère avec mes souvenirs. J’essaie de faire les livres les plus lisibles par des gens qui ne lisent pas de BD habituellement. Je n’aime rien de plus que quand une mamy vient me dire qu’elle a lu deux BD dans sa vie: «Bécassine» et «L’Arabe du futur !»

Sattouf l’affirme, sa suite autobiographique se bouclera au 5e volume. Comme pour solder la question de l’ego entre la fiction et la réalité, entre le fils et le père. «Comment se tenir à la bonne distance? Dur à dire. J’ai centré le livre sur l’observation du père afin d’échapper aux risques de l’autobiographie! Ennui, égocentrisme… J’envisage «L’Arabe du futur» comme un récit de voyage sur une autre planète plutôt.» Pourtant, son travail, loin d’un exotisme de pacotille, pousse dans l’arène politique.

«Car tout livre est politique! Bien sûr! Mais moi, j’ai horreur des livres idéologiques, qui nous expliquent ce qu’il faut penser, qui simplifient le réel… ma vie n’est ni de gauche ni de droite, et j’aime que mes lecteurs se fassent leur avis seuls. Rien ne m’insupporte plus que les BD d’extrême gauche ou les pamphlets d’extrême droite… comme si les auteurs cherchaient eux-mêmes à se convaincre de leur vérité, c’est très gênant.» Lui abhorre encore être défini par ses origines. «J’essaie d’avoir une vision humaniste, de regarder le monde à travers le prisme de l’égalité femmes/hommes. C’est ma longue-vue!»

À 40 ans, Sattouf sera exposé en novembre à la Bibliothèque Centre Pompidou à Paris, après Claire Bretécher ou Art Spiegelman. Une consécration? Nuance. «En général j’ai toujours refusé ces propositions d’expo, car je suis horriblement complexé par mes dessins!» Au-delà de l’ironie, «L’écriture retrouvée» consacrera aussi une vocation. «Je pense tout le temps bande dessinée. Quand je suis anxieux, j’en lis, j’essaie d’imaginer ce que ferait tel ou tel auteur que j’aime à ma place… c’est ma religion!»

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Yazan Halwani : le nouveau Banksy sillonne les rues de Beyrouth

PAR
Annabelle Martella  pour Les Inrocks.com
Depuis qu’il est adolescent, Yazan Halwani graffe dans les rues de Beyrouth. Ses fresques d’intellectuels, d’artistes ou de personnalités du quartier invitent les Libanais à se réfléchir. Artiste citoyen et révolté, il tente par son travail de créer une identité culturelle fédératrice dans une ville fragmentée. Mais, quelles sont les difficultés rencontrées par un artiste au Moyen-Orient ? Rencontre avec un jeune peintre amoureux de son pays dans son atelier de Beyrouth.

Yazan Halwani n’a que 25 ans et pourtant il a déjà des millions d’histoires à raconter. Assis dans son spacieux atelier encombré de ses toiles d’Ahed Tamimi et de réfugiés économiques sur le tarmac d’un aéroport, l’artiste libanais connu pour ses fresques de personnalités arabes dans les rues de Beyrouth raconte avec un visage rieur ses déboires du début :

« Alors que je peignais le visage de Samir Kassir [journaliste et historien franco-libanais tué dans un attentat à la voiture piégée en 2005], les services secrets sont venus à ma rencontre pour me demander ce que je peignais. Je leur ai répondu que ce n’était que des carreaux bleus…, se rappelle-t-il avec un brin de maliceIls sont revenus à la charge quelques minutes plus tard en me disant : On a un problème. De près ce sont des carreaux bleus mais quand on s’éloigne on voit Samir Kassir ».  » S’ensuivent quatre heures d’interrogatoire à l’issue desquelles les services secrets le relâche : « A la fin, ils m’ont même demandé si je pouvais repeindre leur moto. Heureusement car à l’époque j’avais 17 ans et je ne voyais pas dire à ma mère que j’allais finir au poste »

Eternal Morning. (Hamra Beyrouth 2015 / Yazan Halwani)

Engagé contre le sectarisme de la société libanaise certes, mais ce jeune Beyrouthin ne veut pas prendre de risques inutiles : « C’est beau de faire des œuvres dénonciatrices mais si tu es mort, tu ne pourras pas en faire d’autre » lâche-t-il avec pragmatisme.

« Qu’est-ce qu’être Libanais ? »

Obsédé par les questions identitaires, Yazan Halwani transcende les carcans confessionnels en peignant dans les rues de la capitale des icônes de la culture libanaise comme la chanteuse Fayrouz, le poète Gibran Khalil Gibran ou encore May et Tarek, couple d’adolescents chrétien et musulman du film West Beirutqu’il a représenté sur un bâtiment de l’ancienne Ligne verte (séparation entre le Beyrouth-Est chrétien et le Beyrouth Ouest musulman pendant la guerre civile.)

Fayrouz ( Beyrouth/ Yazan Halwani)

C’est par ces fresques mêlant calligraphie arabe et géométrie orientale qu’il revendique une identité culturelle dénuée de religiosité. Pour cet enfant de Beyrouth, la ville est toujours fragmentée et les Libanais se reconnaissent plus volontiers par leur confession que par leur nationalité : « C’est très compliqué de dénoncer ça explicitement par des œuvres publiques. On ne peut pas être Banksy au Liban. Bien qu’on dise qu’on est dans un pays démocratique, un journaliste a été récemment condamné à 4 mois de prison pour avoir critiqué un membre du gouvernement sur Twitter… C’est pourquoi je préfère plutôt mettre en avant une identité culturelle qui dépasse ce sectarisme confessionnel. »

Le portrait solaire de Sabah en est un bon exemple. Cette fresque de la chanteuse et actrice libanaise connue pour son emblématique Allo Beyrouthet pour s’être mariée sept fois, irradie la rue d’Hamra ; réconciliant les jeunes Beyrouthins des boîtes nuits avides de liberté et les vieilles générations nostalgiques de l’âge d’or du quartier. Dans les années 60-70, Hamra était le cœur culturel de la capitale avec ses cafés fréquentés par des intellectuels et ses cinémas. Désormais, la rue est striée de grandes chaînes de prêt-à-porter et de restauration.

Le portrait de Sabah. Eternal Morning ( Hamra Beyrouth 2015 / Yazan Halwani)

« Les habitants du quartier associent Sabah à l’époque où la culture était importante. Mais c’est aussi une figure très controversée dans une société conservatrice, explique l’artiste. Les gens la critiquent en public pour ses mœurs légères tout en continuant de l’aimer pour son travail. C’est très symptomatique des sociétés du monde arabe où les gens veulent se montrer très religieux alors qu’en privé, ils sont beaucoup plus laxistes. C’est encore à cause du sectarisme… « 

Contre le pouvoir en place

Quand on discute un moment avec Yazan Halwani, on se rend vite compte que le mot « sectarisme » lui sert quasiment de ponctuation. Un fléau cultivé, selon lui, par les politicien.ne.s en place. Car, en refusant, par exemple, de légaliser le mariage civil, le gouvernement renforcerait les identités religieuses.

Le couple de West Beirut. Immeuble Noueri. ( Sodeco Beyrouth 2017 / Yazan Halwani)

Le couple de West Beirut peint sur l’ancienne ligne de démarcation remue ainsi les cendres : 28 ans après la guerre civile, un jeune musulman et une jeune chrétienne ne peuvent toujours pas se marier. « Pour les Libanais, ce n’est pas choquant de voir des couples inter-religieux affirme-t-il, mais les institutions religieuses et les hommes politiques sont contre le mariage mixte. Le gouvernement a peur que le système politique fondé sur le sectarisme s’étiole. S’il autorise le mariage civil, les gens n’auront plus d’identité politique sunnite, chiite, maronite etc… »

Le système politique libanais repose depuis son indépendance sur le « confessionnalisme », qui répartit les postes clefs de l’Etat entre les différentes communautés religieuses (ce pays de 10 452 m² reconnaît officiellement 18 religions.) En 1989, l’accord de Taëf met officiellement fin à 15 ans de guerre civile en renforçant notamment la parité entre musulmans et chrétiens mais conserve le système selon lequel le président de la République doit être chrétien maronite, le premier ministre sunnite et le président de l’Assemblée chiite.

D’après l’artiste, le gouvernement ne cesse d’agiter le fantôme de la guerre civile pour justifier son inertie : « Comment croire que des membres du gouvernement qui ont tué des gens à cause de leur religion durant cette guerre peuvent construire un véritable état démocratique ? dénonce-t-il avec virulenceLe problème, c’est que les Libanais ont oublié qui étaient ces personnes… »

Comme son art, Yazan Halwani a trouvé son identité dans la rue

Mais d’où tire Yazan Halwani cette indignation à toute épreuve ? Né en 1993 à l’ouest de Beyrouth, c’est dès l’âge de 14 ans qu’il commence à graffer, inspiré par la culture urbaine occidentale. IAM et Fonky Family dans ses écouteurs, il pose son blaze un peu partout dans la capitale. « A l’époque, je pensais que c’était cool et que j’étais un peu un gangster confie-t-il derrière ses lunettes ovales, et puis vers 18 ans j’ai commencé à avoir une véritable conscience politique et une réflexion artistique plus profonde. »

Yazan en grosse lettres latines, prénom jordanien peu commun au Liban, laisse peu à peu sa place à de grandes fresques calligraphiées et sans signature : « Ici, ça n’a pas de sens d’utiliser les codes du graff’ occidental. Et puis le street-art inspiré d’une culture du vandalisme est né dans un système politique et culturelle totalement différent. Au Liban, on joue dans une autre cour. »  Ce jeune artiste aime dire que s’il y a bien des vandales dans son pays, ce ne sont d’ailleurs pas les graffeurs… : « Si tu veux faire du vandalisme au Liban, ce n’est pas en taguant un mur mais en faisant de la politique ! »

L’Arbre de Mémoire ( Beyrouth 2018/ Tamara Saade)

S’éloignant peu à peu de la scène street-art, Yazan Halwani se présente désormais comme un artiste contemporain spécialisé dans l’espace public. Surtout au regard de sa dernière oeuvre : « L’Arbre de la mémoire« . Cette sculpture, placée au centre de la capitale en juillet dernier, est le premier monument aux morts en hommage aux victimes de la grande famine du Liban (1915-1918). Il est donc loin l’adolescent qui écrivait naïvement son nom dans les rues de la ville : « Se placer dans la rue, c’est ce que faisaient les partis politiques pendant la guerre civile. Et c’est ce qu’ils font encore maintenant en mettant partout leurs affiches… déplore-t-il, Beyrouth a déjà ses rois. »

Donner sa place à une culture absente

Entre les drapeaux des partis politiques, les visages pixelisés des hommes au pouvoir et les panneaux publicitaires XXL, Yazan Halwani tente de donner sa place à une culture absente. S’intéressant à la vie de quartier, il peint ceux qui lui donnent sa singularité à l’instar d’Ali Abdallah, un sans-abri mort de froid. Sa présence sur les trottoirs de Beyrouth avait donné naissance à de nombreuses légendes urbaines, pourtant personne ne lui a porté secours…

Ces personnages du quotidien, le jeune l’artiste leur fait aussi traverser les frontières. Dans une Allemagne en plein débat sur la crise migratoire, il représente sur un immeuble de Dortmund un jeune vendeur de rue syrien : « Ce vendeur de fleurs de dix ans, tout le monde le connaissait dans le quartier. Il était charmant. Quand il est mort pendant la guerre en Syrie, les gens ont ressenti son absence » se souvient-il.

Le vendeur de fleurs ( Dortmund, Allemagne / Yazan Halwani)

Ce lien que Yazan Halwani cultive avec les habitants et la culture populaire lui permet de travailler avec plus de sérénité : « Quand je veux réaliser une fresque sur un immeuble à Beyrouth, je demande la permission au propriétaire car je n’aime pas peindre sans l’autorisation des gens qui vivent là précise-t-il. Si les gens apprécient ce que tu fais, ils vont t’aider. Ils payent l’électricité pour que tu puisses travailler la nuit. Et puis, ils aiment l’œuvre, ils la protègent et la maintiennent en vie. »

Preuve en est que lorsque la fresque de Gibran Khalil Gibran est recouverte par des affiches politiques en pleine période électorale, de nombreuses personnes publient des photos et réagissent sur les réseaux sociaux. Les posters sont retirés mais laissent l’oeuvre quelque peu détériorée : « Les œuvres d’art publiques sont temporaires et sont exposées à une éventuelle détérioration, surtout de la part de partis politiques qui cherchent à s’accaparer l’expression urbaine. Je ne vais pas restaurer cette œuvre mais j’apprécie les efforts entrepris par Nadim Gemayel qui ont abouti au retrait des affiches, et j’espère qu’il soutiendra la culture publique en dehors de la période électorale » réagit l’artiste sur Facebook en avril dernier.

Fier de cet anecdote, Yazan Halwani est maintenant persuadé qu’une partie des Libanais se retrouve dans son travail : « J’ai été très étonné de voir que les gens protégeaient à ce point-là l’art public, dit-il enthousiaste. S’il y avait simplement écrit Fuck Sectarism sur le mur, personne ne l’aurait défendu. Cette fresque de Gibran Khalil Gibran sur un billet de 100 milles livres critique la non-promotion de la culture par le gouvernement. Qu’elle soit saccagée par des posters politiques, ça a agacé les gens. »

Parlons business

Si cette notoriété lui permet de peindre aux quatre coins du monde : Etats-Unis, France, Tunisie, Jordanie etc ; elle attire également de nombreux mécènes et sponsors : « Je travaille uniquement avec des partenaires qui me soutiennent financièrement sans me demander de contrepartie publicitaire.  » assure-t-il.

The Plastic Mannequin and the hybrid folklore dress ( Ammam, Jordanie / Yazan Halwani)

Yazan Halwani ne cache pas avoir déjà été sponsorisé par une banque, un magasin de peinture ou l’Institut Français. Mais son ancien poste d’ingénieur télécom lui permet de subvenir à ses besoins sans tomber dans un art commercial. Quand on lui parle de street-artistes beyrouthins qui collaborent avec des agences de pub, celui-ci ne veut pas pour autant les blâmer :  » En principe tout artiste doit pouvoir vivre de son art. Certes, il ne faut pas que le business prime sur le concept artistique. Mais ces street-artistes sont aussi victimes d’une absence de subvention de la culture. »

Pour sa part, il va lui-même quitter son travail d’ingénieur pour commencer à la rentrée un Master de Business à l’Université d’Harvard. Surprenant pour un artiste mais pour lui  » it makes sense » : « Ce n’est pas nécessairement du business, rassure-t-il, c’est du management, de la création de projet etc… »

Passionné par les enjeux politiques et culturels, il a choisi de reprendre ses études face à l’impuissance que lui conférait un simple statut d’artiste : « Quand tu peins, tu dépends des structures au pouvoir et quand tu n’aimes pas les gens.. tu es dans la merde. Et puis ça m’intéresse de pouvoir penser au long terme ce que devrait être ces institutions. »

The difficulty of the inevitability of leaving things behind ( Mannheim, Allemagne 2017/ Yazan Halwani)

Faire un Master de Business, pour être plus indépendant et faire bouger les lignes dans son pays ? On a envie d’y croire. En attendant, Yazan Halwani s’envole pour les deux prochaines années de son Liban natal. Dans l’éloignement, il assure qu’il sera d’autant plus proche de son pays : « Émigrer, c’est vivre comme une grande majorité des Libanais. Etre nomade fait partie de notre culture et je n’ai pas encore expérimenté ça d’une manière assez forte. Ça va vraiment nourrir mon travail, je pense. » A l’entendre, c’est sûr qu’il reviendra.

 

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« Jinn » : Netflix lance sa première série originale en langue arabe

Après l’Inde, Netflix compte s’installer également au Moyen-Orient avec sa première série originale en langue arabe. « Jinn » racontera l’histoire de plusieurs adolescents plongés dans un contexte surnaturel à travers les mythes arabes des Jinns, des créatures de l’ombre. La série sera lancée en 2019 et offrira six épisodes. Le tournage a déjà commencé en Jordanie.

Netflix débarque au Moyen-Orient. Le géant américain du streaming vient d’annoncer la production de sa première série originale en langue arabe, intitulée « Jinn« . Elle comptera six épisodes et sera diffusée sur la plateforme dans le monde en 2019.

Produite par Kabreet Productions, la série sera réalisée par Mir-Jean Bou Chaaya, qui sera également producteur exécutif aux côtés de Elan et Rajeev Dessani (« SEAM« ). Ces deux derniers ont contribué à l’écriture du scénario avec Amin Matalqa, qui réalisera les trois derniers épisodes de la série. Le tournage se déroule actuellement à Amman, la capitale de la Jordanie.

L’histoire des mythes arabes 

L’intrigue suivra un groupe d’adolescents alors que leur amitié et leurs amours sont mis à rude épreuve par l’influence des Jinns, des créatures surnaturelles dans la tradition islamique. Un combat entre le bien et le mal dans une course contre le temps s’ensuivra.

De jeunes acteurs composent le casting de cette série événement. Salma Malhas incarne le rôle de Mira, une adolescente rebelle dévastée par la mort de sa mère, qui apprend à aimer de nouveau lorsqu’elle rencontre Keras, interprété par Hamza Abu Eqab, un Jinn. Sultan Alkhalil jouera le personnage de Yassin, qui lutte dans un monde qui semble s’être ligué contre lui. La série suivra également sa relation amicale supernaturelle avec Vera, jouée par Aysha Shahalthough.

« Créer la première série originale arabe de Netflix, et l’un des premières séries pour adolescents dans le monde arabe, a été une expérience incroyable. Nous avons eu tellement de témoignages de jeunes qui nous ont dit n’avoir jamais été correctement représentés sur le petit écran, et c’est à la fois notre plaisir et notre responsabilité de leur offrir cela et en le faisant, exposer ce que la région peut offrir« , a déclaré Rajeev Dassani.

« Nous avons pour but de créer une série fantastique autour des jeunes gens dans le Moyen-Orient et en langue arabe, avec de l’autenticité et de l’action. Cette série Netflix sera pleines d’intrigues, d’aventures et une formidable narration depuis la Jordanie et pour notre public dans le monde« , a rajouté Erik Barmack, vice-président des créations internationales de la plateforme de streaming.

Le réalisateur libanais Mir-Jean Bou Chaaya a remporté l’Etoile d’or lors du festival de Marrakech avec son premier film « Very Big Shot » en 2015.

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« Tous des oiseaux » de Wajdi Mouawad remporte un prestigieux prix à Paris

« Tous des oiseaux », une pièce autour de l’identité et du conflit israélo-palestinien du metteur en scène d’origine libanaise Wajdi Mouawad a remporté le prestigieux Grand Prix de la critique remis lundi à Paris. Photo Michel Sayegh

 

 

« Tous des oiseaux », une pièce autour de l’identité et du conflit israélo-palestinien du metteur en scène d’origine libanaise Wajdi Mouawad a remporté le prestigieux Grand Prix de la critique remis lundi à Paris.

Cette pièce de près de 4 heures en arabe, hébreu, anglais et allemand, est à la fois une fresque historique et l’histoire intime d’une famille juive et prend à bras le corps les déchirures d’aujourd’hui. Présentée au théâtre parisien de la Colline que dirige Wajdi Mouawad, elle a reçu également le prix de la meilleure création d’éléments scéniques.

« Tous des oiseaux » est une prouesse linguistique ; Wajdi Mouawad a entièrement rédigé son texte en français, avant de le traduire en quatre langues qui s’enchevêtrent au fil de la représentation : de l’anglais à l’allemand, en passant par l’arabe et l’hébreu. La langue est en soi un sujet de tension : c’est dans la langue que les personnages se cherchent et qu’ils tentent de se définir, même s’ils sont voués à l’échec. Le texte fondateur est donc à lire dans les sous-titres, qui ont une fonction inversée par rapport à d’habitude. Les mots de la scène ont une existence sonore, presque entièrement sensorielle ; par la fluidité des passages d’une langue à l’autre, on revient à une parole brute, performative et poétique. Les comédiens ont une présence immédiate et habitent leur langue naturellement, de manière saisissante.

Une fois de plus, Wajdi Mouawad explore les brûlures de l’histoire, notamment le conflit israélo-palestinien. Sous nos yeux : une rencontre meurtrière de l’histoire avec l’histoire. Dans Tous des oiseaux, la guerre s’entend : des bombardements assourdissants, des sirènes stridentes d’ambulances, des génériques d’informations, des cris d’enfants qui cherchent leurs parents en arabe et en hébreu, les voix placides des journalistes…

Sur scène, l’ambiguïté des situations de guerre est montrée. Lors d’une fouille de Wahida par une soldate israélienne, on bascule dans l’érotisme, avant que retentisse la détonation d’une explosion. La soldate, de moins en moins crédible, conclut : »Il faut crever l’abcès de l’histoire », mélange des genres décapant entre tragique et comique.

« Quel est l’événement fondateur de Tous des oiseaux ?  » avait demandé L’Orient-Le Jour à l’artiste en décembre 2017. « Il y a quinze ans, je me suis posé une question qui peut paraître saugrenue : comment se passe la question du don d’organe en Israël ? Quand un organe vient de quelqu’un qui n’est pas de notre communauté et qu’on est juif orthodoxe, qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce que l’organe est accepté ? Le don d’organe est intéressant, car par principe, on ne sait pas d’où il provient. Et si c’est le cœur de son ennemi ? Et si c’est un hutu à qui on greffe un cœur tutsi ? Puis j’ai rencontré Nathalie Zamon Davis, qui a rédigé un livre sur Hassan al-Wazzan, dit Léon l’Africain. Une collision s’est opérée entre le personnage d’al-Wazzan, Nathalie, le thème des dons d’organe, la question de l’ennemi qui vous sauve la vie… », avait-il alors répondu.

(Pour mémoire : Wajdi Mouawad là-haut sur la Colline)

Le prix du meilleur spectacle créé en province revient à « Saïgon » de Caroline Guiela Nguyen, pièce événement du estival d’Avignon 2017, sur des récits d’exilés vietnamiens de la première et deuxième génération. « Tristesses », où la metteure en scène belge Anne-Cécile Vandalem raconte à la manière d’un polar scandinave la prise de pouvoir cynique d’une dirigeante d’extrême droite au Danemark, remporte le prix du meilleur spectacle étranger.

Le comédien Benjamin Lavernhe, dont la prestation a été qualifié d' »époustouflante » par la presse, reçoit le prix du meilleur comédien pour « Les Fourberies de Scapin », mise en scène par Denis Podalydès (Comédie-Française). Révélé sur grand écran dans « Le sens de la fête », il était en lice cette année pour le César du meilleur espoir masculin et pour le Molière du meilleur acteur dans le théâtre public.

Côté actrice, Anouk Grinberg a été récompensée pour son interprétation dans « Un mois à la campagne » d’Ivan Tourgueniev, mis en scène par Alain Françon. La presse avait salué son incarnation « subtile » du personnage de Natalia Petrovna, épouse frustrée. « Les ondes magnétiques », une comédie signée David Lescot sur les radios libres dans la France des années 80, reçoit le prix de la meilleure création d’une pièce en langue française.

Quant au prix du meilleur spectacle privé, il couronne « Seasonal Affective Disorder », une histoire d’amour transgressive signée Lola Molina. En musique, le Grand Prix va à l’opéra comique de Daniel-François Esprit Auber, « Le Domino Noir » (direction musicale, Patrick Davin).  Et en danse, « Finding now » d’Andrew Skeels et « Crowd » de Gisèle Vienne se partagent le grand prix, tandis que les danseurs de la « Shechter II », compagnie junior du chorégraphe Hofesh Shechter ont été sacré meilleurs interprètes.

Les prix sont décernés par l’association professionnelle de la critique de théâtre, de musique et de danse qui regroupe 140 journalistes de la presse écrite et audiovisuelle, française et étrangère.

 

Wajdi Mouawad : « Aller vers l’ennemi, contre sa propre tribu, c’est aussi le rôle du théâtre… »
LE GRAND ENTRETIEN DU MOISDerrière la place Gambetta, il y a le théâtre de la Colline et le bureau de Wajdi Mouawad, qui baigne dans une lumière crue d’hiver, sous les toits parisiens. C’est un artiste très concentré qui nous reçoit, qui s’exprime avec mesure et clarté, et dont les mots ont la densité et l’efficacité de ceux pour qui l’enjeu verbal est existentiel. L’auteur parle de sa rencontre avec l’écriture, de ses rapports avec le succès, de son nouveau spectacle avec humilité et fluidité. Derrière le parcours caillouteux d’un artiste, le cheminement d’un homme pétri de doutes et d’espoir.

Joséphine EL-KHAZEN, à Paris | OLJ
12/12/2018

Comment devient-on artiste ? Vous avez dit qu’on se forme par « sédimentation »…

Pour Novalis, « toutes les vicissitudes de la vie sont des matériaux dont nous pouvons faire ce que nous voulons ». Le mot le plus important ici est « toutes »; il y a des tempéraments chez qui les perceptions de ce qui arrive s’impriment de manière photographique, et elles restent comme un souvenir. Ensuite, il y en a d’autres par-dessus, elles s’impriment sur cette même surface que sont l’esprit et la sensibilité, et on ne change pas de papier.

Quelques éléments de mon enfance m’ont marqué, comme les récits de miracles pendant la guerre et « les statues qui bougent », cela m’a fondé et passionné. En France, la découverte de la peinture lors d’une sortie scolaire au musée du Louvre. Jusque-là, je n’avais jamais pensé qu’on pouvait peindre… des pommes ! J’avais déjà vu des tableaux dans des églises où on ne regarde pas le tableau, mais le récit. Au Louvre, j’ai compris l’existence d’un tableau. Au Québec, dans le froid, l’hiver, la solitude, en livrant les journaux (ce que faisaient tous les jeunes de mon âge), j’étais porté par des frustrations, mais aussi par des rêves, des désirs, des envies.

Cette surface qu’est notre sensibilité est travaillée en permanence, mais elle doit trouver son mode d’expression, sinon elle reste une matière brute. La révélation peut se faire lors d’un événement expressif : on joue un texte avec des amis, on va au théâtre et ça donne envie d’en faire, on lit des romans, qui ont été édités, et ça donne envie d’être édité…
Quelque chose apparaît alors entre cette sensibilité additionnée et le filon qui permet l’expressivité. Ce chemin est un parcours.

 

(Lire aussi : « Tous des oiseaux », dit Wajdi Mouawad, et le spectateur y laisse des plumes)

 

« Trouve un foulard, achète un cahier, va dans les cafés, fume, écris. Fais semblant. » Tel est le conseil d’un directeur d’école canadien à qui vous exprimez votre volonté d’être écrivain. Y repensez-vous parfois ?
J’y pense tous les jours. Faire semblant… L’idée que je suis écrivain ne me rentre pas dans la tête, pas comme les écrivains que j’aime, Novalis par exemple. Mais je me dis que je peux faire semblant, c’est possible. Plus le déguisement est vrai, plus c’est vrai, et donc plus ce que je fais ressemble à une pièce de théâtre. Ça aura l’air d’une œuvre d’art, mais c’est un faux. Cette distance, c’est ce qui me libère le plus, ça me permet de ne pas arrêter.

 

Comment rédigez-vous vos pièces ?
Dès que je commence à exprimer l’envie de faire un spectacle, je dois tout raconter, sinon ça ne se fera pas. Il faut parfois sept ou huit ans avant de parler. Ensuite, définir le nombre d’acteurs, les engager et puis raconter. Le texte s’écrit au fur et à mesure des répétitions, après avoir été confronté à l’équipe pour le récit oral – toute l’équipe : des techniciens aux comédiens… Je suis fragmenté par la parole des autres. Cette fragmentation permet plus de compréhension et plus de richesse des mots, et là, les idées viennent. Alors, je note, je décante. Quelque chose se dépose sous forme de structure dramatique, puis c’est un travail de théâtre : on travaille les scènes. En travaillant au plateau, je travaille le texte, je tire des fils. Je crois que ma méthode est assez commune, c’est celle de Sophocle ou de Shakespeare, à l’époque où les auteurs étaient des metteurs en scène. Je ne peux pas écrire puis mettre en scène ; pour moi, c’est à l’envers, et j’écris avec tout. Le plateau devient mot, la chaise déplacée, la présence d’un acteur : ce sont des mots. Tout est mis ensemble pour former un texte. Le spectacle utilise des écritures diverses et tout est écriture : le nom du personnage et sa réplique, une réplique prononcée au bord de la mer, le bruit des vagues… Le choix du corps de l’acteur est écriture : un acteur gros écrit déjà des choses. Le texte est une écriture, mais pas la seule.

 

(Pour mémoire : David Grossman dans les yeux de Wajdi Mouawad)

 

Auteur et directeur de théâtre : comment fonctionne l’équation ?
Je n’ai pas un tempérament monastique et être totalement dédié au théâtre, à l’expression, au point de tout sacrifier (famille, vie sociale…) me semble difficile. Le pire, c’est de faire ce qui n’est pas dans son tempérament. Et pour moi, le rapport au monde, au réel, au social, est très important. La création ne supporte aucune intrusion du monde réel. Or, dans les moments de création, rien n’est important, d’où la volonté de franchir le pas suivant et de m’ouvrir au monde : qu’est-ce que je peux faire ? Comment participer ? Diriger un théâtre relève de ces questionnements. Le rapport à la création me déstabilise et j’ai besoin de cette ouverture : m’occuper de l’équipe, de l’écriture des autres, des gens du quartier, du public, des jeunes… Passer de la création à la direction du théâtre de la Colline correspond à mon tempérament.

 

Vous semblez proche des jeunes et avez à cœur de les impliquer dans l’actualité de la Colline. Est-ce par souci de transmission ?
Je suis attaché à cette période de la vie, lorsqu’on est sorti de l’enfance. Le monde est un horizon immense, on a l’élan de l’enchantement et l’espoir peut se fonder. La jeunesse observe le monde qui l’a éduqué. Forte de son observation, elle veut faire les choses à sa façon, c’est beau, génial et pas mortifère. J’aime d’autant plus ça que je ne m’associe pas à eux. Plus j’avance en âge et plus j’aime ça. Le monde leur appartient, il y a quelque chose de tellement vivant en inventant le langage, ils ont de nouvelles préoccupations, ils sont à un âge où ils ont besoin de parole, de mots, de dialogue… J’ai envie d’être avec eux comme j’aurais aimé qu’on soit avec moi.

 

Que souhaitez-vous à la jeunesse libanaise ?
Je lui souhaite une manière nouvelle de faire de la politique par le décloisonnement, l’intelligence et la sensibilité. Elle doit se demander comment l’expérience traumatique commune de la guerre pourrait être un espace de reconstruction, une reconstruction non clivée. La jeunesse libanaise doit rejeter les clivages que ses grands-parents ont subis et entretenus.

 

(Pour mémoire : Un rendez-vous déjanté avec la mort)

 

Quelle est la place du temps dans votre écriture ?
Pour moi, il y a trois temps : le temps historique, le temps messianique ou religieux (on attend quelque chose) et le temps métaphysique
Dans mes pièces, on trouve une combinaison des trois. L’histoire et la situation historique sont déterminants (les deux guerres mondiales, la guerre du Liban…) : je vois l’histoire comme une goudronneuse dans nos existences. Elle écrase le temps des individus (la guerre civile libanaise a défait de nombreuses familles) et fait apparaître des thèmes adjacents (nostalgie, mélancolie…).
La combinaison de ces trois temporalités crée le temps du théâtre du début à la fin de la pièce. L’enjeu pour l’auteur et le spectateur est le même : comment traverser le temps de la représentation ?

 

Quel est votre lien avec le public ? S’agit-il d’un rapport de séduction ?
C’est une relation, et la séduction est présente dans les prémices. Il doit y avoir de la séduction dans la manière d’aborder une histoire. Mais très vite, l’histoire d’amour entre l’auteur et le spectacle tourne au vinaigre : la séduction devient une menace, car une guerre s’opère entre l’auteur et son texte. Le danger pour un auteur, c’est d’être trop séduit par son spectacle. Parfois il faut couper, renoncer, avancer avec un couteau pour aiguiser le texte. Quand le public arrive, l’amour et la séduction prennent tout leur sens…

 

Comment avez-vous vécu votre immense succès depuis Littoral et Incendies ?
Très, très mal. Je ne sais pas comment le gérer. Je ne sais pas ce qu’il signifie, je ne le personnalise pas : j’ai l’impression qu’il s’agit de quelqu’un d’autre. J’essaye de m’abstraire de rapports avec le public, je l’évite, je ne sais pas comment le porter, et je me sens faux quand je le vois.

 

Travaillez-vous sur un projet de roman ?
Oui, il a encore besoin de quelques années. Je n’ai pas le désir d’avoir une œuvre romanesque très nombreuse. Avec quatre, je serai content.
Mon prochain roman est costaud, le Liban est encore au centre ; en fait, il est au centre de chaque partie de mon œuvre. Pour rédiger un roman, je pars d’un fil. Formellement, c’est très complexe. Cette fois, c’est un événement de mon enfance. Quand la guerre a commencé, mon père nous a fait faire 5 visas : pour l’Égypte, le Royaume-Uni, la France, les États-Unis et l’Italie. Quand il a fallu quitter le Liban très vite, mon père a envoyé mon frère à l’aéroport pour qu’il se renseigne sur le départ le plus rapide vers une de ces destinations. Et ce fut la France. Que serais-je devenu si ça avait été l’Italie ? Je vis avec quatre frères jumeaux à l’intérieur de moi, et mon prochain roman met en scène ces cinq possibilités.

 

Tous des oiseaux est votre nouveau spectacle, le premier que vous présentez à la Colline. Que veut dire ce titre ?
La pièce s’appelait au départ Le chant de l’oiseau amphibie, mais j’ai trouvé le titre trop réducteur, car ce texte parle de tout le monde. Il renvoie à de l’aérien, du mouvement : l’oiseau ne reste jamais posé très longtemps et ce mouvement nous concerne tous. L’identité fixée n’existe plus, elle devient même étrange.

 

(Pour mémoire : Wajdi Mouawad là-haut sur la Colline)

 

Vos textes naissent souvent d’une rencontre. Quel est l’événement fondateur de Tous des oiseaux ?
Il y a quinze ans, je me suis posé une question qui peut paraître saugrenue : comment se passe la question du don d’organe en Israël ? Quand un organe vient de quelqu’un qui n’est pas de notre communauté et qu’on est juif orthodoxe, qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce que l’organe est accepté ? Le don d’organe est intéressant, car par principe, on ne sait pas d’où il provient. Et si c’est le cœur de son ennemi ? Et si c’est un hutu à qui on greffe un cœur tutsi ? Puis j’ai rencontré Nathalie Zamon Davis, qui a rédigé un livre sur Hassan al-Wazzan, dit Léon l’Africain. Une collision s’est opérée entre le personnage d’al-Wazzan, Nathalie, le thème des dons d’organe, la question de l’ennemi qui vous sauve la vie…

 

Dans Tous des oiseaux, vous êtes-vous senti dépossédé de votre langue d’écriture, le français ?
Dans mes textes précédents, je n’ai pas posé la question de la langue. Tous des oiseaux, c’est l’histoire d’une famille juive éclatée sur trois continents, et les différentes langues se sont imposées.
Il était important de respecter les langues originales des personnages. J’ai dû modifier ma méthode et la décaler : j’ai écrit avant de répéter, car il a fallu traduire mon texte en quatre langues, anglais, allemand, arabe et hébreu, avec des surtitres en français. Comme auteur, je me suis retiré : on n’entend pas ma langue d’écriture. Les surtitres ne sont pas le texte complet. Il y a eu la disparition de ma langue, peut-être ai-je voulu revivre la disparition de ma langue maternelle quand j’ai quitté le Liban avec ma famille ? Oui, c’est bien une dépossession, mais maîtrisée.

 

Poétique et politique se retrouvent-elles sur scène ?
Dans ma dernière pièce, elles se rejoignent très nettement. La situation est d’emblée posée en termes politiques, en mettant en scène trois langues problématiques ensemble : l’arabe, l’allemand et l’hébreu. En cas de litige, on emprunte l’anglais. D’une certaine manière, la situation du Moyen-Orient est liée à la langue allemande. Dans mon spectacle, je les mets ensemble dans un conflit familial. Cela articule une situation intime avec une situation plus globale, et c’est ce qui m’intéresse : comment l’intime est bouleversé par la marche du monde.

 

La figure de l’ennemi est récurrente dans votre œuvre. Que dire de cette thématique dans le Liban actuel ?
Au Liban, le contexte de guerre est encore très présent, cela vient de la façon dont nous vivons les suites de la guerre. Je remarque que chacun des clans de la mosaïque est incapable de faire un travail sur lui-même, incapable de prendre de la distance par rapport à ses responsables, à ce qu’ils ont fait. Chacun se focalise sur ce qu’il a subi. Tant que personne ne se responsabilise, la réconciliation est impossible. Je ne peux pas faire ce travail pour un autre clan. À partir de là, une question : quelle est la part de responsabilité de mon clan, ce clan auquel je suis attaché et où je me reconnais ? En essayant d’y répondre, j’agis dans un sens qui me semble juste. C’est ce qui arrive dans d’autres communautés : des artistes, des sociologues, des journalistes le font. Mais quelque chose résiste, l’amnésie résiste.

 

C’est la question de l’engagement de l’artiste qui est en jeu ?
Dans le contexte politique régional, la question de l’engagement se pose à plus forte raison quand on est écrivain : que faire ? Écrire contre ? Écrire pour ? Ne pas écrire ? Écrire pour aller dans le sens des souffrances de mon propre peuple ? Mais mon peuple non plus n’est pas l’innocente victime, comme on a voulu me le faire croire. Quel chemin suivre quand il n’y a pas d’espoir de voir ce conflit s’achever ? Si la réconciliation est très éloignée, la destruction est impensable. Reste alors une situation de pourrissement qui se transmet de génération en génération.
Ma manière d’être consiste à refuser de conforter mon clan, à agacer mon camp, celui des Libanais chrétiens de confession maronite. On m’a appris à détester tous ceux qui n’étaient pas de mon clan. Sans le préméditer, lorsque j’ai commencé à écrire du théâtre, je me suis obstiné à créer des personnages, qui étaient justement ceux que l’on m’avait fait haïr, en leur donnant les plus beaux rôles, en faisant d’eux les vecteurs des plus fortes émotions.
Il en va ainsi des musulmans dans Incendies et d’un Palestinien dans Anima. J’ai envie d’écrire et d’aimer les personnages de Tous des oiseaux ; c’est insignifiant, ça n’apportera pas la paix, mais c’est aussi le rôle du théâtre : aller vers l’ennemi, contre sa propre tribu. Quant à ceux qui, ces derniers temps, ont soulevé la question du soutien de l’ambassade d’Israël à Tous des oiseaux, ils méconnaissent malheureusement la production en spectacle vivant. L’ambassade a payé les billets d’avion des artistes israéliens qui sont sur ce plateau, comme il se fait très régulièrement dans le théâtre. Rien de plus

 

La question de l’identité semble résolument être au cœur de votre écriture…
Oui – ou plutôt, le danger de la corrélation entre identité et origine. Je dirai toujours que mon origine est libanaise, mais mon identité n’est pas la même aujourd’hui que dans dix ans. L’identité continue à évoluer, elle est devant moi. Elle n’est pas fixée par l’origine, c’est un rêve. C’est une construction active avec les autres, avec soi, elle est en chemin, elle n’est pas la maison. C’est la confusion entre identité et origine qui crée le rejet.

 

« Maintenant, nous sommes ensemble, ça va mieux. » Cette phrase extraite d’Incendies résume-t-elle votre approche du théâtre ?
Le théâtre, ce sont des vivants ensemble, il n’y a pas de morts. On regarde des gens vivants. Alors que le cinéma est un rapport solitaire (chaque spectateur est seul devant l’écran), au théâtre, le groupe apparaît autour d’une parole. La danse aussi, mais ce n’est pas autour d’une parole. Le théâtre est un rassemblement autour du langage, des mots, de l’écriture, de ce qui nous définit comme humains. On est rassemblés autour de ce qui nous détermine. Au théâtre, on n’essaye pas de convaincre, on se pose des questions : qui sommes-nous ; comment faire face à la vie et à la mort; qu’est-ce que les enfants ; qu’est-ce que le mal ? Quand on se pose ensemble une question profonde, ça va mieux.

 

Vous rêvez d’un « miracle, d’un spectacle qui bouleverserait tellement les gens qu’en sortant ils seraient transformés »…
Les récits et les émotions sont des vecteurs de transmission et de transformation. Ce n’est pas dogmatique. Ce que je propose s’additionne à d’autres propositions. Attention au danger des émotions qui peuvent manipuler le spectateur. Le défi est de créer de façon que l’émotion jaillisse là où on ne l’a pas calculée. Pour cela, on travaille par ricochet, par aveuglément. On ne travaille pas en ligne directe, sinon on est dans la manipulation. C’est très intuitif, il ne faut pas voir le poisson, mais le deviner, aller vers lui, et avancer comme Orphée.

 

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Ouverture du premier Forum littéraire sino-arabe sous le signe du dialogue entre les civilisations

Publié le 2018-06-22 à 07:00 | french.xinhuanet.com

 

LE CAIRE, 21 juin (Xinhua) — Le premier Forum littéraire sino-arabe, intitulé « L’innovation littéraire sur la Nouvelle Route de la Soie », s’est ouvert jeudi au Caire, la capitale égyptienne, ayant pour objectif de promouvoir le dialogue entre les civilisations.

Cet évènement comptera trois grands thèmes : « Patrimoine et innovation littéraire », « La littérature dans la vie moderne », et « La traduction des oeuvres littéraires ».

Le forum reflète l’importance particulière que la Chine attache à son dialogue avec les autres civilisations, et notamment avec la civilisation arabe, a déclaré au cours du forum Saeed al-Masry, secrétaire général du Conseil suprême pour la culture d’Egypte.

Une cinquantaine d’écrivains et auteurs venus de Chine, d’Egypte, d’Algérie, d’Irak, du Koweït, du Maroc, du Soudan, de Tunisie, du Yémen, de Jordanie et de divers autres pays étaient présents à l’évènement.

Parmi les 13 écrivains chinois invités, figuraient notamment Yu Hua, l’auteur de « Vivre ! », et Liu Zhenyun, l’auteur de « En un mot comme en mille ».

L’ambassadeur de Chine en Egypte, Song Aiguo, a qualifié ce forum comme d’une plateforme de promotion des relations culturelles sino-arabes, affirmant que la Chine et les pays arabes jouissaient tous d’une longue histoire et d’une civilisation ancienne.

La Route de la Soie des temps modernes ne servira pas seulement à stimuler le commerce, mais encouragera aussi le développement de la culture, de la littérature et de la traduction, a quant à lui affirmé Tie Ning, directeur de l’Association des écrivains chinois.

Habib al-Sayegh, secrétaire général de l’Union des écrivains arabes, a appelé les Arabes à se familiariser avec la culture chinoise, afin de pouvoir mieux comprendre la littérature chinoise. Il a qualifié cet évènement culturel d’une excellente manière de promouvoir les travaux de traduction.

Alaa Abdel Hady, directeur de l’Union des écrivains égyptiens, a quant à lui déclaré que ce forum reflétait l’existence d’une solide base culturelle commune à la Chine et au monde arabe, et allait permettre de renforcer les liens entre les deux parties dans de divers domaines.

Les échanges entre cultures et civilisations constituent l’un des legs les plus durables de l’ancienne Route de la Soie, et cet héritage se perpétuera sur la nouvelle Route de la Soie, a-t-il ajouté.

المسلم.. الإيراني.. العربي.. “شرير” هوليوود الجديد

بينما انسحب الرئيس الأميركي دونالد ترامب من المعاهدة النووية مع إيران، نلاحظ أن هوليوود تعمل منذ سنوات على بناء صورة عدو جديد يحل محل “الشرير” الشيوعي القديم. هذا العدو الجديد هو المسلم العربي أو الإيراني كإرهابي في كامل قوته. رغم كل هذا، تنجح بعض الأفلام في الإفلات من هذه الصورة الكاريكاتورية.

لا يجب أبداً التقليل من أهمية الجهل الطافح في الأفلام والمسلسلات الأمريكية المتعلقة بالعالم العربي والإسلامي. ففي حلقة “هوملاند” (الوطن) » الخاصة بسوريا، والتي تم تصويرها في جنوب إفريقيا، كان على الممثلين العرب المحليين الذين تم توظيفهم للقيام بدور الإرهابيين ومثيري الكراهية أن يقوموا بكتابة شعارات معادية للأمريكيين على الجدران في مخيم اللاجئين.

ووفقًا لصحيفة الغارديان البريطانية التي أوردت القصة، فكر الفنانون في الوهلة الأولى في رفض اقتراح العمل “إلى أن أدركنا أنه بإمكاننا تمرير خلافنا مع محتوى المسلسل”.

وهكذا أصبحت “كاري” بطلة المسلسل تمر أمام كتابات جدارية باللغة العربية تعلن بأن “مسلسل هوملاند عنصري”، و“هوملاند ليس مسلسلا”، “لا تثقوا في هذه القصة”، “هذا البرنامج لا يعكس رؤية الفنانين”. وأثارت الحادثة ضحكا عارما في البلدان العربية. وقد ظهر جليا أن لا أحد من طاقم المسلسل كان يعرف قراءة اللغة العربية.

الشقراء و“الفتى الشرير”

قام جاك شاهين من جامعة جنوب إلينوي بدراسة “أساطير العرب-لاند” من خلال فيلم وثائقي وكتاب بعنوان “العرب الأشرار الحقيقيون”: كيف تقوم هوليوود بذم الناس »(interlink books, 2009 ) منذ بداية السينما. وهو يرى أن الهنود الحمر وحدهم من أسيء لهم أكثر من العرب على الشاشة. وقد أصبح العربي اختصارًا لشخص الشرير، بعد فترة طويلة من موافقة صناعة السينما على القيام بتغيير في طريقة تمثيل مجموعات الأقليات الأخرى. فمن خلال حوالي 300 فيلم يتضمن شخصيات مسلمة (عربية أو إيرانية) تمت دراستها، نجد نفس النسبة من الأفلام الرديئة التي هي في أفلام الغرب (واستارن) والتي تجعل منهم العدو العام رقم واحد؛ وهو عدو وحشي رافض للحضارة الغربية التي ينوي تدميرها عن طريق الرعب.

يظهر العربي في الأفلام التاريخية على أنه يعيش في الصحاري مع حريمه حيث تؤدي النسوة رقصات شرقية وهن مرتديات غلالات خفيفة. أما القائد، فهو دوما بكرش كبير، والوزيردوما خائن، كما تم تصويره بشكل كاريكاتوري مثالي في فيلم “علاء الدين” لوالت ديزني. بينما يعود دور ابنة السلطان دائما إلى ممثلة بيضاء “مستشرقة”.

والصورة النمطية “للشيخ” (الذي شخصه “رودولف فالنتينو” عام 1921 في الفيلم الذي يحمل نفس الاسم) مستلهمة مباشرة من الاستشراق التصوري والرومانسي الأوروبي. ونرى في فيلم “هاروم سكاروم” (حفل في الحريم- 1965) ألفيس بريسلي يقوم بإنقاذ حياة أمير ويكافئه هذا الأخير بإهدائه حريم، غير أن ألفيس يرفض لأنه وفي لخطيبته في البلاد.

ألهمت قصص “ألف ليلة وليلة” ما لا يقل عن عشرة أفلام. ففي فيلم “علاء الدين” لديزني( 1992) يعلن المقطع الأول لأغنية الفيلم ( بالإنجليزية) بأننا في بلد “يتم فيه التعذيب وقطع أيادي اللصوص”.

فالعربي، وهو من كبار قطاع الطرق، مثله مثل الهنود الحمر في الغرب الأمريكي، يقوم بمهاجمة القوافل، ويعيش في واحة ويبحث دائماً عن امرأة بيضاء، كما هو الحال في فيلم جوهرة النيل (1985) أو في فيلم أبدا لا تقل أبدا مرة أخرى(1983) حيث يتم عرض الممثلة “كيم باسينجر” في المزاد على عرب شهوانيين.

أحدثت أزمة 1973 والارتفاع الحاد في أسعار النفط صدمة عميقة في المجتمع الأمريكي. في فيلم “شبكة”)(Network ـ وضع اليد على التلفزيون – 1976) تظهر شخصية الأمير الخليجي (الجديدة) الغني والبليد والجشع الذي يشتري كل أمريكا.

في أحد المشاهد، يطلب المذيع التلفزيوني من الأمريكيين أن يصرخوا بكراهيتهم من نوافذهم مذكرا بذلك بالخطابات الهتلرية ضد اليهود خلال ليلة البلور.1.

صورة الإرهابي في أعقاب ١١ سبتمبر

كان لهجمات 11 سبتمبر / أيلول 2001 في نيويورك وواشنطن صدمة مماثلة للهجوم الذي شنه اليابانيون في “بيرل هاربر” على الأسطول الحربي الأمريكي في 7 ديسمبر / كانون الأول 1941، وقد أخذ المسلم بصفة واضحة المرتبة الأولى في ترتيب الأشرار.

غير أن هذا المجال الذي لم تكن تنقصه التغذية قبل هذا التاريخ – مع أفلام “تحت الحصار” (Under Siege -1986)؛ “مطلوب: حيا أو ميتا”(1987)؛ “أكاذيب حقيقية” (True Lies -1994) – قد عرف نفسا جديدا مع سلسلة “هوملاند” (2011)، أو أفلام “حرب الزومبي العالمية” ( 2013) و“سلاحف النينجا” ( 2014) و“قناص أمريكي” ( 2014).

تعالج المسلسلات التليفزيونية “سليبر سيل” (خلايا نائمة ) و“هوملاند” حالات الخلايا الإسلامية النائمة وتغذي أسبوعيا الخوف من عدو خفي. ففي مسلسل “جيل القتل”/ (Generation kill – 2008) المتعلق بفرع من قوات المارينز الأمريكية في العراق عام 2003 ( هناك موقع مخصص له) لا وجود لأي بطل عراقي. كما لا توجد أيضا أية شخصية عراقية إيجابية في فيلم “قناص أمريكي” التي تروي سيرة القناص الأمريكي “كريس كايل”، في حين كانت تتداول على شبكة الإنترنت مآثر القناص العراقي “جوبا” ، الذي تبدو صورته قليلة الجاذبية بالنسبة للسينما الهوليودية.

وقد لاحظت “اللجنة العربية الأمريكية لمكافحة التمييز”، التي اعتبرت أن هذا التمثيل مشين ومهين، أنه “في كل مرة يقوم فيها أحد العرب بالوضوء قبل إقامة الصلاة ، تنذر الصورة المشاهد بأن عنفا سيحصل”

في فيلم “مجموع كل المخاوف” 2012- (The sum of all fears ) المقتبس من رواية “توم كلانسي” يتم تصور هجوم إرهابي يشنه عرب إسلاميون خلال السوبر باول، المباراة النهائية في دوري كرة القدم الأمريكية. كان ذلك فورا بعد 11/9 وكان “جورج دبليو بوش” يريد أن ينأى بنفسه عن فكرة شن حرب دينية ضد الإسلام. وإثر احتجاج “مجلس العلاقات الأمريكية الإسلامية” تم استبدال دور الإرهابيين العرب بنازيين أوروبيين جدد. ولكن ذلك كان استثناء.

فالعربي-الإيراني-الإرهابي من التوابل الحارة المحببة إلى السيناريوهات الباهتة التي لا نفس كبير لها. ففي فيلم “العودة إلى المستقبل 1- 1985” يقوم إرهابي بإطلاق نار رشاش على عالم من دون أن نعرف جيداً ما علاقة ذلك بالقصة. وفي سلسلة “بريزون بريك”، الموسم 2، الحلقة 15، يطالب العميل كيم بإخفاء قضية محرجة قائلا: “أشعل النار في فلوريدا أو قم بأي شيء (…) أو ابحث عن مستودع مليء بالعرب”)2

العداء لأمريكا يوحّد كافة الأشرار

يبدو الإرهابي إنسانا مهووسا ذو نظرة مجنونة ومع ذلك فهو أبله قليلا: ففي فيلم “العودة إلى المستقبل 1” يتعطل رشاشه وترفض سيارته التحرك؛ وفي فيلم “أكاذيب حقيقية” تسرق منه فتاة مفتاح المفجر النووي. كما لا يملك هذا الإرهابي المختبئ في طوابق ناطحة سحاب حيلة أمام التصميم البارد “لأرنولد شوارزنيغر” وهو يقود طائرة ذات إقلاع عمودي (ربما كانت متوقفة عند سفح المبنى).

لكننا نصل إلى قمة الهذيان في فيلم “قواعد الاشتباك” ( 2000) حيث يؤمر الكولونيل “تيري تشايلدرز” بتأمين إجلاء السفارة الأمريكية في اليمن والتي كانت تواجه حشدا مسلحا لا يمكن السيطرة عليه. يأمر الكولونيل بفتح النار ويقتل طفلة ذات ساق واحدة. وأمام المحكمة العسكرية، وبعد أن تخلى عنه الجميع، يدافع عنه العقيد “هودجز” الذي يعمل على برهنة بأنه كانت هناك حالة من الدفاع عن النفس: فحتى الطفلة ذات الساق الوحيدة وهي في سن العاشرة تصور على أنها كانت تطلق النار على الجنود الأمريكيين!

وبالتالي يتحول الشرق الأوسط الى بوتقة انصهار يتعاون فيها جميع الأشرار. تظهر سلسلة “هوملاند” معسكرا لحزب الله الشيعي مليء بلاجئين سوريين أتوا من منطقة الرقة السنية. ويظهر سوري سني فار من قنابل نظام بشار الأسد وهو يلجأ إلى منطقة يسيطر عليها حزب الله الشيعي بقيادة شيخ سني!

تصور سلسلة “آرمي وايفز » (2007)يتيمة عراقية صغيرة تستقبلها عائلة وهي تقر بأن”الأمريكيين لا يريدون إلحاق الأذى بالشعب العراقي » على عكس ما يروجه الناس في بلدها ، وتتعلم الطفلة الطبخ (الأمريكي).

بالمقابل، لا توجد كلمة أو فيلم واحد معادي للمملكة العربية السعودية، باستثناء فيلم “المملكة” (2007) الذي يشير إلى الهجوم الإرهابي على معسكر “الخبر” عام 1996.

يتابع الفيلم تحقيقا يجريه عميل من مكتب التحقيقات الفيدرالي بخصوص التفجير الذي أودى بحياة 19 جنديًا أمريكيًا. وقد قامت كل من الكويت والبحرين بحظر عرض الفيلم، لكن الرياض لم تقم بذلك الإجراء لأن المتعاون السعودي ليس لديه دور سيء في الفيلم. ويلمح السيناريو إلى مسؤولية حزب الله الشيعي حتى يتم تحاشي اتهام تنظيم القاعدة. مع أن “وليام بيري”، وزير الدفاع الأمريكي، اعترف في مقابلة أجريت معه سنة 2007 بعكس ذلك: « أعتقد الآن أن القاعدة، وليس إيران، هي المسؤولة عن الهجوم الذي وقع عام 1996 على القاعدة الأمريكية. وقد أكد وزير الداخلية السعودي قوله، لكن ذلك لم يكن يناسب كتّاب السيناريوهات بهوليوود.

أفلام ممنوعة وأخرى تحت مقصّ الرقيب

ولهذا الهوس الهوليوودي آثار في المقابل. فبالنسبة للمواطنين العرب، كل فيلم ينتقد العالم العربي هو هوليوودي الطبع. كما كان الحال مثلا مع الفيلم الهاوي المفرط في الركاكة “براءة المسلمين”(2012) الذي تم بثه على أرضية يوتوب، والذي يظهر المسلمين والرسول بأنهم عديمي الاخلاق ووحوش. وقد أدت المظاهرات المناهضة للولايات المتحدة التي تلت ذلك البث إلى مقتل أربعة أشخاص في تونس، أربعة في ليبيا، اثنان في السودان وواحد في لبنان.

وتزايد بعض الشخصيات الدينية في المسألة. فخالد المغربي، من مسجد الأقصى في القاهرة – والذي سبق أن سجن بسبب خطاباته العنصرية -أكد في خطبة خلال عام 2017 أن مسلسل“عائلة سيمبسون” (The Simpsons) ، “هو بدعة من بدع عبدة الشيطان المتآمرة منذ 17 عامًا” والتي تكون قد أعلنت عن مجيء دونالد ترامب إلى السلطة وعن هجمات 11 سبتمبر.

لا تثير قائمة أفلام هوليوود المحظورة في بعض البلدان الإسلامية المفاجأة: “ليس بدون ابنتي” في إيران؛ “الماتريكس 2” الذي تم حظره في مصر لأنه يشكك في عقيدة الخلق الإلهي للكون ؛ “ألكسندر” (2004) حظر في إيران بسبب العلاقة المثلية التي كانت تربط البطل ب“هيفايستونٌ” ، وذلك بعد أن اكد الرئيس محمود أحمدي نجاد بأن مثل هذه الانحرافات الجنسية لا وجود لها في بلاده.

في فيلم “300” (2007) و“300” 2، (ولادة إمبراطورية ، 2014)، وبخصوص معركتي “ماراثون وسالاميس” ، يشبه داريوس (الذي يتم تصويره دوما في ملابس السباحة) رجل “بانك” أمريكي مخدر، تغطي الأوشام والثقوب جسمه. ويظهر الفرس على شكل همجيين، جهلة وعدوانيين.

ثيميستوكليس، البطل الخارق الذي يتعين أن يبقى متوسطا الشاشة، لا يمكن إقحامه ضمن التشكيلة المنظمة والمنضبطة للجنود “الهوبلت” التي كانت هي وحدها سبب النصر (الإخراج فرض ذلك). باختصار، يصف الفيلم الفرس كما يصف أحمدي نجاد اليهود والأمريكيين اليوم. يتبنى فيلم “كتلة أكاذيب” (2008) أطروحة تواطؤ إيران مع قادة تنظيم القاعدة وأيضا مع الاتجار بالمخدرات.

عند نهاية الحلقة المائة من الموسم السابع من “هوملاند” ( الموسم الثامن في طور التحضير) نكون قد قمنا بجولة كاملة في الشرق الأوسط: العراق وأفغانستان، ثم لبنان وقطاع غزة، اليمن، إيران وأخيرا سوريا، ناهيك عن “قرصة” من فنزويلا، وفي الموسم السابع، “قرصة” من روسيا (ومازال ليس ثمة أي شيء يشير الى المملكة العربية السعودية بعد كل هذه الحلقات).

وتتعاون في هذه الأفلام والمسلسلات المنظمات الإرهابية مع بعضها بعضا، بغض النظر عن خلافاتها: فتنظيم القاعدة وحزب الله اللبناني وحركة طالبان والمخابرات الباكستانية وتنظيم الدولة الإسلامية، يتوافقون بشكل جيد في بيروت، مدينة المليشيات والنساء المحجبات.

للتذكير، “هوملاند” مقتبس من المسلسل الإسرائيلي “هاتوفيم” الذي يروي نفس القصة. هناك نسخة روسية قيد الإنجاز وحتما سيتم اعتبارها كعمل دعائي من قبل الدول الغربية.3

وفي الأخير قد يختفي الزومبي وراء الفلسطينيين. في فيلم “حرب الزومبي العالمية” (2013)، إذ يلجأ البطل الباحث عن مكان آمن لتجنب “الأموات-الأحياء” إلى مدينة القدس بنصيحة من العسكر. وقد تجنب هذا الإقليم غزو الأموات-الأحياء بفضل الحائط الفاصل ذي ال٦ أمتار علوا و700 كلم طولا الذي أقامه الإسرائيليون ضد الفلسطينيين. هذا ما يسمى جدار مزدوج الغرض: ضد الفلسطينيين وضد الزومبي. وفي فيلم دلتا فورس (1986)، يقوم التنظيم العالمي “الثوار الجدد” الذي يعلن ولاءه لآية الله الخميني بتحويل طائرة يتم تحريرها في الأخير، كما لم يفت على “شوك نوريس” مواجهة قائد المجموعة الخاطفة في قتال فردي.

وعلى متن الطائرة، يقوم فريق الكوماندوس بتبادل نخب مع الرهائن مع أداء مذهل لنشيد “أمريكا ذي بيوتيفول” يشيد بالتعددية الثقافية والوطنية. مع أنه لا يذكر أبدا في الواقع أنه قام مناضلون خمينيون بخطف طائرة، ولكن هل هذا مهم؟

في “30 دقيقة بعد منتصف الليل” الذي يروي عملية مطاردة أسامة بن لادن ، يقوم الفيلم بشرح مطول لممارسة التعذيب، مما يعطي الانطباع للمشاهد بأن ذلك ما ساعد وكالة المخابرات المركزية الأمريكية في العثور على مخبأ بن لادن في باكستان.

وكان الرئيس “جورج دبليو بوش” قد صادق قانونياً على ممارسة التعذيب من خلال مطالبته من قانونيين بارزين تقديم ثلاث مذكرات تستغل حدود اتفاقيات جنيف حتى يتم حرمان السجناء “قانونيا” من الحماية التي يكفلها القانون الدولي.

ومع ذلك لم يتردد بوش، خلال اليوم الدولي لمساندة ضحايا التعذيب، في حزيران/يونيو 2003 ، على التأكيد بأن الولايات المتحدة “تكرس جهودها للقضاء على التعذيب على المستوى العالمي، وأنها في طليعة هذه المعركة من خلال إعطاء المثل”.

تأثير الحرب على العراق

لكن الأمور تتغيرمن حيث لا نتوقع ، مما يجبر هوليوود على التفكير. فالجنود أصبحوا سينمائيين وقد عايشوا فظائع سجن أبو غريب ، ومجزرة المحمودية في عام 2006 ، وأشرطة فيديو لجثث محترقة…

يشرح المخرج بول غرينغراس : “بالنسبة لحرب فيتنام ، كان هناك انتظار أكثر من عشر سنوات بين مرحلة الذروة 1965-1969 لظهور فيلم ّ”أبوكاليبس ناو“(1979) وفيلم”صائد الغزلان“(رحلة الى نهاية الجحيم- 1978)؛” أصبحت المعلومات تتسارع اليوم، يجب أن يكون التفاعل أسرع ». اليوم تخرج الافلام عن الحرب والحرب متواصلة.

وأمام صعوبة انتقاد السياسة الرسمية، لا يزال الكتّاب يفضلون الموضوع المتكرر لسينما ما بعد حرب فيتنام المتمثل في صدمة المقاتل أو العودة المستحيلة إلى البلاد ، لكنهم يلتزمون الصمت حيال ما يعيشه العراقيون أو الأفغان.

يصور فيلم “خزانة الألم” ( 2008- The Hurt Locker) الحياة اليومية لفريق إزالة الألغام وفيه جرعة كبيرة من الأدرينالين. ولكن الفيلم يتجنب الخوض في مشروعية الحرب وفي عواقبها على السكان المحليين.

في “وادي إلاه” ( 2007)، يبقى الموضوع متعلقا بالاضطرابات النفسية الخطيرة التي يتعرض لها البطل الفار من الجيش والذي كان قد دهس طفلا بعربة عسكرية.

يختار المخرج “برايان دي بالما” الأسلوب الوثائقي في فيلم “أفعال محظورة”(Redacted- 2007) للتطرق إلى أحداث حقيقية خلال الحرب في العراق، مثل اغتصاب فتاة في الرابعة عشر من العمر من طرف مشاة البحرية الأمريكية أو تفجيرات انتحارية عند نقاط التفتيش مستوحاة من أشرطة الفيديو بثها جنود على الإنترنت. ولم يعرض الفيلم سوى في 15 قاعة سينما واتهم المخرج بالقيام بدعاية معادية لأمريكا.

استلهم فيلم “معركة من أجل حديثة” (2007) من عملية ضد قافلة لمشاة البحرية في العراق تلتها عملية انتقامية أدت الى مقتل 24 بريئا في نوفمبر / تشرين الثاني 2005.

يعالج “غود كيل” (قتل جيد) (2014) الحرب الحديثة التي تخاض بقنابل يتم إطلاقها عبر طائرات بدون طيار (درون) يوجهها جنود لا يغادرون الأرض الأمريكية. وتم تصوير ذلك من خلال بطل مخالف للعرف (antihéros) مصاب بالاكتئاب، يتهم الولايات المتحدة بإثارة الكراهية وصنع الإرهابيين.

لقد أصبحت أفلام الدعاية البحتة أكثر ندرة، لكن تبقى العينة “العربية-المسلمة” موردا واسعا ووفيرا بما فيه الكفاية لكي يتسنى لكتاب السيناريوهات تصميم بضع عشرات من الأفلام والمسلسلات التلفزيونية الأخرى لمدة عقد من الزمن قبل أن ينضب هذا المجال. نأمل ذلك على الأقل…

1الاسم الذي أعطي لمجزرة ضد اليهود وقعت من ليلة 9 نوفمبر/تشرين الثاني 1938 حتى 10 نوفمبر 1938 واليوم التالي في جميع أنحاء ألمانيا

2ذكر من طرف فرانسوا جوست في:De quoi les séries américaines sont-elles le symptôme ?, CNRS éditions, 2011 ; p. 54

3Francesca Fattori (dir.), « Séries télévisées. Paix et guerre sur le petit écran », Carto n° 33, janvier-février 2016

L’Arabo-irano-musulman, nouveau « méchant » d’Hollywood

Alors que le président Donald Trump est sorti de l’accord sur le nucléaire iranien, Hollywood s’emploie depuis des années à construire l’image d’un nouvel ennemi qui remplace le méchant communiste : l’Arabo-irano-musulman, un terroriste en puissance. Il arrive toutefois que quelques films échappent à la caricature.

Il ne faut jamais sous-estimer l’ignorance qui irrigue parfois les films et les séries américaines sur le monde arabe et musulman. Dans l’épisode de Homeland sur la Syrie, tourné en Afrique du Sud, les acteurs arabes locaux engagés pour faire les terroristes et sécréter de la haine devaient aussi écrire des graffitis antiaméricains dans le camp de réfugiés. Selon le Guardianbritannique qui rapporte l’histoire, les artistes ont d’abord songé à décliner la proposition, « jusqu’à ce que nous réalisions que nous pouvions faire passer notre désaccord avec la série ». Ainsi, l’héroïne Carrie passe devant des graffitis en arabe qui proclament : « Homeland est raciste », « Homeland n’est pas une série », « Ne faites pas confiance à cette histoire », « Ce programme ne reflète pas la vision des artistes ». Ce fut un immense éclat de rire dans les pays arabes. Personne ne savait lire l’arabe dans l’équipe de tournage !

LE « BAD GUY » ET LA FEMME BLANCHE

Jack Shaheen, de l’université du Sud-Illinois a étudié les « mythes d’Arabland » dans un documentaire et un livre, Reel Bad Arabs : How Hollywood Vilifies a People (Interlink books, 2009) depuis les débuts du cinéma. Selon lui, seuls les Indiens auraient été plus maltraités à l’écran. L’Arabe est devenu un raccourci du bad guy,longtemps après que l’industrie du cinéma a eu accepté de modifier la représentation d’autres groupes minoritaires. Dans les quelque 300 films aux personnages musulmans (Arabes ou Iraniens) étudiés, on retrouve la même proportion de « navets » que pour les westerns, faisant d’eux l’ennemi public n° 1, brutal, refusant la civilisation occidentale qu’il entend détruire par la terreur.

L’Arabe des films historiques vit dans le désert avec son harem et ses femmes qui dansent la danse du ventre en voilages légers. Le chef est ventripotent, le vizir est un traitre parfaitement caricaturé dans Aladdin de Walt Disney. La fille du sultan est toujours jouée par une actrice blanche « orientalisée ». Le stéréotype du « cheik » (personnalisé par Rudolph Valentino en 1921 dans le film éponyme, puis dans Le fils du cheik en 1926) est directement inspiré de l’orientalisme pictural et romanesque européen. Dans le film musical Harum Scarum, (C’est la fête au harem, 1965), Elvis Presley sauve la vie d’un émir qui lui fait cadeau d’un harem. Mais Elvis reste fidèle à sa fiancée au pays.

Les Mille et une nuits ont inspiré au moins une dizaine de films. Dans Aladdin de Disney (1992), le premier couplet de la chanson du film (en anglais) annonce qu’on est dans un pays où « on torture et coupe la main des voleurs ». L’Arabe, bandit de grand chemin, attaque les caravanes comme les Indiens dans les westerns, vit dans une oasis et recherche toujours une femme blanche, comme dans Le Diamant du Nil (1985), ou dans Never say Never again (Jamais plus jamais, 1983) avec la mise aux enchères de Kim Basinger au profit de lubriques Arabes.

La crise de 1973 et la hausse brutale des prix du pétrole traumatisent la société américaine en profondeur. Avec le film Network (Main basse sur la télévision (1976), le personnage (nouveau) de l’émir du Golfe richissime, idiot et cupide achète toute l’Amérique. Dans une des scènes, le présentateur de télévision appelle les Américains à crier leur haine à leurs fenêtres, rappelant les discours hitlériens de dénonciation des juifs lors de la Nuit de cristal1.

LA FIGURE DU TERRORISTE POST 11-SEPTEMBRE

Les attentats du 11 septembre 2001 à New York et Washington constituent un choc analogue à l’attaque de la flotte de guerre américaine par les Japonais à Pearl Harbor le 7 décembre 1941, et le musulman prend largement la tête du classement des méchants. Le créneau, déjà bien fourni avant cette date — avec Under Siege (1986) Wanted : dead or alive (1987) True Lies(1994) —, trouve un nouveau souffle avec la série Homeland(2011), ou les films World War Z (2013) Teenage Mutant Ninja Turtles (2014) et American Sniper (2014). Les feuilletons télévisés Sleeper Cell ou Homeland traitent le cas des cellules islamistes dormantes, alimentant de façon hebdomadaire la peur de l’ennemi caché. Dans la série Generation kill (2008) sur une section de marines en Irak en 2003 (un site lui est consacré), il n’y a aucun héros irakien. Aucun personnage irakien positif non plus dans le film American Sniper, histoire du sniper américain Chris Kyle, alors que sur Internet circulaient les exploits du sniper irakien « Juba », beaucoup moins photogénique.

L’American-Arab Anti-Discrimination Committee jugeant ces présentations insultantes et injurieuses, déclarait : « Chaque fois qu’un Arabe accomplit le rituel de se laver les mains avant la prière, cette image annonce au spectateur qu’il va y avoir de la violence. » Quelquefois, ces protestations aboutissent, mais c’est rare. The sum of all fears (La somme de toutes les peurs, 2002) tiré d’un roman de Tom Clancy imaginait un attentat de terroristes arabo-islamistes durant le Super Bowl2. On est alors dans l’immédiat après 11-Septembre et George W. Bush tient à se démarquer de l’idée d’une guerre religieuse contre l’islam. Devant la protestation du Council on American-Islamic relations, les terroristes arabes sont transformés en néonazis européens.

Mais c’est l’exception. L’Arabo-irano-terroriste sert à mettre du piment dans des scénarios qui s’essoufflent. Dans Back to the Future 1 (Retour vers le futur 1, 1985), un terroriste libyen mitraille le savant sans qu’on sache très bien quel est le rapport avec l’histoire. Dans Prison Break, saison 2, 15e épisode, l’agent Kim exige d’étouffer une affaire : « Allumez un feu de forêt en Floride ou n’importe quoi (…) ou trouvez un entrepôt plein d’Arabes »3.

TOUS LES MÉCHANTS UNIS DANS LEUR HAINE DES ÉTATS-UNIS

Le terroriste est un maniaque au regard fou, mais un peu idiot : dans Retour vers le futur 1, sa mitraillette s’enraye et sa camionnette refuse de démarrer ; dans True lies il se fait subtiliser par une jeune fille la clé du détonateur nucléaire. Mais caché dans les étages d’un gratte-ciel, il ne peut rien contre le calme froid d’Arnold Schwarzenegger aux commandes de son avion à décollage vertical (probablement stationné au pied de l’immeuble). Le sommet du délire est atteint dans Rules of engagement (L’enfer du devoir, 2000). Le colonel Terry Childers est appelé pour évacuer l’ambassade américaine au Yémen face à une foule armée et incontrôlable. Il ordonne d’ouvrir le feu et tue une petite fille unijambiste. Devant un tribunal militaire, abandonné de tous, il est défendu par le colonel Hodges qui va démontrer qu’il y avait légitime défense : même la petite fille unijambiste de 10 ans tirait au pistolet sur les GI.

Dès lors le Proche-Orient devient un melting-pot dans lequel tous les méchants collaborent. Homeland montre un camp du Hezbollah chiite, plein de réfugiés syriens venus de la région sunnite de Rakka. Un Syrien sunnite fuyant les bombes du régime de Bachar Al-Assad se réfugie dans une zone contrôlée par le Hezbollah chiite dirigé par un cheikh sunnite ! La série américaine Army Wives (2007) imagine une petite orpheline irakienne accueillie dans une famille, qui reconnait « que les Américains ne veulent pas de mal au peuple irakien »,contrairement à ce que racontent des gens dans son pays, et elle apprend à faire la cuisine (américaine).

En revanche, pas un mot ni un film contre l’Arabie saoudite, excepté The Kingdom (Le Royaume, 2007) évoquant l’attaque terroriste sur le compound (camp) d’Al-Khobar en 1996. Le film suit l’enquête d’un membre du FBI sur l’attentat qui tua 19 soldats américains. Il a été censuré par le Koweït et Bahreïn, mais pas par Riyad car le collaborateur saoudien n’a pas le mauvais rôle. Le scénario sous-entend la responsabilité du Hezbollah chiite pour ne pas accuser Al-Qaida. William Perry, secrétaire américain à la défense, avoua pourtant dans une entrevue accordée en 2007 : « Je pense désormais Al-Qaida plutôt que l’Iran responsable de l’attentat de 1996 visant la base américaine. » Le ministre de l’intérieur saoudien de l’époque confirmera ses dires, mais cela ne convenait pas aux scénaristes d’Hollywood.

DES FILMS INTERDITS OU CENSURÉS

Cette obsession hollywoodienne génère des effets en retour. Pour la population arabe, tout film critiquant le monde arabe est hollywoodien, comme le très mauvais film d’amateur Innocence of Muslims (L’innocence des musulmans, 2012), diffusé sur YouTube, qui présente les musulmans et le Prophète comme immoraux et brutaux. Les manifestations antiaméricaines ont fait quatre morts en Tunisie, quatre en Libye, deux au Soudan et un au Liban. Des dignitaires religieux eux-mêmes en rajoutent. Khaled Al-Maghrabi, de la mosquée Al-Aqsa du Caire — emprisonné dans le passé pour ses discours racistes — affirme dans un sermon de 2017 que la série Les Simpsons, « création des adeptes du Diable qui complote depuis 17 ans » avait annoncé l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, et les attentats du 11-Septembre.

La liste des films hollywoodiens interdits dans certains pays musulmans est sans surprise : Not Without My Daughter(Jamais sans ma fille) en Iran The Matrix Reloaded, interdit en Egypte parce qu’il remet en question le dogme de la création divine de l’univers Alexander (2004), interdit en Iran à cause de la relation homosexuelle du héros avec Hephaistion, le président Mahmoud Ahmadinejad ayant affirmé que de telles déviations sexuelles n’existaient pas dans son pays. Dans 300 (2007) et sa suite 300 2 (La naissance d’un empire, 2014) sur les batailles de Marathon et de Salamine, Darius — toujours en maillot de bain — ressemble à un punk américain drogué couvert de tatouages et de piercings. Les Perses sont des barbares incultes et agressifs. Thémistocle, le super héros qui doit rester au centre de l’écran ne peut pas être mélangé avec la formation serrée et disciplinée d’hoplites qui seule permit la victoire, (mise en scène oblige). En somme le film décrit les Perses comme Ahmadinejad décrit les juifs et les Américains aujourd’hui. Body of Lies (Mensonges d’État, 2008) reprend la thèse de la complicité de l’Iran avec les leaders d’Al-Qaida, mais aussi avec le trafic de drogue.

Au bout du centième épisode de la septième saison de Homeland(une huitième est en préparation), nous aurons fait le tour complet du Proche-Orient : l’Irak et l’Afghanistan, puis le Liban et la bande de Gaza, le Yémen, l’Iran et enfin la Syrie, sans oublier une pincée de Venezuela et, pour la septième saison, la Russie (toujours rien sur l’Arabie saoudite). Les organisations terroristes collaborent entre elles, quelles que soient leurs divergences : Al-Qaida, Hezbollah libanais, talibans, services pakistanais et organisation de l’État islamique (OEI) s’entendent très bien à Beyrouth, ville de miliciens et de femmes voilées. Pour mémoire, Homeland est l’adaptation de la série israélienne Hatufim qui raconte la même histoire. Une version russe est en cours qui sera certainement considérée comme de la propagande par les pays occidentaux4.

Enfin, les Palestiniens peuvent cacher des zombies. Dans World War Z (2013), le héros à la recherche de l’endroit sûr pour éviter les morts-vivants se réfugie à Jérusalem sur le conseil des militaires. Le territoire a été préservé de l’invasion par le mur de séparation de 6 mètres de haut et 700 kilomètres de long, érigé par les Israéliens contre les Palestiniens. C’est ce qu’on appelle un mur à double usage : contre les Palestiniens et les zombies. Dans Delta Force (1986), l’organisation mondiale New revolutionaries se réclamant de l’ayatollah Khomeini détourne un avion finalement libéré par le commando, non sans que Chuck Norris n’ait affronté le chef du commando en combat singulier. À bord, les commandos trinquent avec les otages libérés dans une étonnante interprétation de l’hymne America The Beautifulvantant le multiculturalisme et le patriotisme. On n’a pas souvenir d’un détournement d’avion commis par des militants khomeinistes, mais est-ce si grave ?

Dans Zero Dark Thirty (2012) qui raconte la traque d’Oussama Ben Laden, le film s’attarde longuement sur des séances de torture conduites par la CIA. Est-ce que celles-ci ont aidé la CIA à trouver la cachette de Ben Laden au Pakistan ? Le film n’est pas explicite à ce sujet.. Le président George W. Bush a validé juridiquement la torture en demandant à d’éminents juristes trois memorandum exploitant les limites des Conventions de Genève afin de priver « légalement » les prisonniers de la protection du droit international. Lors de la Journée internationale de soutien aux victimes de la torture en juin 2003, Bush n’en affirme pas moins que les États-Unis « se consacrent à l’élimination mondiale de la torture et qu’[ils] sont à la tête de ce combat en montrant l’exemple ».

LE POIDS DE LA GUERRE D’IRAK

Mais les choses changent là où on ne les attend pas, obligeant Hollywood à commencer à réfléchir. Les soldats sont devenus des cinéastes et ils ont vécu les horreurs de la prison d’Abou Ghraib, le massacre de Mahmoudiya en 2006, les vidéos de cadavres brûlés… « Pour le Vietnam, il a fallu attendre plus de dix ans entre le climax 1965-1968 et Apocalypse now (1979) ou Voyage au bout de l’enfer (1978) « aujourd’hui l’information s’accélère, il faut réagir plus vite », explique le réalisateur Paul Greengrass. Maintenant les films sortent alors que la guerre se poursuit.

Face à la difficulté de critiquer la politique officielle, les scénaristes privilégient toujours le thème fréquent du cinéma de guerre post-Vietnam, à savoir le traumatisme du combattant ou l’impossible retour au pays, mais restent muets sur le vécu des Irakiens ou des Afghans. Le film The Hurt Locker (Démineurs,2008) raconte le quotidien d’une équipe de déminage, avec sa dose d’adrénaline, mais le film évite le questionnement sur le bien-fondé du conflit et ses conséquences sur la population locale. L’invisibilité de l’ennemi sert à la fois à le rendre plus dangereux et à lui retirer son droit à la parole, voire à le déshumaniser. In the Valley of Elah (Dans la vallée d’Elah, 2007), le sujet reste les graves troubles psychologiques dont est victime le héros déserteur qui avait renversé un enfant avec un véhicule militaire.

Dans Redacted (2007), Brian de Palma choisit le mode documentaire pour évoquer des événements réels de la guerre en Irak, comme le viol d’une fillette de 14 ans par les marinesaméricains ou les attentats-suicides aux points de contrôle, s’inspirant des vidéos postées sur Internet par les soldats. Mais le film n’est sorti que dans 15 salles et il lui a été reproché de faire de la propagande antiaméricaine. Battle for Haditha (2007) est inspiré d’un attentat contre un convoi de marines en Irak qui causera en représailles la mort de 24 innocents en novembre 2005. Good Kill (2014) traite de la guerre moderne, celle qui se joue à coup de bombes lâchées par des drones pilotés par des soldats qui ne quittent pas le sol américain à travers un militaire antihéros dépressif. Il accuse les États-Unis d’attiser la haine et de fabriquer des terroristes.

Les films de pure propagande deviennent plus rares, mais le panel arabo-musulman reste suffisamment large et fourni pour que les scénaristes conçoivent encore quelques dizaines de films, de séries télévisées pendant une petite décennie avant que le filon ne s’épuise. Du moins l’espère-t-on.

PIERRE CONESA

1NDLR. Nom donné au pogrom contre les juifs qui se déroula dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 dans toute l’Allemagne.

2NDLR. Finale du championnat de football américain.

3Cité par François Jost dans De quoi les séries américaines sont-elles le symptôme ?, CNRS éditions, 2011 ; p. 54.

4Francesca Fattori (dir.), « Séries télévisées. Paix et guerre sur le petit écran », Carto n° 33, janvier-février 2016.

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Musique : « Al Musiqa », la culture arabe dans les oreilles !

MUSIQUE

Musique : « Al Musiqa », la culture arabe dans les oreilles !

25 mai 2018 à 18h04 | Par 

Pour la première fois en Europe, un événement d’envergure, « Al Musiqa », présentée jusqu’au 19 août à la Philharmonie de Paris, célèbre les musiques du monde arabe.

Quelques pas dans l’exposition, et l’on est accueilli par les vocalises d’un muezzin… Si al adhan, l’appel à la prière, est banal dans une grande partie du monde, c’est une incongruité en France, où l’on demande aux musulmans de rester discrets et aux minarets de garder le silence. L’événement « Al Musiqa », dont l’idée a germé peu de temps avant les attentats de 2015, donne à entendre les voix et musiques du monde arabe, sans exception, en bousculant les idées reçues.

Et fait preuve de pédagogie pour un public familial, rappelant par exemple que l’islam n’a pas banni la musique (même si elle est accusée par certains rigoristes de détourner le croyant de la piété), qu’il n’y a pas que le raï de l’autre côté de la Méditerranée, ou encore que des artistes rap et électro dopés par les mouvements révolutionnaires y sont très actifs.

Voyage musical loin des clichés

L’objectif de l’événement est audacieux, certains diront présomptueux : présenter toute l’inventivité sonore, la richesse musicale, du monde arabe sur pas moins de quinze siècles. Véronique Rieffel, ancienne directrice de l’Institut des cultures d’islam (Paris) et de l’Institut français d’Égypte (Alexandrie), a intelligemment relevé le défi en proposant une promenade en sept étapes et autant de thématiques.

chant avedissian

Entre ballade et balade, l’exposition nous transporte ainsi dans l’espace et dans le temps. Dans le désert pour découvrir la qasida, la poésie bédouine ; dans une ville arabe bercée par les chants religieux ; un palais médiéval pour approcher la musique de cour ; une zaouïa africaine à l’écoute des chants soufis ; un cinéma égyptien en compagnie d’Oum Kalsoum ; un café du quartier parisien de Barbès où sont diffusées les stars immigrées des années 1960 ; un spot branché pour découvrir l’électro chaabi venue de l’Égypte post-Moubarak.

« NOUS NE VOULIONS PAS D’UN DÉCOR EN CARTON-PÂTE QUI ÉVOQUE UN UNIVERS FANTASMÉ », PRÉCISE VÉRONIQUE RIEFFEL

Une ambition encyclopédique qui condamne parfois au survol et fait tiquer les spécialistes… mais qui a le mérite d’ouvrir des pistes pour aller plus loin. D’autant qu’une série de bornes audio, de playlists en ligne mais aussi des concerts programmés sur le lieu de l’exposition (le oudiste Tamer Abu Ghazaleh, le groupe électro 47 Soul ou le jazzman Anouar Brahem) complètent le dispositif.

Artistes arabes

Une autre bonne idée est de proposer le long du parcours un imaginaire visuel à contre-courant des clichés orientalisants. « Nous ne voulions pas d’un décor en carton-pâte qui évoque un univers fantasmé », précise Véronique Rieffel. La commissaire d’exposition avait déjà fait de la sortie de l’orientalisme l’un de ses chevaux de bataille à l’Institut des cultures d’islam. Ici, donc, pas de grandes toiles de Delacroix ou d’autres peintres convoquant l’exotisme arabe, « on les a déjà beaucoup vues… », mais des œuvres réalisées par les artistes arabes eux-mêmes.

Le résultat est spectaculaire, dès l’entrée de l’exposition, où le plasticien tunisien Nja Mahdaoui a suspendu au plafond 20 tambours décorés de calligraphies. Plus loin, dans la salle consacrée au cinéma égyptien, un mur est littéralement couvert d’« icônes du Nil » peintes par le Cairote Chant Avedissian, 54 portraits de stars et d’inconnus qui rendent hommage à l’âge d’or du pays, quand il rayonnait à l’international.

Nora Houguenade

Dans un espace confiné, plongé dans le noir, est projetée la vidéo de l’artiste d’origine algérienne Yazid Oulab, Le souffle du récitant comme signe. Dans une atmosphère mystique, les volutes de bâtons d’encens vibrent au son des récitations du Coran… ouvrant une porte sur le divin. Bref, les œuvres exposées et la scénographie (signée Matali Crasset) ne se contentent pas d’illustrer, elles accompagnent le visiteur.

On ressort de l’exposition avec la furieuse envie d’aller plus loin, de fouiller sur le web ou chez les disquaires pour en entendre encore un peu plus. Et lorsque l’on feuillette le livre d’or, ponctué des remerciements de visiteurs aux prénoms à consonance arabe, fiers qu’on s’intéresse enfin différemment à eux, on se dit que la portée de l’événement est loin d’être uniquement musicale.

Retrouver l’article sur le site de Jeune Afrique